Intervention de Andrzej Byrt

Réunion du 16 septembre 2015 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Andrzej Byrt, ambassadeur de la République de Pologne en France :

Je vous remercie de m'avoir invité pour présenter le point de vue de la Pologne sur les questions de sécurité.

Je commencerai par resituer les forces armées polonaises par rapport à celles de la France, ainsi qu'au sein des structures internationales, notamment de l'OTAN. La Pologne fait partie des six grands pays de l'Union européenne – « the Big Six » –, mais c'est le plus petit des six. Le territoire de la Pologne fait environ 60 % de celui de la France. Il en va de même pour sa population, avec 36 millions de Polonais qui vivent en Pologne, et deux millions qui sont partis travailler, au cours des dix dernières années, dans différents pays de l'Union européenne, surtout au Royaume-Uni, mais aussi en Irlande et en Allemagne et, à un degré bien moindre, en France.

En termes d'effectifs, d'après la revue internationale Combat, l'armée polonaise se classe, avec 100 000 soldats, au quarante-quatrième rang mondial. La Pologne a réduit son armée – elle est quatre fois moins importante qu'à l'époque où le pays était membre du pacte de Varsovie – et l'a professionnalisée. À titre de comparaison, les armées de nos deux grands voisins de l'Est, la Russie et l'Ukraine, comptent respectivement 700 000 et 160 000 hommes. Au sein de l'OTAN, la Pologne dispose de la septième armée européenne, derrière l'Italie, la France et le Royaume-Uni, la Grèce, l'Espagne et l'Allemagne.

De même que la France, nous possédons trois armes : une force terrestre, une force aérienne et une force navale.

Nos dépenses de défense atteignent aujourd'hui 2 % du produit national brut. La masse salariale représente un quart de ces dépenses, et les achats d'équipements militaires un autre quart.

S'agissant de l'équipement militaire, d'après les revues internationales spécialisées, l'armée polonaise se classe au vingt-cinquième rang mondial. Elle est moins bien équipée que d'autres armées européennes, notamment celles de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni. Le développement de la défense aérospatiale et de la défense antimissile de moyenne ou longue portée constitue des programmes de modernisation prioritaires pour la Pologne. Leur déficit à l'heure actuelle devrait être compensé, en cas de nécessité, par les capacités de l'OTAN. Nous allons dépenser environ 25 milliards d'euros pour notre armement sur plusieurs années, La Pologne a une longue histoire de participation aux missions de l'Organisation des Nations unies (ONU) : de la fin de la guerre de Corée en 1953 à aujourd'hui, environ 80 000 soldats polonais ont servi sous le casque bleu. Lorsque la Pologne était un pays communiste, elle a déployé des observateurs dans plusieurs pays, notamment sur la ligne de démarcation entre les deux Corée – ces observateurs sont restés jusque dans les années 1990 –, mais aussi en Indochine. Après le changement politique de 1989-1990, elle a participé à presque toutes les grandes opérations des Nations unies, au Moyen-Orient, en Afrique ou encore à Haïti. Les soldats polonais ont donc établi de longue date des contacts avec leurs partenaires au sein de l'ONU.

Après le changement politique, la Pologne a immédiatement décidé de rejoindre l'OTAN. Ce choix a été soutenu par toutes les forces politiques du pays, de droite comme de gauche. Depuis lors, les forces polonaises sont en contact avec les forces alliées en Europe. Dès les premiers contacts, ces dernières, y compris les forces françaises, ont pu utiliser les polygones d'entraînement polonais, qui sont bien équipés et adaptés aux grandes manoeuvres. Ainsi, les manoeuvres militaires les plus importantes en Europe au cours des dernières années se sont déroulées sur le territoire polonais. Ces polygones d'entraînement sont les terrains qui entouraient les anciennes bases militaires soviétiques, démantelées après le retrait d'Europe centrale des soldats russes et de leur équipement, achevé en 1993. Je rappelle que, en cas d'agression contre le pacte de Varsovie, le commandement militaire soviétique du front ouest aurait été localisé en Pologne.

Actuellement, les unités des forces armées polonaises sont engagées sur différents théâtres d'opérations au sein de forces de l'ONU ou de l'OTAN, notamment en Afghanistan, en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo – un contingent de soldats polonais participe à la KFOR – et dans les pays baltes – des pilotes et membres du personnel de soutien participent à la mission Baltic Air Policing, qui consiste à protéger l'espace aérien de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie. En Irak, les forces armées polonaises ont été responsables de la sécurisation du commandement américain pendant toute la durée de l'opération. La Pologne était déjà intervenue aux côtés des Américains à Haïti il y a plusieurs années.

