Intervention de Fleur Pellerin

Séance en hémicycle du 28 septembre 2015 à 21h45
Création architecture et patrimoine — Après l'article 2

Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication :

Madame la députée, j’entends, bien évidemment, votre préoccupation d’encadrer ce que vous qualifiez d’abus possibles de la liberté de création artistique. Mais comme vous le reconnaissez vous-même, l’exercice est très délicat, et je crois dangereux, en la matière, de bouleverser les équilibres.

La Cour européenne des droits de l’homme a déjà eu l’occasion, dans ses arrêts, de rappeler, comme je l’indiquais tout à l’heure, qu’il faut examiner avec une attention particulière toute ingérence dans le droit d’un artiste à s’exprimer.

Si nous sommes attachés, au travers de cette loi et comme nos débats l’ont montré, à empêcher la censure et l’auto-censure, cela ne veut pas dire, comme vous le suggérez, que d’autres principes constitutionnels ne s’appliqueraient pas. Il ne faut pas amalgamer deux débats qui sont très différents : les créateurs ne sont pas, plus que les autres, des citoyens au-dessus des lois.

Comme toute liberté, la liberté de création artistique n’est en effet pas et ne sera pas absolue. Elle sera, comme la liberté d’expression, mise en balance avec d’autres principes, également de nature constitutionnelle, que le rapporteur vient de rappeler.

Son articulation avec les autres droits, nécessaire dans une société démocratique, sera l’affaire du juge : il n’est pas besoin pour cela de modifier le droit.

En outre, les limites posées à la liberté de la presse, que vous évoquez, sont intimement liées à la place que la presse joue dans la société ainsi qu’à son rôle d’information et de diffusion publique. Il ne faut donc pas tout mélanger.

En affirmant l’autonomie de la liberté de création artistique, la loi en reconnaît aussi la spécificité et c’est bien de cela dont nous discutions tout à l’heure. Les décideurs ou les juges devront l’apprécier lorsqu’ils imposeront des limites aux libertés artistiques, tant dans l’acte de création que dans sa rencontre avec un public. Le recours à l’imaginaire, la distanciation produite par la représentation de la fiction comme le point de vue du poète sont des éléments intrinsèques à la création qui doivent être pris en compte. Je crois que c’est véritablement la force d’une société que de croire en ses artistes, c’est sa grandeur aussi d’avoir confiance dans le regard libre qu’ils nous invitent à porter sur l’avenir. Par conséquent, je porte un avis défavorable sur l’amendement.

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