Intervention de François Villeroy de Galhau

Réunion du 29 septembre 2015 à 14h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

François Villeroy de Galhau :

J'en accepte l'augure, monsieur le président !

En tout cas, si vous décidez de me confier ces responsabilités, la loi dispose en effet qu'au terme des six années de mandat, les activités professionnelles ne sont autorisées pendant trois ans qu'à condition que le conseil général de la Banque de France donne son accord ; il lui revient de vérifier l'absence de toute incompatibilité.

Je vais en tout cas vous faire une confidence qui n'a rien d'un scoop : je ne retournerai pas chez BNP Paribas. J'ai coupé tous les liens.

Monsieur Muet, merci de votre propos personnel. Je me retrouve très bien, je l'ai dit, dans la politique menée par Mario Draghi et par le directoire de la Banque centrale européenne.

J'en profite pour dire un mot de Benoît Coeuré, puisque nous nous sommes retrouvés opposés ces derniers mois. Il a bien voulu dire que j'étais un homme compétent et intègre, et son ami ; je pense la même chose de lui, et je vous garantis que nous travaillerons bien ensemble. Monsieur Chartier, je reprends votre propos final : Benoît Coeuré est économiste, même si je ne suis pas ignare en la matière ; je suis plutôt homme de terrain, proche du financement concret et du management, même si Benoît Coeuré saurait probablement faire. Il y a deux emplois essentiels dans l'eurosystème : la bonne répartition de notre équipe pour la France est plutôt, me semble-t-il, l'économiste à Francfort et l'homme de terrain à Paris. Je redis que, si vous votez en faveur de ma nomination, nous travaillerons ensemble pour notre pays et pour l'Europe.

La Banque de France doit relever bien d'autres défis, vous l'avez dit, que ceux de la politique monétaire, à l'échelle française comme à l'échelle européenne. Il faut profiter du mieux conjoncturel et de cette politique monétaire favorable pour renforcer la zone euro, traiter certains déséquilibres entre les pays européens, et pour amplifier les réformes dont notre pays a besoin – mais je n'ai pas le temps ici de traiter ce point.

Monsieur Bachelay, monsieur Fauré, vous abordez la question de l'investissement. À l'échelle européenne, l'une de nos priorités doit être d'assurer une bien meilleure articulation entre le plan Juncker et l'union des marchés de capitaux. J'ai sonné l'alerte : le lien entre les fonds publics du premier et les fonds privés du second n'est pas suffisant. En France, nous pouvons, je crois, fortement encourager les banques à développer le financement de l'immatériel – c'est l'une des failles dans le crédit bancaire que j'ai identifiées dans mon rapport. Nous pouvons aussi mieux orienter l'épargne de l'assurance-vie vers les entreprises : je pense notamment aux contrats euro-croissance.

Monsieur Caresche, la réponse à votre question est un peu technique ; il me faudra m'y pencher de plus près. Il s'agit de savoir quelles sont les obligations du secteur public, au-delà des obligations souveraines, qui sont éligibles au programme de rachat de la Banque centrale européenne ; Mme Lemoine considère en effet que les conditions actuelles créent des distorsions de concurrence. Pour ma part, sans clore le débat aujourd'hui, je relèverai que l'extension du programme à des obligations du secteur public permet de le rendre plus efficace. Cela me semble aller dans le bon sens. Mais c'est un point qu'il faudra préciser.

Monsieur Emmanuelli, je note votre volonté d'ouverture face aux dogmatismes. Je me permets néanmoins ici de défendre la qualité des travaux de la Banque de France. J'ai assez souligné que je souhaite un débat aussi ouvert que possible, ce qui n'exclut nullement la rigueur scientifique.

Sur le fait que la politique monétaire doit se soucier aussi de la croissance et de l'emploi, il est vrai que cela ne figure pas dans le traité ; il me semble néanmoins que la politique monétaire active menée aujourd'hui par la BCE vise, certes, à se rapprocher de la cible d'inflation de 2 %, mais tient compte aussi de la croissance et de l'emploi. Au-delà de la lettre des traités, qu'il serait très difficile de modifier, la pratique est donc souple, et je m'en réjouis avec vous.