En Pologne, la chaîne de responsabilité politique et de commandement est analogue à celle qui existe en France : le Président de la République, qui est le chef des armées, puis le ministre de la Défense, puis le chef d'état-major. Les missions de l'armée polonaise sont de mêmes natures que celles de l'armée française : défense de l'État et de ses intérêts stratégiques ; défense de l'intégrité territoriale du pays et de sa population ; stabilisation de la situation internationale et participation à des opérations de gestion de crise et humanitaires ; sécurité interne et aide à la population dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et en cas de catastrophe naturelle.

Si l'on excepte les États qui possèdent l'arme nucléaire tels que la France et que l'on ne tient pas compte du personnel civil, d'après le magazine international Global Firepower, les forces polonaises se classeront au dix-neuvième rang mondial en 2015. La Pologne est donc un pays moyen par sa taille et sa population qui dispose d'une armée d'importance moyenne, tant par ses effectifs que par son activité au sein des différentes organisations internationales de sécurité.

Pendant de longues années après le changement politique, l'armée polonaise est restée équipée par du matériel soviétique, lequel avait d'ailleurs été produit dans une grande mesure en Pologne, notamment les chars et les hélicoptères d'attaques MIL. Les trois grandes usines qui fabriquaient les MIL ont été démantelées et en partie rachetées par trois groupes internationaux. Ainsi, le groupe américain Sikorsky et le groupe italo-britannique AugustaWestland produisent en Pologne des hélicoptères d'attaque destinés à l'exportation – pour Sikorsky, il s'agit des Black Hawk. Actuellement, après avoir choisi les hélicoptères de transport Caracal, nous sommes en négociation avec le groupe Airbus pour que le montage et la manutention d'une partie de ces hélicoptères soient faits en Pologne, les premiers appareils devant être fabriqués en France. Il y aura donc un troisième site de production d'aéronefs militaires en Pologne.

La Pologne a acheté de nouveaux équipements militaires. Elle a notamment acquis 50 avions d'attaque F-16, ainsi que des avions de transport américains – Hercules – et espagnols – CASA. Elle a aussi modernisé son parc de véhicules blindés, en produisant les Rosomak sous licence finlandaise, ainsi que son système de missiles antichars, en se dotant de missiles de type Spike dans le cadre d'une coopération avec Israël. Elle dispose aujourd'hui des chars Leopard 2, ainsi que des avions d'attaque soviétique Su-22.

Aujourd'hui, la Pologne réalise de nombreux programmes d'armement. Deux grands d'entre eux ont commencé par les négociations exclusives, le premier pour l'achat de batteries américaines de missiles antimissiles de type Patriot, le second pour l'acquisition des hélicoptères Caracal – c'est une victoire pour Airbus en Pologne.

La coopération entre la France et la Pologne en matière d'industrie de défense se développe depuis de nombreuses années et va s'intensifier, non seulement avec Airbus, mais aussi avec MBDA et Thales, qui sont présents en Pologne depuis vingt-cinq ans.

La Pologne se prépare à la réalisation du programme d'acquisition des trois sous-marins.. L'offre française pour ce programme en Pologne comprend à la fois les sous-marins et leur équipement, à savoir des missiles de croisière.

Nous disposons d'une bonne force de défense et de frappe aérienne grâce à nos cinquante F-16 et nous allons construire notre défense antimissile et notre défense antiaérienne. Nous avons acheté des batteries de missiles Patriot, destinés à intercepter les missiles balistiques de courte portée. Nous disposons également de missiles norvégiens pour défendre notre littoral.

La défense antimissile constitue pour la Pologne le projet primordial, car dans notre voisinage immédiat, dans la région de Kaliningrad, les Russes ont déjà déployé des soldats et des stations de missiles Iskander. Ils ont déclaré qu'ils installeraient probablement des Iskander munis de têtes nucléaires. Ceux-ci peuvent atteindre des villes et centres polonais.

Les forces russes font régulièrement des manoeuvres dans la région de Kaliningrad. En 2009 et 2013 ils avaient organisé l'exercice militaire en Russie et en Biélorussie, intitulé Zapad – ce qui signifie « Ouest » –, dont l'objectif final affiché officiellement était de frapper Varsovie avec l'arme nucléaire. Il s'agissait notamment de tester la réaction de nos partenaires de l'OTAN.

