Intervention de Joël Giraud

Réunion du 29 septembre 2015 à 14h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Monsieur le prochain gouverneur, votre nomination a été annoncée voilà trois semaines par le Président de la République, à la suite de votre mission consacrée au financement de l'investissement des entreprises, considérée au sein même du Gouvernement comme un sas de décontamination. Vous avez été banquier et même, pendant quatre ans, directeur général délégué de la plus importante banque française, BNP Paribas. Un grand banquier pour diriger une grande banque, quoi de plus naturel ?

Plus la polémique enfle sur les graves conflits d'intérêts qu'engendrerait votre nomination, plus nous avons le sentiment que ces réactions portent la marque très française d'une appréciation légèrement présomptueuse des pouvoirs réels dont dispose le gouverneur de la Banque de France dans les instances internationales de régulation – comité de Bâle III, G7, G20 et Banque des règlements internationaux.

À titre personnel, je ne doute pas que si vous aviez la possibilité de réguler définitivement et à vous seul la finance internationale, grâce à votre expertise, votre grande probité et vos valeurs éthiques – pour ne pas dire chrétiennes car je suis radical –, vous ne rateriez pas cette occasion de sauver le monde.

Je souhaite plutôt m'attarder sur les fonctions réelles qui seront les vôtres et qui nous importent en tant que parlementaires, à savoir le copilotage de la politique monétaire européenne. Nous pourrions légitimement vous interroger sur votre vision, du fait que vous n'êtes pas à proprement parler un économiste aguerri ni sur les questions monétaires ni sur les questions européennes. La stratégie actuelle de la zone euro repose sur le traité de Maastricht de 1992 et la mise à jour de son pacte budgétaire de 2012. Pour ma part, je suis un fédéraliste convaincu et je souhaite la mise en place d'une version plus ambitieuse du fédéralisme européen, qui passerait par la politique monétaire, ce qui n'est pas incompatible avec la réflexion éthique exposée dans l'ouvrage intitulé L'Espérance d'un Européen que vous connaissez bien pour l'avoir écrit.

L'approche maastrichtienne a jusqu'à présent largement échoué du fait de quatre erreurs majeures – je reprends l'analyse de notre prix Nobel d'économie Jean Tirole : l'uniformité des contraintes sur les déficits, la complexité des mesures de l'endettement réel des États européens, l'application de sanctions à géométrie variable, la solidarité limitée ou ex post qui mène aux débats actuels sur la question de savoir à combien s'élèvera le coût d'intervention de la BCE et qui le supportera.

Ces obstacles doivent être franchis pour sortir l'Europe de l'ornière, ce qui passe par une mutualisation des dettes et donc une relative perte de souveraineté. Quelle est donc, monsieur le futur gouverneur, votre position sur ce sujet, notamment sur les missions des euro-obligations ?

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