Je précise que j'ai juré de dire ce que je pensais : ce ne sera pas forcément la vérité, même si, bien sûr, je le souhaite…
J'ai répondu à l'invitation de votre commission d'enquête en insistant sur le fait que je m'efforçais de n'écrire et de ne prendre la parole que sur des sujets sur lesquels j'avais vraiment travaillé. Or je ne n'ai pas travaillé sur les dotations aux collectivités locales depuis vingt ans, entre autres raisons parce que l'accès à l'information statistique en la matière est extraordinairement difficile. Des chercheurs aussi connus que Guy Gilbert ou Alain Guengant sont en revanche vraiment compétents sur ces sujets. Ils ont travaillé pour la direction générale des collectivités locales, ce qui leur a permis d'avoir accès à tous les fichiers et de beaucoup produire sur les finances publiques locales et leurs effets de redistribution et de solidarité. Pour ma part, j'évoquerai devant vous la question des tendances territoriales actuelles et des mécanismes de solidarité interterritoriaux.
Dans la note que nous avons cosignée, Thierry Pech et moi, il y a un an, pour Terra Nova, nous tirions la sonnette d'alarme en constatant le bouleversement de la géographie de notre système productif. Alors que l'économie de la transformation industrielle de la matière n'en finit pas de s'effondrer – et cette évolution, déjà ancienne, a des conséquences géographiques très cruelles, par exemple sur le nord-est de la France ou la Franche-Comté –, des activités nouvelles émergent autour du numérique et du traitement de l'information. Cependant le nombre d'emplois hautement qualifiés, à haut niveau de valeur ajoutée, créés dans les métiers d'ingénierie et d'études techniques de ces secteurs ne parvient pas à compenser les pertes enregistrées par ailleurs : alors que la France a perdu environ 400 000 emplois salariés du privé entre 2007 et 2014, les secteurs émergents n'en ont créé durant la même période que 170 000 à 180 000. De plus, sachant que la géographie de ces deux tendances est différente, une véritable distorsion territoriale voit le jour au profit des très grandes villes désormais appelées « métropoles ». Ce phénomène touche tous les pays européens, du Royaume-Uni à la Suède, mais aussi, par exemple, les États-Unis. Aujourd'hui, New York, qui avait perdu de son aura, vit un véritable regain : les chiffres montrent que la création nette d'emplois et de valeur ajoutée est meilleure à New York que dans le reste du pays, ce qui n'était pas vrai il y a encore dix ans.
En France, les nouveaux secteurs d'activité liés au traitement de l'information se développent aujourd'hui presque exclusivement dans six ou sept grandes métropoles. Disons que six des quatorze métropoles que vous venez de créer fonctionnent très bien tandis que les autres sont encore en culottes courtes – ne le leur répétez pas, je travaille pour elles. (Sourires.)