Intervention de Alain Piquet

Réunion du 15 septembre 2015 à 16h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Alain Piquet, vice-président de la Fédération française du bâtiment, FFB :

Vous parliez de « dépenses », mais on peut aussi parler de « ressources ». Le bâtiment n'est pas un secteur consommateur d'épargne, c'est un moteur. Si nous réussissons à relancer le logement, nous retrouverons des recettes locales à travers les droits de mutation. En outre, nous entraînons derrière nous de nombreuses activités – vente de meubles, aménagements, déménagement – qui connaissent aujourd'hui des difficultés. Le logement est donc aussi un vrai support d'activité.

Mais nous ne faisons pas que de la construction, nous faisons aussi de la rénovation : la rénovation énergétique est un élément fondamental de notre activité. L'activité du bâtiment se ventile ainsi : 25 % pour le logement, 15 % pour les autres bâtiments neufs, et 60 % pour l'entretien et la rénovation. Nous intervenions autrefois beaucoup plus sur le neuf et beaucoup moins sur l'entretien. Hélas, dès qu'il s'agit d'économiser, le premier poste de dépenses qui est touché – aussi bien dans les collectivités que dans les familles – est celui de l'entretien. On reporte les peintures à l'année suivante… et nous perdons de l'activité.

Il est important d'accompagner le volet de la rénovation énergétique. Chaque fois que je rencontre le représentant d'une collectivité territoriale, je l'invite à se pencher sur le plan Juncker, qui offre un droit de tirage pour récupérer des fonds. Permettez-moi d'évoquer l'exemple de ma région. Après le 6 juin 1944, la Normandie a beaucoup souffert, les Anglais et les Américains démolissant de nombreuses villes pour nous sauver. Le patrimoine de la reconstruction a donc aujourd'hui cinquante-cinq ou soixante ans. La réhabilitation du patrimoine des villes reconstruites serait, selon moi, un thème fédérateur.

Le plan Juncker pourrait aussi nous aider à travailler sur le problème des copropriétés et de l'engagement des travaux de rénovation énergétique. Le patrimoine du logement social a déjà été réhabilité au moins une fois, et beaucoup de copropriétés sont dégradées.

Je vous invite par ailleurs à lire le rapport qu'a rédigé Didier Ridoret pour le Conseil économique, social et environnemental : on y apprend que, en trente ans, l'Allemagne a voté une loi sur le logement et que la France en a voté neuf. Une, c'est peut-être un peu court ; mais neuf, c'est peut-être un peu trop. Un investisseur en logements a besoin de durée, de dispositions pérennes, et que l'on ne change pas de politique tous les deux ans.

Il a été question de normes. La réglementation thermique 2012, qui a rendu obsolète l'ensemble du patrimoine existant, est une chance pour le bâtiment. Mais elle a augmenté les coûts, d'autant plus qu'elle s'ajoute aux dispositions de la loi handicap. Aujourd'hui, on nous dit que cela coûte trop cher de construire ! Il faut donc trouver des solutions pour réduire les coûts et rendre l'ensemble de ces décisions pérennes.

S'agissant de la main-d'oeuvre étrangère, la Fédération française et les entreprises du bâtiment vous remercient. En effet, l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics impose maintenant au maître d'ouvrage de veiller sur l'offre anormalement basse et de la rejeter. Cette disposition s'applique aussi bien à l'offre du marché de base qu'aux contrats de sous-traitance. Il est vrai que certains maîtres d'oeuvre doivent gagner en compétence. Cela dit, si la main-d'oeuvre étrangère arrive en grand nombre, c'est parce que les prix sont horriblement bas et que de nombreuses entreprises n'ont trouvé que ce moyen pour survivre. Il faut donc continuer de lutter contre l'offre anormalement basse.

Il faut aussi faire en sorte que les marchés ne soient pas surdimensionnés, sous-traités sur plusieurs rangs, car cela met en difficulté les PME et les TPE. Or l'ordonnance du 23 juillet – décidément fondamentale pour nous – réaffirme le principe de l'allotissement et nous apporte une deuxième clé de réussite. La carte d'identification professionnelle figure dans la loi Macron et il ne reste plus, par voie réglementaire, qu'à trouver qui la gérera et sous quelles conditions. Mais, surtout, il faut appuyer les contrôles.

Je suis très heureux d'entendre – même si je ne l'avais pas vu sous cet angle – que la loi NOTRe a fixé les choses. Peut-être pourra-t-on enfin respirer l'année prochaine, mais il faudra veiller au niveau de compétence des services des collectivités territoriales. En effet, les regroupements de collectivités territoriales sont en train de se faire et les directions départementales de l'équipement (DDE) n'existent plus. Il faut retrouver cette compétence technique de la commande publique. Il n'est pas de bonne opération sans bon programme : c'est pourquoi le maître d'ouvrage, le décideur, doit gagner en compétence.

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