Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du 1er octobre 2015 à 15h00
Actualisation du droit des outre-mer — Présentation

George Pau-Langevin, ministre des outre-mer :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, avant toute chose, je tiens à remercier la rapporteure, Mme Zanetti, pour son investissement et ses propositions qui ont permis d’enrichir le texte aujourd’hui soumis à votre approbation. À l’occasion de l’examen de ce projet de loi, elle a pu mesurer non seulement la diversité, la complexité, mais aussi les spécificités qui caractérisent les outre-mer. La commission mixte paritaire réunie mardi 29 septembre a été conclusive. Aujourd’hui, vous êtes conduits à vous prononcer sur ce texte grandement enrichi par le travail parlementaire, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.

Ce projet de loi, désormais intitulé « Actualisation du droit des outre-mer », a été adopté, en première lecture, au mois de juillet dernier à l’unanimité par les deux chambres – ce matin, d’ailleurs, le texte de la CMP a également été adopté à l’unanimité au Sénat. Il répond à de multiples préoccupations des différents territoires ultramarins. Il accompagne les mutations opérées ces dernières années en complétant le droit et en créant des outils d’action publique nouveaux, forts, efficaces, notamment en matière de gestion foncière à Mayotte et en Guyane, pour répondre concrètement aux défis démographiques propres à ces deux territoires.

En ce sens, ces dispositions complètent le plan logement que j’ai présenté cette année et qui fixe, pour la première fois dans les outre-mer, l’objectif ambitieux de produire 10 000 logements sociaux neufs ou réhabilités par an. Ce projet de loi règle une situation vieille de près de trente ans dans les Antilles, en programmant de manière réaliste la fin des agences des cinquante pas géométriques. Je me félicite que nous ayons trouvé, en concertation avec les collectivités territoriales concernées, un scénario de sortie et une stratégie pérenne pour le règlement de cette situation qui avait donné lieu à beaucoup de contestations et de difficultés dans les outre-mer. Loin de procéder à une simple actualisation du droit, nous avons ainsi pu régler une difficulté épineuse qui concerne au quotidien nombre de nos concitoyens.

Ce texte prévoit également des changements significatifs dans le domaine économique, tout particulièrement en matière de lutte contre la vie chère. Des outils tels que les observatoires des prix, des marges et des revenus, ou les boucliers qualité-prix, qui seront étendus à de nouveaux territoires, entrent désormais dans leur troisième année d’existence et ont atteint l’âge de la maturité. Ils assurent, d’une part, la maîtrise des prix des produits de consommation courante et, d’autre part, le renforcement de la qualité nutritionnelle des produits alimentaires et de la part de la production locale dans la composition des boucliers qualité-prix. Ces outils poursuivent donc l’objectif de maîtrise du coût de la vie. Ce matin, on m’a demandé au Sénat si nous comptions les utiliser pour assurer un suivi et une évaluation. Je confirme que, si nous créons ces outils, c’est bien pour pouvoir continuer à évaluer et éventuellement maîtriser le coût de la vie dans les outre-mer et pour lutter contre la vie chère.

S’agissant du lien avec l’hexagone, les députés ont souhaité anticiper l’entrée en vigueur du règlement européen sur l’itinérance. Là encore, c’est une avancée très concrète qui touche au quotidien des populations. La fin des surcoûts appliqués aux échanges téléphoniques et aux échanges des minimessages entre l’outre-mer et la métropole est une mesure légitime, très attendue par nos concitoyens. De surcroît, c’est un engagement du Président de la République qui avait annoncé un alignement progressif du prix des télécommunications entre les outre-mer et l’hexagone. C’est pour cette raison que la France, avec ses partenaires européens, a décidé de mettre fin aux surcoûts entre les outre-mer et la métropole, mais plus largement aussi au sein de l’Europe, dans le cadre du règlement relatif au marché unique européen des communications électroniques.

Par cette disposition, le Parlement a donc décidé, avec le soutien du Gouvernement, d’anticiper d’une année l’application du règlement pour ce qui concerne les échanges téléphoniques et les minimessages entre l’outre-mer et la métropole. Ce n’est pas une révolution ; c’est une simple anticipation d’une année. Il faudra cependant, par la voie réglementaire, anticiper également les travaux qui conditionnaient l’application de la disposition en Europe, conformément au règlement européen, de manière à préserver les investissements sur les marchés domestiques et dans les outre-mer. Nous allons donc lancer les travaux nécessaires avec les opérateurs dans les meilleurs délais, dès l’adoption de la loi.

Par ailleurs, en matière de protection des consommateurs, je me réjouis que les mesures introduites par un amendement parlementaire permettent aux associations ultramarines de consommateurs d’engager des actions de groupe. C’est un progrès qu’il faut saluer.

D’autres mesures méritent d’être soulignées concernant, par exemple, la fonction publique ou l’évolution du droit du travail applicable à Mayotte. Ces dispositions très attendues entreront en vigueur rapidement – je pense notamment à la Polynésie. S’agissant de Mayotte, les dispositions s’appliqueront immédiatement, notamment pour ce qui concerne la législation relative aux titres-restaurant ou encore l’encadrement des services à la personne, dont ce territoire a bien besoin.

Je tiens à rappeler que, lorsque cela est juridiquement possible et économiquement soutenable pour les entreprises, conformément aux engagements pris par le Gouvernement dans le document stratégique « Mayotte 2025 », dont le Premier ministre a signé le protocole d’accord lors de son déplacement du mois de juin dernier dans l’Océan indien, je suis très favorable à l’entrée en vigueur pleine et entière du code du travail à Mayotte. Toutefois, bien souvent, le chantier de l’alignement nécessite une refonte en profondeur de nombreux textes. C’est pourquoi le Gouvernement sollicite le traitement de cette problématique par voie d’ordonnance. Je sais que les parlementaires n’aiment pas beaucoup cette méthode et critiquent la fréquence du recours aux ordonnances pour Mayotte. Mais s’agissant d’un travail assez lourd pour les services, il est plus efficace de le faire par voie d’ordonnance. Cela dit, je tiens à souligner que renvoyer à une ordonnance ce n’est pas enterrer un dossier. Nous allons rapidement faire le nécessaire. Par exemple, le Gouvernement a publié cette semaine une ordonnance sur les retraites à Mayotte, ce qui montre qu’il respecte ses engagements.

Le projet de loi a aussi entrepris de régler, grâce à l’adoption d’un amendement du Gouvernement, des questions qui n’étaient pas résolues – par exemple des questions de personnel pour la mise en place des collectivités uniques de Guyane et de Martinique. Compte tenu du calendrier électoral – le vote aura lieu, je le rappelle, à la mi-décembre –, il y avait urgence à traiter ces difficultés, afin que ce basculement historique s’opère dans les meilleures conditions.

Depuis l’adoption du texte en première lecture à l’Assemblée nationale, en juillet, les élus des collectivités régionales et départementales, ainsi que certains parlementaires, expriment des craintes. Je tiens à vous rassurer : le Gouvernement a souhaité clarifier l’organisation des emplois fonctionnels de la nouvelle collectivité, tout en respectant la libre administration des collectivités locales garantie par la Constitution.

Il était en effet nécessaire de trouver une solution pour que la nouvelle collectivité unique fonctionne dès le lendemain de l’élection, afin d’assurer la continuité du service public. Nous avons donc choisi de respecter l’ordre protocolaire républicain institué par le décret du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires, qui classe, selon l’ordre de préséance, le président de région avant celui du conseil départemental.

En conséquence et par parallélisme des formes, le directeur général des services de la région se trouve placé avant celui du département. Il est ainsi prévu que, pour un délai maximum de six mois, le directeur général des services de la future collectivité unique sera le directeur général des services de la région, épaulé, en qualité d’adjoint, par le directeur des services du conseil départemental.

Cette sécurité des emplois fonctionnels est un cadre juridique transitoire et optionnel : une fois mis en place, l’exécutif de la nouvelle collectivité pourra le dépasser à tout moment en délibérant pour la création des emplois fonctionnels de la nouvelle collectivité unique et choisir alors son directeur des services.

Il faut cependant distinguer les emplois de cabinet, révocables quasiment ad nutum, et les emplois administratifs. Il est donc de bonne politique qu’un directeur des services, fonctionnaire, ne puisse pas être révoqué du jour au lendemain au motif que l’exécutif a changé.

Face à certaines polémiques qui ont été entretenues, je serai claire : les agents des catégories et des grades inférieurs ou moins élevés ne sont pas concernés par ces mesures et personne ne sera laissé pour compte dans la création de la nouvelle collectivité unique. Il faut éviter de laisser accréditer et de mettre dans l’esprit des personnels l’idée très gênante qu’ils risquent d’être mis à la porte au lendemain de l’élection ou employés à des niveaux ne correspondant pas à leurs qualifications. La future collectivité unique aura tout à fait les moyens de mettre en place son organigramme dès lors qu’elle en aura la possibilité.

On a dit ce matin encore que ce projet manquait d’ambition et qu’il s’agissait d’un fourre-tout, mais ce n’est pas très grave. L’essentiel est que, dès lors que ce texte a été mis en discussion, les parlementaires en aient fait leur affaire et y aient introduit de nombreuses questions demeurées jusqu’alors en suspens. Le fait que son volume ait en effet été multiplié par deux ou trois me semble précisément démontrer la nécessité d’une telle loi, qui donne l’occasion de mettre au point des questions non résolues.

Même si nous souhaitons, à mesure que nous votons les lois, qu’elles soient immédiatement déclinées outre-mer, nous savons bien qu’il y aura toujours des omissions et que certaines harmonisations resteront toujours à faire entre le ministère de l’outre-mer et d’autres ministères intervenant sur les territoires, de telle sorte que ces ajustements ponctuels sont tout à fait utiles. De fait, cette interministérialité est quasiment consubstantielle au travail du ministère des outre-mer et il faut donc que, de temps à autre, une loi vienne remettre tout cela d’équerre.

Avec vous, aujourd’hui, nous avons fait un travail utile et nous avons pu sortir de l’ornière des sujets embourbés depuis des années. Ce texte a été enrichi par le travail des parlementaires et c’est là une bonne méthode : la production législative peut partir d’une trame gouvernementale et il est bon que les parlementaires lui apportent leur contribution – après tout, ce sont eux qui font la loi.

Je me félicite donc de cette coproduction et j’espère que nous pourrons continuer à travailler ainsi dans de bonnes conditions. Je vous remercie pour le travail réalisé sur vos bancs.

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