La Haute Autorité de santé (HAS) dispose peut-être d'éléments statistiques sur ces recours ; quant à nous, nous n'avons pas eu connaissance de procédures juridictionnelles, au civil ou au pénal, engagées antérieurement ou postérieurement à la réalisation d'un dommage. Toutefois, je considère à titre personnel que s'il y a une époque de la vie où l'on doit prendre soin de sa santé, c'est bien l'adolescence et la jeunesse. En effet, même si les plus grands consommateurs de soins et de médicaments sont les personnes âgées, c'est entre quinze et vingt-cinq ans que l'on constitue le socle de sa santé pour le reste de sa vie. Laisser, du fait de ces difficultés, des filles et des garçons sans soins ou sans prévention, c'est prendre un risque pour leur santé future. Notre réflexion, qui porte sur les droits, renvoie donc à une question de santé publique qui aura un jour des conséquences sur les comptes de la sécurité sociale.
Pour revenir à mon propos, à la sortie du régime étudiant, les difficultés sont les mêmes qu'à l'affiliation : le 30 septembre, les étudiants ne reçoivent aucune information sur le fait qu'ils quittent un régime particulier et doivent s'affilier au régime correspondant à leur activité professionnelle nouvelle ou à une CPAM de leur ressort si leur activité professionnelle est insuffisante ou s'ils sont au chômage. Après avoir connu une situation de rupture de droits à cause du retard de leur affiliation, ces étudiants se trouvent à nouveau en rupture de droits parce qu'à la sortie du régime étudiant, ils ne s'affilient pas à un autre régime. Notre recommandation n° 10 consiste donc à réclamer une information complète dans ce domaine.
Les étudiants qui exercent une activité professionnelle en parallèle sont en principe exonérés de la cotisation de sécurité sociale étudiante lorsqu'ils sont pris en charge par le régime correspondant à leur emploi. Mais cette exonération n'est possible que si l'étudiant est en contrat à durée indéterminée ou s'il bénéficie d'un contrat courant exactement du 1er octobre au 30 septembre – la période de couverture de la sécurité sociale étudiante. Dans tous les autres cas – un contrat à durée déterminée inférieure à la durée de la couverture étudiante –, ils doivent faire l'avance de leur cotisation d'assurance maladie, puis en demander le remboursement à l'issue de l'année universitaire. Pour cela, ils doivent fournir divers documents à leur mutuelle qui leur délivre alors une attestation de radiation. L'étudiant doit ensuite transmettre ce document à l'Urssaf qui procède au remboursement de la cotisation. Or, s'il existe une information à destination des étudiants salariés – qui relèvent du régime général – sur la procédure à suivre pour demander ce remboursement, aucune information n'est mise à disposition de ceux qui ne relèvent pas du régime général, à l'instar des assistants d'éducation, affiliés à la MGEN, ou des étudiants relevant du RSI (régime social des indépendants). Cette situation est naturellement source de difficultés.
La dernière question est celle de la double activité des mutuelles étudiantes : investies d'une mission de service public – gestion du régime obligatoire de l'assurance maladie pour les étudiants –, elles proposent également des produits complémentaires qui relèvent d'activités marchandes. Nous recommandons évidemment de garantir que l'exercice de ce type d'activités n'altère pas la qualité des informations délivrées aux étudiants sur leurs droits à la sécurité sociale, notamment lorsqu'ils bénéficient déjà d'une assurance santé complémentaire en qualité d'ayants droit ou lorsqu'ils sont éligibles à la CMU-C.
Les mutuelles proposent des assurances santé complémentaires facultatives, mais aussi des assurances habitation, des assurances pour les voitures ou pour les scooters. D'après l'appel à témoignages, 55 % des étudiants se seraient vu proposer un contrat d'assurance santé complémentaire par une mutuelle. Beaucoup d'entre eux considèrent les pratiques commerciales des mutuelles comme agressives. La DSS (direction de la sécurité sociale) a d'ailleurs rappelé aux établissements d'enseignement supérieur de veiller « à ce que la pluralité des mutuelles ne conduise pas à des pratiques contraires aux intérêts des étudiants, notamment à l'exercice simple et rapide de leurs droits », preuve du caractère réel du problème.
Deuxième préoccupation : les mutuelles étudiantes pourraient abuser de leur position d'organisme chargé de la gestion d'un régime obligatoire d'assurance maladie afin de commercialiser leurs contrats d'assurance santé complémentaires facultatifs en laissant entendre aux étudiants que leur souscription serait obligatoire.
