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Intervention de Bruno Cavagné

Réunion du 15 septembre 2015 à 16h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics :

L'aménagement du territoire ne doit pas être un vain mot. Si nous ne voulons pas, demain, d'une France à deux vitesses, il faut dès aujourd'hui aider les départements ruraux qui font la richesse de la France – alors qu'on insiste beaucoup sur les métropoles – et où sont installées nombre de nos petites entreprises.

Vous nous avez demandé quand nous avions senti les effets de l'ajustement des budgets locaux. Déjà, en 2008, nous avions observé une baisse des effectifs, laquelle s'est accélérée à partir de 2013. Cela nous inquiète énormément. La baisse des dotations se profile, et nous avons déjà perdu 30 000 emplois. En outre, nous savons que 2016 sera l'année de la fin des grands projets.

À propos des grands projets, je ferai une remarque. Lorsque nous avons construit la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, dont le chantier va se terminer en 2016, nous sommes allés très loin en matière d'écologie, en veillant à la protection de nombreuses espèces. Nous sommes tous d'accord pour faire du développement durable. Néanmoins, je considère qu'il faut placer le curseur au bon endroit, et ne pas devoir mettre des personnes au chômage parce que l'on a décidé de protéger des chauves-souris en leur aménageant des aires d'envol, comme ce fut alors le cas !

On sait donc que l'année 2016 sera extrêmement compliquée. Et toutes les élections passées ou à venir ne peuvent qu'aggraver la situation : d'abord les élections municipales et départementales – où nous avons élu des conseillers dont on ne connaît pas exactement les compétences ; ensuite les prochaines élections régionales et présidentielles. Les élus ne savent plus quoi faire…

La réunion de ces facteurs aboutit aujourd'hui à une réelle baisse de l'activité. Vous avez dit qu'il fallait que tout le monde fasse des efforts, car le budget de notre pays s'avérait pour le moins « compliqué ». Je suis tout à fait d'accord. C'est bien pour cela que j'avais demandé que l'on étale les baisses de dotations sur cinq ans et non trois. Les collectivités auraient pris acte de ces baisses, mais auraient pu continuer à investir et les entreprises auraient su à quoi s'en tenir. C'est de la visibilité que je demande au Gouvernement. Nous avons besoin de savoir ce qu'il veut. Hier, nous faisions 40 milliards. Si, demain, nous ne devons plus en faire que 30, nous nous adapterons. Mais dites-le-nous ! Donnez-nous vos priorités ! Qu'on ne change pas la règle tous les ans !

Nos entreprises ont gardé de l'emploi, notamment les PME, en se disant que la situation allait s'améliorer. Mais ce n'est pas le cas et, cette année, nous allons perdre de 10 000 à 15 000 salariés supplémentaires. Certaines de nos entreprises sont au fond du ruisseau. J'étais ce matin au conseil d'administration de BTP Banque et j'ai consulté des documents – sur les trésoreries et les défaillances d'entreprises – qui font froid dans le dos. Dans le secteur des travaux publics, en tout cas, les gens ne voient pas comment la situation pourrait s'arranger dans les deux prochaines années. Ils ne croient pas au miracle et ne se font pas d'illusions.

La première fois que j'ai rencontré Emmanuel Macron, je lui ai dit qu'il fallait en finir avec les effets d'annonce. Tant qu'on se contentera de prendre un milliard à droite pour le mettre à gauche et que, en fin de compte, il ne restera que 500 millions d'euros, on ne s'en sortira pas. Notre profession demande la vérité. Elle ne réclame pas de faire demain 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires, mais elle veut savoir à quoi s'attendre. Le rôle de l'Assemblée nationale n'est-il pas aussi est de mettre la pression sur le Gouvernement pour l'amener à nous le dire ?

J'en viens au CICE et à la baisse des charges. Sur ce sujet, le MEDEF – dont je fais partie – ne tiendrait sans doute pas le même discours que moi. Mais, en tant que président de la FNTP, ce qui m'intéresse, ce sont les travaux. Or à quoi bon une baisse des charges si je n'ai plus de travaux à réaliser ? Donnez-nous du boulot et, ensuite, éventuellement, baissez-nous les charges !

Enfin, j'ai entendu le Président de la République annoncer qu'il allait baisser de 2 milliards d'euros les impôts d'une certaine catégorie de Français. C'est un choix politique que je ne partage pas, car ces 2 milliards d'euros vont être éparpillés. Les salariés des travaux publics préféreraient que l'on consacre cette somme à préserver leur emploi, plutôt qu'à baisser leurs impôts – que la plupart ne paient d'ailleurs pas, en raison des difficultés rencontrées par notre secteur. Nous avons besoin de visibilité. Malheureusement, aujourd'hui, notre profession ne sait pas où elle va.

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