Ainsi que je l'ai indiqué, la Pologne accélère ses achats d'équipements militaires. Au cours des cinq années qui lui restent pour réaliser son plan de modernisation, elle va dépenser encore 25 milliards d'euros. Il s'agit de préparer l'armée aux défis d'aujourd'hui. Même si nous devons y penser, ceux-ci n'incluent plus, selon moi, le risque de guerre nucléaire dans cette partie de l'Europe, tel que l'envisageaient auparavant les plans du pacte de Varsovie, c'est-à-dire de l'Union soviétique et de ses alliés, y compris la Pologne dite populaire – terme dont l'on doit se méfier, car il cache à n'en pas douter des intentions peu amicales, ainsi que nous le voyons aujourd'hui avec les Républiques « populaires » de Donetsk et de Lougansk. À l'époque, en cas de guerre, le territoire polonais serait devenu le théâtre d'opérations des deux grands blocs, le pacte de Varsovie et l'OTAN. En théorie, en cas d'attaque de l'OTAN, la Pologne devait jouer le rôle de barrière du pacte de Varsovie. Elle risquait de subir un bombardement nucléaire, c'est-à-dire d'être rasée.

C'est d'ailleurs ce qui a amené l'un des officiers exerçant des responsabilités au sein du commandement du pacte de Varsovie, le colonel Kukliński, à transférer aux Américains les plans du pacte en matière d'attaques nucléaires. Il a pu s'enfuir avec sa femme et ses deux fils avant d'être condamné à mort en Pologne. Après la démocratisation du pays il a été réhabilité et il a pu revenir en Pologne.

Quelles menaces éventuelles devons-nous envisager ? Je me concentrerais non pas sur les menaces dont nous avons tous été témoins lors de l'agression de la Géorgie, de la prise de la Crimée ou des combats dans le Donbass, qui se poursuivent encore, mais sur ce qui pourrait se passer en Pologne si les choses devaient se développer de manière imprévue avec notre grand voisin russe, avec lequel nous possédons une frontière commune.

Chaque jour, plusieurs milliers de citoyens russes font l'aller-retour entre la région de Kaliningrad et les trois ports polonais de Gdańsk, Gdynia et Sopot, qui se trouvent à 80 kilomètres environ de la frontière polono-russe. Ils n'ont pas besoin d'un visa Schengen, mais peuvent uniquement rejoindre ces trois ports. Ils pratiquent un commerce de navette, sans difficulté car il n'y a aucune attitude anti-russe en Pologne. Ce flux continuel a d'ailleurs permis à de grands groupes de commerce de détail, en particulier français, d'ouvrir des centres importants à la frontière polono-russe. Les Russes qui se rendent en Pologne font des achats pour leurs familles, qu'ils font transporter vers la Russie, parfois en essayant de contourner l'embargo sur certains produits agroalimentaires. La région de Kaliningrad est aussi un centre d'approvisionnement pour l'armée russe.

Jusqu'à présent, ces contacts, qui ont un caractère très sympathique, se déroulent de manière tout à fait normale. Selon moi, il n'y a pas, pour le moment, de risque d'incident inattendu le long de ce petit corridor, à condition que les autorités russes ne décident pas de le tester.

Cela étant, nous sommes tous témoins d'actions d'intimidation de la part de l'armée russe, en particulier de vols d'avions russes le long des frontières, dans la Manche, au large de la Norvège et, surtout, dans la mer Baltique. Régulièrement, des avions russes s'introduisent dans l'espace aérien des trois pays baltes, puis en ressortent escortés par les avions des pays de l'OTAN qui participent à la mission Air Baltic Policy, y compris par des Rafale français qui décollaient des bases polonaises. C'est devenu un exercice quasi quotidien.

Par ailleurs, la Russie et la Biélorussie parlent de l'installation de nouvelles bases militaires russes en Biélorussie, à proximité de la frontière de l'OTAN. Ils vont probablement le mettre en oeuvre en prétendant que l'OTAN est l'ennemi numéro un de la Russie dont ils doivent se défendre. Ce n'est pas vrai, mais telle est la rhétorique qui domine les débats stratégiques aujourd'hui en Russie.