Enfin, il apparaît légitime de s'interroger sur la qualité des informations délivrées aux étudiants dans la mesure où durant la période des inscriptions universitaires – juillet, septembre et octobre –, les mutuelles recrutent des salariés en contrat temporaire, dont les compétences en matière de sécurité sociale peuvent être limitées. La volonté de ces employés de commercialiser un maximum de contrats d'assurance santé complémentaire pourrait les conduire à négliger l'information des étudiants sur le régime de base, à faire souscrire des contrats inutiles à ceux qui bénéficieraient déjà d'une assurance santé complémentaire ou encore à négliger l'information des étudiants les plus fragilisés, qui pourraient éventuellement bénéficier de la CMU-C.
À la suite de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, puis de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, la couverture en matière d'assurance maladie complémentaire devrait être étendue. Dans cette perspective, les étudiants deviendraient alors les ayants droit de leurs parents. La souscription d'une assurance complémentaire auprès d'une mutuelle étudiante deviendrait alors inutile.
Comment expliquer ces défaillances ? D'après nos informations, la réglementation n'est pas en cause. Les difficultés relèvent des retards – d'affiliation ou de délivrance de cartes Vitale –, mais les règles relatives à la sécurité sociale des étudiants, si elles sont appliquées correctement et en temps opportun, ne paraissent pas en elles-mêmes fautives. C'est leur mise en oeuvre qui doit retenir notre attention. La priorité absolue doit être donnée au processus d'affiliation et à la mise à jour des cartes Vitale. Si l'affiliation se fait au 1er octobre et que les cartes sont délivrées ou mises à jour dans les délais, la plus grande partie des difficultés disparaîtra.
Enfin – question plus politique –, quelles seraient les évolutions nécessaires si le système particulier en place pour le régime de la sécurité sociale étudiante était maintenu ? Il ne m'appartient pas de prendre parti dans ce débat ; nos préconisations peuvent orienter les solutions, mais c'est au Gouvernement et au Parlement, à la suite de votre mission, de décider s'il convient de les rattacher au régime général, ou au système de sécurité sociale de leurs parents. Cette dernière solution posera toutefois la question du droit à la confidentialité – domaine où nous avons récemment obtenu des progrès pour les adolescents atteints du VIH.
Vous m'avez également demandé ma position sur la reprise de la gestion de la LMDE par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). La question excède le champ de mes compétences, mais je me demande pourquoi, dans ce cas, la CNAMTS n'a pas repris toutes les activités de la LMDE, et en particulier la mission d'affiliation des étudiants – un point pourtant particulièrement problématique ? La mission d'information devrait y réfléchir.
S'agissant de l'information des étudiants sur le système de sécurité sociale, la création du portail de la vie étudiante (PVE) dans le cadre du Plan national de vie étudiante apparaît comme une mesure positive. Elle permettra de délivrer aux étudiants une information centralisée, coordonnée et indépendante des mutuelles.
Comment homogénéiser sur l'ensemble du territoire la procédure d'affiliation des étudiants ? Cette procédure utilise des données collectées par les services d'inscription des établissements d'enseignement supérieur, soit sous forme papier, par l'intermédiaire du formulaire Cerfa « Déclaration en vue de l'affiliation à la sécurité sociale des étudiants », soit sous forme dématérialisée, les établissements rassemblant des informations relatives à leurs étudiants dans des fichiers informatiques qui sont ensuite transmis aux mutuelles. Celles-ci ne font donc qu'une partie du travail, l'établissement vérifiant notamment que l'étudiant est inscrit à la sécurité sociale étudiante. Confier cette gestion aux mutuelles pour décharger les services des inscriptions des universités de cette partie du processus d'affiliation reviendrait à dissocier inscription et affiliation à la sécurité sociale, augmentant le risque de voir certains étudiants privés de couverture. En effet, l'inscription représente une sorte de verrou qui sauterait si l'on dissociait les deux opérations, remettant aux mutuelles la totalité du processus d'affiliation. Mais ce n'est naturellement pas à moi de me prononcer sur l'option à privilégier. Pour citer Stendhal, ce sont de « petits faits vrais », mais je ne saurais dépasser ma mission.
L'existence, l'égalité et l'effectivité des droits représentent une priorité fondamentale pour le Défenseur des droits : tout un chacun doit être affilié à la sécurité sociale et bénéficier de ses prestations, en particulier en cas de maladie. La distance entre le droit et la réalité est cependant source d'une grande préoccupation dont je ferai prochainement état dans un rapport sur la situation des droits des étrangers en France, notamment par rapport à l'accès aux soins.