Monsieur Sansu, je vous prie de m'excuser de ne pas avoir répondu tout à l'heure à votre question sur Helvet Immo. Cette omission était tout à fait involontaire. Ces prêts ont été développés non pas par Cetelem, mais par UCB, une filiale de crédit immobilier de BNP Paribas, qui se trouve avoir fusionné avec Cetelem dans BNP Personal Finance. L'affaire est devant la justice et je n'ai pas à la commenter. Je ne suis pas en cause aujourd'hui, mais si jamais un jour je devais l'être – et si jamais un jour se présentait une situation, quelle qu'elle soit, où j'étais personnellement mis en cause – je ne confondrai évidemment pas les casquettes. Je m'organiserai pour que tout soit fait très clairement.

Plusieurs d'entre vous ont posé la question essentielle du surendettement. Le crédit à la consommation sain est utile pour aider les ménages à financer leurs projets, et donc pour la croissance. Mais toute activité économique comporte des risques d'excès : la maladie du crédit à la consommation, c'est le surendettement. Il faut tout faire pour lutter contre ce fléau, auquel je sais que vous êtes particulièrement sensibles. Lorsque j'étais, il y a huit ans, à la tête de Cetelem, je me suis engagé sur ce que l'on appelle le « crédit responsable » ; j'ai changé la communication publicitaire de l'entreprise et publié différents indicateurs sur ce sujet.

Aujourd'hui, tout ce qui pourra être fait pour lutter encore plus efficacement contre le surendettement doit l'être. C'est un travail que j'engagerai évidemment avec les équipes de la Banque de France. La « loi Lagarde » a permis des progrès. Le Conseil constitutionnel a censuré en mars 2014, vous le savez, les dispositions sur le fichier positif : des discussions ont lieu à Bercy autour de M. Constans pour savoir ce qui peut être fait en la matière. Je partage en tout cas entièrement les préoccupations qui se sont exprimées ici.

Madame Berger, ma rémunération comme mandataire social était publique : mon salaire fixe, que je jugeais tout à fait correct, était de 450 000 euros. Je souligne que c'est un montant significativement inférieur à ceux habituels pour les mandataires sociaux de grandes entreprises. Ce n'est pas tout à fait un hasard. Vous me permettrez de ne pas commenter davantage ce choix personnel. Je ne cherche pas à m'attribuer un mérite particulier ; j'ai simplement cherché à demeurer cohérent avec mes convictions.

S'agissant de la résolution bancaire, et sous votre contrôle, il me semble que depuis l'Union bancaire, le pouvoir de résolution est très largement transféré à Bruxelles : le conseil de résolution unique sera, à compter du 1er janvier 2016, responsable des décisions, les gouverneurs ne siégeant pas dans ce conseil. Le collège de résolution français est ensuite responsable de la mise en oeuvre des décisions prises par le collège européen.

Nous parlons ici d'une éventualité qu'aucun d'entre nous évidemment ne souhaite voir se produire : celle où une grande banque française, quelle qu'elle soit, se trouverait en grande difficulté. Si par malheur BNP Paribas devait connaître une telle situation avant le mois de mai 2017, je ne présiderai alors évidemment pas le collège de résolution. Il faut espérer que cela n'arrivera pas, non pas pour m'éviter des complications personnelles, mais parce que cela signifierait de grandes difficultés pour l'économie française.

Je vous rejoins sur le fait que la création du Haut Conseil de la stabilité financière a été un apport important de la loi de 2013. Il s'est réuni six fois, et il fonctionne bien. Je serai en effet amené, si des mesures macro-prudentielles collectives devaient être prises, à les proposer. Je m'appuierai sur mon expérience, dans toute sa diversité. Le rapport que j'ai rendu, qui porte en partie sur l'application des normes prudentielles, plaide je crois pour ma compétence mais aussi pour mon indépendance : je ne crois pas que ce que j'ai écrit des effets de Bâle III corresponde aux vues et aux craintes généralement exprimées par l'industrie bancaire.