Dans ce contexte, comment les relations polono-françaises se présentent-elles ? Du point de vue des pays d'Europe centrale, les dangers risquent de venir de l'Est, mais nous sommes aussi conscients que des événements dramatiques se déroulent au Sud. C'est pourquoi la Pologne a déployé au total près de 600 hommes dans le cadre de différentes missions en appui aux forces françaises au Tchad, au Mali et en République centrafricaine. La France est présente en Afrique et, parmi les grandes puissances, elle est celle qui possède la meilleure connaissance de la région. Elle sait donc détecter les dangers qui peuvent y apparaître. Nous avons soutenu la France et ses actions en Afrique y compris avec nos soldats et nos gendarmes. De notre côté, nous prions les autres pays, notamment la France, d'envisager les dangers éventuels qui peuvent venir de l'Est.

Un des dangers actuels, c'est cette vague inattendue de migrants, de réfugiés et de victimes des conflits au Moyen-Orient et, dans une certaine mesure, en Afrique du Nord. Elle a d'abord déferlé sur les côtes italiennes, puis grecques. Désormais, les migrants ont trouvé une autre voie, à travers les pays des Balkans, pour rejoindre leurs trois pays « préférés » : l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède. Pour le moment, il n'y a eu aucun risque de conflits interhumains dans les pays qui jouent ce rôle de corridor. Mais cet afflux a créé un petit chaos dans certains d'entre eux. Débordés, les Hongrois ont décidé d'installer un grillage le long de leur frontière avec la Serbie et de modifier leur législation, ce qui a suscité de nombreuses critiques en France et ailleurs. Ces décisions ne me plaisent pas non plus, mais l'entrée de 150 000 personnes en Hongrie équivaut à celle de deux ou trois millions de personnes en France, si l'on tient compte du fait que la France est six fois plus peuplée que la Hongrie et que la richesse par habitant y est trois fois plus élevée. Du point de vue des Hongrois, c'est probablement la seule solution qu'ils ont pu mettre en oeuvre à bref délai.

Comment l'Europe devrait-elle réagir ? À court terme, il est clair qu'il faut accueillir et loger les migrants. Mais, dans le même temps, il faut faire un tri entre les différents types de nouveaux venus et les enregistrer. Une partie d'entre eux sont des migrants économiques – 60 à 65 % selon votre ministre de l'Intérieur, mais les estimations varient. Ils viennent chercher un meilleur avenir, ce qui est humain et que chacun d'entre nous peut comprendre.

Cela irait si cet afflux s'arrêtait dans un mois. Mais nous pouvons être sûrs qu'il ne s'arrêtera pas. Les Allemands ont provoqué un appel d'air en déclarant qu'ils pouvaient accueillir 800 000 personnes cette année. De manière logique, les migrants ont décidé de se rendre en Allemagne. Peu d'entre eux possèdent des pièces d'identité, mais tous ont un smartphone, et l'information passe : ceux qui sont déjà arrivés dans un pays européen invitent les autres à les rejoindre.

La plupart des nouveaux arrivants sont des jeunes qui ont suffisamment de force pour tenter ce voyage dangereux, qui peut se conclure par la mort, comme cela a malheureusement déjà été le cas. Une fois qu'ils ont été acceptés dans un pays, ils font venir leur famille, c'est-à-dire trois ou quatre personnes supplémentaires. S'ils ne sont pas acceptés, ils sont en principe refoulés. Mais, d'après les données dont nous disposons, seule une petite partie des décisions de renvoi sont effectivement appliquées. Ces personnes restent alors en Europe en situation irrégulière.

La grande majorité d'entre eux se comporte de manière irréprochable. Mais, de temps en temps, il y a des excès qui affectent la population du pays d'accueil. Des djihadistes se sont sans aucun doute insérés parmi les migrants, mais personne n'est en mesure de les identifier : s'il existe des scanners qui permettent de détecter les personnes dans les poids lourds – j'en ai vu lorsque je me suis rendu à Calais ; aucun appareil ne permet de voir ce qui se passe dans la tête des nouveaux venus ! Tout en aidant les migrants et réfugiés, dont le destin est souvent dramatique, nous devons tenir compte du fait qu'une partie d'entre eux peut éventuellement constituer un danger à l'avenir.

Que doit-on faire ? Je n'ai pas de solution, mais chacun d'entre nous a des idées et, surtout, un coeur, face au destin dramatique de ces personnes qui essaient de nous rejoindre. Les ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères de l'Union européenne ont lancé l'idée de financer et d'organiser des camps d'enregistrement – en anglais, hotspots – à proximité de la frontière syrienne, en Turquie, au Liban et en Jordanie. Il s'agirait de créer les conditions pour que les migrants restent sur place. Sinon, ils seront toujours attirés – c'est humain et compréhensible – par les conditions de vie meilleures en France, en Allemagne ou même en Pologne. Il est cependant impossible d'installer de tels camps d'enregistrement en Libye, la stabilisation de ce pays étant encore une perspective lointaine.

