Intervention de Bruno Cavagné

Réunion du 15 septembre 2015 à 16h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics :

J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer en ces lieux il y a quelques mois à propos de l'écotaxe et de son impact sur les travaux publics. Aujourd'hui, nous vivons un nouvel épisode qui aura à l'évidence des répercussions sur nos entreprises. Je veux évidemment parler de la baisse des dotations aux collectivités locales, dont les effets seront dévastateurs sur l'investissement public, l'économie et la vie de nos concitoyens.

En France, les travaux publics d'infrastructures sont réalisés par 8 000 entreprises de toutes tailles, et 270 000 salariés – contre 300 000 il y a encore peu de temps. Vous connaissez sans doute les plus importantes de ces entreprises, mais vous ne savez peut-être pas qu'elles sont présentes sur l'ensemble du territoire et que 80 % d'entre elles emploient moins de vingt salariés. C'est un atout, dans la mesure où nous contribuons ainsi à l'aménagement du territoire. Mais c'est aussi un gros handicap : à la différence de ce qui se passe pour les usines, quand nos petites entreprises perdent des salariés, on en parle assez peu. Par ailleurs, 70 % des 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires réalisés en France dépendent de la commande publique. Nos principaux clients sont les collectivités locales. Autant dire que, dès que l'on touche aux collectivités locales, on touche au secteur des travaux publics.

C'est un secteur en crise, et durablement en crise. Ses premières difficultés datent de 2008. On pouvait espérer une relance, puisque, depuis la nuit des temps, nos métiers sont cycliques. Or ce ne fut pas le cas.

En outre, cette baisse des dotations – 12,5 milliards à l'horizon 2017 et 28 milliards cumulés sur quatre ans – intervient au plus mauvais moment, alors même que l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF), qui participe au budget des contrats de plan État-région ainsi qu'au bloc communal, voit son budget contraint. M. Christian Eckert, que j'ai rencontré au mois de juillet, a été incapable de me donner des précisions sur ce point, se contentant de m'indiquer que « ce devrait être à peu près la même chose ». Mais qu'est-ce que cela signifie ? 1,7 milliard, 1,8 milliard, 1,9 milliard ? Il n'y a pas si longtemps, dans son rapport Mobilité 21, M. Philippe Duron préconisait de porter le budget de l'AFITF à 2,2 milliards, puis à 2,5 milliards. Encore cela ne permettait-il pas de financer les grands projets ! On peut donc se demander si le Gouvernement ne souffre pas de schizophrénie : il multiplie les annonces sur les grands projets, comme le canal Seine-Nord, mais, en même temps, il ferme tous les robinets de la commande publique !

Je ne défends pas ici que les intérêts de mon secteur : je défends ceux de notre pays, et son économie. Or, on le voit, nous sommes en très grande difficulté. En matière d'infrastructures, tous les indicateurs sont au rouge : dans le domaine de l'eau, 25 % de la ressource part dans la nature ; les coupures d'électricité sont de plus en plus nombreuses, année après année ; pour les routes nationales, l'investissement a baissé de 50 % en cinq ans ; chaque jour, faute d'entretien, on ferme un pont, dans les campagnes, mais aussi dans les villes, comme récemment à Narbonne.

La France, qui semble très bien équipée, baisse dans les classements internationaux. Elle est ainsi passée de la quatrième à la dixième place entre 2008 et 2015. En matière d'équipements portuaires, elle est passée de la dixième à la trente-deuxième place et, en matière d'équipement aéroportuaire, de la cinquième à la dix-septième place.

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