Madame Rabin, merci de la confiance que vous voulez m'accorder. Je reviendrai volontiers parler de ce que la Banque de France peut faire pour les entreprises, au-delà de tout ce qu'elle fait déjà. La cotation pose quelquefois problème, je le sais, aux chefs d'entreprise ; mais ma conviction est qu'elle représente un véritable actif, une excellente pratique française. Elle n'existe à ce point dans aucun des dix-huit autres États membres de la zone euro – et beaucoup aimeraient la mettre en place. Elle favorise la diversification du financement des entreprises : pour les financements non bancaires, il est en effet essentiel que les nouveaux financeurs connaissent mieux l'entreprise, et la cotation est pour cela un point très positif. Peut-être néanmoins pouvons-nous faire encore mieux, notamment pour les TPE. J'ai fait des propositions en ce sens.

Je reviendrai également, si vous le voulez bien, pour répondre à la question de M. Hammadi sur l'hôtel Gaillard. Je ne prétends pas être aujourd'hui un spécialiste crédible de ce dossier, auquel je n'ai été mêlé en rien. Christian Noyer a fait, je crois, une conférence de presse sur la future cité de l'économie de la monnaie, et je me permets aujourd'hui de vous y renvoyer.

Monsieur Baumel, je me méfie aussi des étiquettes en matière de politique monétaire. Le débat est plus riche qu'une opposition entre monétaristes et keynésiens. Je crois avoir marqué qu'aujourd'hui, la politique menée par Mario Draghi est la bonne pour l'Europe, y compris lorsqu'elle vise à soutenir la croissance.

Monsieur Baert, je suis extrêmement sensible à votre présence, après les épreuves que vous avez vécues ces derniers mois, et je vous remercie de vos propos. La Banque de France a en effet une dimension industrielle importante, notamment avec la fabrication des billets. C'est une position singulière en Europe, une position de leader, puisqu'elle est la seule banque centrale qui dispose d'un ensemble intégré comprenant une papeterie et une imprimerie. Je ne cite qu'un chiffre, élément de fierté : la nouvelle coupure de 20 euros, qui arrive au mois de novembre, a été fabriquée à 44 % sur les presses françaises, entre Vic-le-Comte et Chamalières. Il faut évidemment mutualiser et être aussi efficace que possible : nous y reviendrons sans doute.

Vous avez cité certains de mes prédécesseurs. Permettez-moi de dire ici que j'ai été sensible au fait que trois précédents gouverneurs de la Banque de France, tous nommés au terme d'un pur parcours de service public, ont jugé mes engagements crédibles et de nature à me permettre d'exercer les fonctions de gouverneur de façon compétente et indépendante. Cette autorité morale vaut beaucoup à mes yeux.

Monsieur Cherki, il faudrait revenir chiffres en main sur les taux des crédits à la consommation. Ils ont significativement baissé à la suite de la « loi Lagarde », qui a constitué un progrès sensible. Cette baisse est-elle suffisante, eu égard à celle des taux de financements ? Il me semble que oui, mais cela doit être suivi de près.

Monsieur Loncle, sachez que le fait d'entendre citer ici le nom de Pierre Bérégovoy est pour moi quelque chose d'important. Je serai pudique, mais cela me touche vraiment ; cet homme a beaucoup compté pour moi, et pour beaucoup d'entre nous ici, j'en suis sûr.

Monsieur Galut, l'accès aux comptes est en effet une mission essentielle de la Banque de France. Elle est en fort développement, puisqu'il y a eu 60 000 ouvertures de compte suivant cette procédure en 2014, soit un chiffre double par rapport à celui de 2008. La mission de la Banque de France vis-à-vis des plus défavorisés doit être la plus large possible ; l'un des vrais progrès de la loi de 2013 est la création d'un Observatoire de l'inclusion bancaire, présidé par le gouverneur de la Banque de France. Ma sensibilité personnelle m'amènera à m'engager fortement pour tout ce qui peut être fait dans ce domaine, notamment pour l'éducation financière.

Monsieur Chartier, je termine en vous remerciant de vos propos.

Si vous me faites confiance, j'apporterai toute mon expérience professionnelle, dans sa diversité, et mon sens du jeu collectif en France et en Europe, à ces nouvelles responsabilités – et je le ferai en homme libre.

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