Dès le début de la crise, la Pologne a décidé d'accueillir 200 familles de chrétiens syriens. Les hommes ont obtenu un travail, comme chauffeur ou gardien par exemple, et on a donné la chance à des femmes parlant bien le français de l'enseigner dans les écoles, même si elles ne connaissaient pas le polonais. Ces familles sont venues en Pologne mais, au bout de deux semaines, les deux tiers d'entre elles ont disparu. Deux de ces familles ont été interceptées par les services frontaliers à la frontière polono-allemande. Elles ont indiqué qu'elles se rendaient en Allemagne, où les conditions de vie étaient meilleures et où elles avaient des contacts.

Ce phénomène pose un problème pour toute répartition des migrants entre les États membres de l'Union européenne. Dans un premier temps, la Commission européenne a proposé de répartir 45 000 personnes, et la Pologne a accepté d'en accueillir 2 000. Désormais, la Commission propose de répartir 160 000 personnes, chiffre qui reste cependant très inférieur aux besoins. La Pologne devrait en accueillir 12 500, et elle le fera. Cependant, pour retenir ces personnes en Pologne, il faudrait à mon avis renforcer la sécurité aux frontières de l'Union. Car, sinon, tôt ou tard, une grande majorité d'entre elles partira vers des pays plus attractifs, notamment la Suède – c'est pourquoi le Danemark a fermé sa frontière avec l'Allemagne – ou l'Allemagne, la frontière polono-allemande, longue de 400 kilomètres, étant très facile à franchir, en voiture ou même à gué. J'ai entendu hier sur YouTube le témoignage d'un groupe de migrants syriens qui vivaient relativement bien en Turquie, mais qui ont décidé de se rendre en Allemagne après avoir constaté que les conditions de vie y étaient meilleures. Les choses sont aussi simples que cela.

La seule solution, à terme – c'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire –, c'est d'apaiser la situation en Syrie, ce qui suppose de combattre Daech. Je me prononcerais personnellement en faveur d'une intervention terrestre, après avoir obtenu l'accord du Conseil de sécurité des Nations unies – mais je crains que les Russes ne s'y opposent : Les bombardements ne semblent pas être suffisants. L'État islamique fait preuve d'un dynamisme effrayant et ne semble pas sur le point de s'arrêter. S'il ne s'arrête pas, il y aura d'autres victimes et, donc, la tentation – humaine, normale et compréhensible, je le souligne encore une fois – de s'en aller vers d'autres pays où l'on ne risque pas sa vie et celle de ses proches.

En Libye, la destruction du régime de Kadhafi a fait exploser les structures du pays, qui depuis n'est pas en mesure de garantir la sécurité des frontières et du littoral. Cela étant, les tentatives espagnoles de contenir l'afflux de migrants vers Ceuta et Melilla ont été couronnées de succès. Il y a deux ou trois ans, les Espagnols étaient débordés par le nombre de personnes – environ un millier – qui sautaient les grilles et demandaient l'asile en Espagne. Aujourd'hui, c'est pratiquement terminé. L'Espagne a signé des accords avec les États voisins. Mais si le Maroc est un pays capable de tenir ses engagements, tel n'est évidemment pas le cas de la Libye.

Nous devons alors faire face à l'afflux massif de migrants. Mais si l'Europe dit qu'elle est prête à en accueillir 200 000, ce sont probablement 400 000 personnes qui viendront dans les mois suivants. Le nombre de migrants croît de manière exponentielle. Par son ampleur et sa rapidité, cet afflux est un phénomène nouveau. Sans aucun doute, il s'arrêtera, mais personne n'est en mesure de dire à quel moment. Parmi le milliard et demi d'êtres humains qui vivent en Afrique, un certain pourcentage est prêt à risquer sa vie pour venir en Europe, mais personne ne peut dire combien.

Encore une fois, je ne prétends pas d'avoir la solution, car nous sommes tous concernés et nous devons trouver des réponses en commun. J'espère que la réunion des ministres de l'Intérieur de l'Union européenne le 22 septembre le permettra, y compris en matière d'aide humanitaire à ceux qui ont été touchés par des conflits barbares, notamment en Syrie.

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