Intervention de Frédérique Pfrunder

Réunion du 15 septembre 2015 à 18h00
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Frédérique Pfrunder, déléguée générale du Mouvement associatif :

Sans prétendre à l'exhaustivité, je voudrais vous communiquer quelques éléments chiffrés qui vous donneront une idée du paysage associatif.

On estime à environ 1,3 million le nombre d'associations vivantes en France, dont 85 % ne comptent que des bénévoles. Les 15 % d'associations employeuses représentent environ 10 % de l'emploi privé. L'enquête intitulée La France associative en mouvement, publiée par Recherches et Solidarités, montre que, dans certaines régions, comme l'Auvergne, la Basse-Normandie ou la Franche-Comté, l'emploi associatif représente plus de 12 % de l'emploi privé, ce qui est loin d'être négligeable. Dans certaines zones rurales, les principaux employeurs peuvent être des associations. Ces employeurs associatifs, qui sont très divers, emploient souvent moins de trois salariés : 75 % des associations culturelles et 78 % des clubs sportifs sont dans ce cas.

Venons-en à leur financement. Dans sa deuxième édition du Paysage associatif français, Viviane Tchernonog a constaté une baisse significative de la part des financements publics dans les budgets associatifs : elle est passée de 51 % en 2005 à 49 % en 2011. Sur ces 49 %, la part des communes suit la même tendance que celle de l'État et elle commence à décliner – elle est passée de 14 % à 11,5 % entre 2005 et 2011 – au profit de celle des régions et des départements. Cela étant, les communes restent des financeurs très importants et des interlocuteurs essentiels pour les associations ; elles sont aussi les garantes de leur diversité : 58 % des associations reçoivent moins de 200 euros par an, le plus souvent sous la forme de subventions municipales. Nous sommes là dans le registre de la cohésion citoyenne et de l'animation des territoires plutôt que dans la gestion d'un pan de politique publique.

Les modalités du financement public ont elles-mêmes évolué au cours des dernières années : la part de la commande publique a augmenté au détriment des subventions. Les associations de taille moyenne, qui n'ont pas forcément la capacité de répondre à la commande publique, ont été les plus affectées par la baisse des subventions qu'elles ont répercutée sur leur masse salariale ou sur les tarifs de leurs prestations ou de leurs cotisations. Les moyennes structures sont plus fragilisées que les petites qui fonctionnent avec des bénévoles, ou que les très grosses qui peuvent s'adapter, malgré les difficultés.

Même s'il est trop tôt pour avoir des données consolidées de la part des réseaux, nous avons quelques indications sur les effets de la baisse des dotations actée par les communes. La Fédération d'associations de théâtre populaire (FATP) annonce que quatorze des quinze associations qu'elle regroupe subissent des baisses de subventions qui s'échelonnent entre 8 % et 52 %. Dans dix cas, les baisses sont le fait de communes. Le réseau des Maisons des jeunes et de la culture (MJC) signale aussi des réductions assez fortes et générales, notamment en Champagne-Ardenne et en Île-de-France. Si la baisse de subvention est de 5 % ou 10 %, elle ne met pas en péril la structure. Si la baisse est plus importante, elle n'est pas seulement liée aux contraintes budgétaires, mais il est difficile de mesurer la part imputable aux choix politiques qui interviennent après des élections municipales.

Dans La France associative en mouvement, Recherches et Solidarités a interrogé des responsables associatifs sur leur perception de l'évolution de leurs relations avec les communes en 2015. S'agissant du soutien financier, 27 % d'entre eux estiment qu'il est « en régression », 48 % « sans changement » et 8 % « en amélioration ». Ces chiffres ne sont donc pas totalement négatifs pour 2015. Toutefois, 48 % des responsables associatifs considèrent que les mois à venir seront « difficiles » voire « très difficiles ». De nombreux documents publiés par les communes annoncent des baisses de subvention aux associations, sans qu'elles soient quantifiées à ce stade.

Le fonctionnement des associations peut être affecté par d'autres aspects de la baisse des dotations que le financement direct. En matière d'équipement, qu'il s'agisse d'investissements ou d'entretien, les restrictions annoncées par les communes auront un impact sur les associations qui interviennent dans les domaines du sport, des loisirs ou de la culture. Elles ont besoin de ces équipements communaux pour fonctionner. Faute d'avoir accès à suffisamment d'équipements en bon état, certaines associations pourraient être contraintes de réduire, voire de supprimer leurs activités. Dans une moindre mesure, les contraintes budgétaires s'appliquant aux communes peuvent avoir un effet sur la mise à disposition de personnel ou l'aide apportée en matière de communication.

Les effets à craindre de cette baisse des financements provenant des communes sont faciles à imaginer. Les associations peuvent envisager une diminution de leur masse salariale sous différentes formes : licenciements, non-renouvellement de contrats à durée déterminée (CDD), multiplication des contrats à temps partiel. De telles mesures auraient des conséquences sur la qualité de l'emploi associatif. Les associations peuvent aussi recourir à une augmentation des tarifs de leurs prestations ou de leurs activités pour équilibrer les budgets, ce qui peut conduire à une sélection des publics, pratique très éloignée du projet associatif initial. Elles peuvent aussi se concentrer sur les activités identifiées comme les plus rentables, mais pas toujours les plus innovantes, alors que l'une des forces de ce milieu est de savoir inventer, expérimenter et proposer. Si les subventions se réduisent et que chacun parie sur la tranquillité, on peut craindre un amoindrissement important de cet apport associatif. Une frilosité des financeurs est à redouter.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion