Elle appartient donc à mes clients et à mon actionnaire, ce qui explique que sa gestion, en ces temps plutôt chahutés sur les marchés financiers, soit prudente.
Comme nous sommes dans une période d'établissement des budgets et des prévisions à moyen terme, la question de la visibilité du plan de charge de la société est très prégnante. Pour les deux ans à venir, la charge devrait être en adéquation avec le potentiel. Certes, nous pouvons toujours être confrontés à un retrait dans certains secteurs de l'entreprise en raison de contrats qui se terminent ou parce qu'une interruption se produit dans telle ou telle spécialité. Nous saurons le traiter parce que, sur un plan global, nous avons cette visibilité de la charge à 24 mois. Je le répète d'ailleurs aux partenaires sociaux : nous sommes dans une situation que nombre d'entreprises industrielles peuvent nous envier.
Dans ce cadre-là, nous devrons cependant continuer à travailler afin de confirmer la moitié de notre charge pour 2015. Pour les activités d'ingénierie – et donc, nos bureaux d'études, - dans notre entreprise composée aux deux tiers de cols blancs –, l'activité sera liée au programme Scorpion et, notamment, au VBMR et à l'EBRC. Si les notifications étaient retardées – nous commencerons ces programmes par les phases de développement et de conception –, nos bureaux d'étude devraient faire face à une difficulté en 2015.
Plus en aval, s'agissant des activités de production et d'intégration, nous avons déjà entré dans nos carnets des tranches conditionnelles pour des munitions de gros calibre, pour la version 32 tonnes du VBCI et pour le marché de soutien du char Leclerc et du VBCI. Ces tranches doivent être confirmées afin que nous en tirions l'activité industrielle subséquente en 2015. Une partie de notre charge, quant à elle, dépend de nos succès à l'exportation dans les mois à venir, notamment dans le domaine de l'artillerie.
Comme les autres industriels, nous avons donc nos propres enjeux, certains étant aussi directement liés à la loi de programmation militaire qui sera promulguée l'année prochaine, avec des calendriers et des cibles que nous attendons. En tout cas, nous nous y préparons.
S'agissant des PME, j'ai participé la semaine dernière à l'intervention de M. le ministre de la défense au cours de laquelle il a fait part d'une charte très importante incluant quarante mesures. Il va de soi que nous les déclinerons et que les objectifs formulés s'intègrent dans notre rôle de donneur d'ordres.
Nous accordons beaucoup d'importance aux PME. Lorsqu'une entreprise a connu des difficultés, nous n'avons pas hésité à verser un acompte par anticipation. Une entreprise du secteur de la mécano-soudure en redressement nous a également demandé le rééchelonnement de certains de ses programmes et nous l'avons fait. Nous sommes à l'écoute du réseau de fournisseurs et nous réalisons un suivi mensuel de leur situation. Chaque fournisseur est connu et nous définissons les actions nécessaires afin de le soutenir le cas échéant. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, je rappelle que nous sommes intéressés à la continuité de leur travail ! Dans la situation économique difficile pour eux et pour les sous-traitants de notre pays, un travail en partenariat s'impose. J'ajoute que, voilà deux ans, nous avons signé la charte des grands donneurs d'ordre, laquelle est appliquée et déclinée au sein de l'entreprise.
Dans la phase de restructuration que nous avons traversée, l'État actionnaire a constitué un immense atout pour notre entreprise, non seulement sur un plan financier mais en raison de la continuité de sa présence. La transformation de l'entreprise n'aurait en effet pas été possible au travers d'un actionnariat privé, tant sur le plan financier, et il est normal que, maintenant, nous versions des dividendes à l'État –, que s'agissant de toutes les actions de reclassement de nos personnels et du contrat d'entreprise qui nous a apporté le volume d'affaires nécessaire à notre restructuration et à notre nouveau décollage. Il s'agit donc d'un atout passé mais aussi présent puisque, eu égard aux contraintes de court terme s'appliquant aux marchés financiers, l'actionnariat de l'État nous apporte de la visibilité.
L'État est à l'écoute des propositions que je formule en termes de stratégie et de développement, et il les soutient. J'en discute avec les ministères concernés, la défense, mais aussi les ministères de l'économie et du redressement productif, l'Agence des participations de l'État (APE) ayant cette double tutelle. Je n'éprouve aucune difficulté quant au statut étatique de notre actionnariat.
Certes, en tant qu'actionnaire, l'État pourrait souhaiter une mobilité accrue de son périmètre et envisager une réduction de sa part détenue au capital du groupe, et cette décision lui appartient, bien évidemment. Quoi qu'il en soit, l'État développe pour Nexter une vision industrielle sur le long terme afin de conforter le développement de l'entreprise à travers ses différents projets, en étroite discussion avec la direction.
L'Europe de la défense constitue un sujet d'importance sur lequel j'aurais aimé faire quelques développements. J'ai eu l'occasion d'en parler dans le cadre du groupe de travail n° 6, mais vous me donnez l'occasion d'y revenir.
Nous souhaitons que l'Europe de la défense se développe. La vraie menace, aujourd'hui, n'est plus intra-européenne mais provient de pays qui montent progressivement en gamme en capitalisant sur leurs domaines de compétences – camions, engins spéciaux, autobus. Grâce aux transferts de technologies – ils se constituent une industrie puissante fondée sur des besoins nationaux d'équipements – ils produisent de grandes séries – et une structure de coûts que nous ne pouvons pas atteindre. Dans le domaine de la défense terrestre, nous sommes face à une concurrence où les produits se comptent par dizaines dans certains créneaux. Outre la concurrence traditionnelle, c'est donc à cette nouvelle concurrence émergente que nous sommes aussi confrontés. À moyen ou long terme, nos marchés risquent d'être déstabilisés. L'Europe de la défense, alors que les budgets européens seront plutôt stables – pour ne pas dire en régression… - doit faire émerger un format industriel européen comme une convergence sur les plans étatiques et des forces armées. Dans le domaine terrestre, il n'existe pas de programme commun en Europe, hors celui que je mène avec BAE Systems, l'analyse des besoins demeurant nationale.
J'ai eu l'occasion de citer deux exemples illustrant cette situation dans le cadre du groupe de travail n° 6.
En France, un groupe de combat se compose de dix soldats ; en Angleterre et en Allemagne, de huit. Vous comprendrez que la taille d'un système embarquant huit ou dix hommes n'est pas la même.
Par ailleurs, la doctrine britannique de réparation des véhicules, jusqu'à il y a peu de temps, visait à effectuer les opérations au plus près de la ligne de contact. Si le VBCI, en 2008, n'a pas connu le succès en Angleterre, c'est notamment parce que nous n'avions pas conçu un bloc-moteur en power pack, démontable en moins de trois quarts d'heure et remontable dans le même délai. Nous avions en effet conçu le VBCI - nous sommes en train de faire évoluer - sur la base d'un besoin national qui dérive de notre doctrine selon laquelle le véhicule doit être ramené à l'arrière pour y être réparé, un nouveau véhicule étant envoyé en remplacement de celui qui est endommagé. Dès lors que, dans le domaine terrestre, nous n'avons pas franchi cette étape de l'harmonisation des besoins, nous resterons handicapés – et je ne parle pas des problèmes de synchronisation des calendriers.
Il faut rapprocher l'industrie de défense et commencer par le commencement, c'est-à-dire par ce type d'actions concrètes qui pourra favoriser l'émergence d'une doctrine d'emploi commune, pour ne pas dire communautaire. Peut-être pourrait-on travailler au rassemblement des écoles d'application ou encore des méthodes de gestion des programmes. Ainsi, le moment venu, les spécifications pourront être aussi semblables que possible.
Un premier pas important pour l'Europe de la défense a été franchi en 2011 avec la transposition des deux directives. La mise en oeuvre est progressive et nous n'en avons pas encore perçu les pleins effets ; nous y parvenons et ainsi depuis deux semaines nous sommes, quant à nous, certifiés au titre de la directive « transferts intra-communautaires » (TIC). Du temps a été nécessaire pour cela, et c'est normal, la confiance réciproque étant fondée sur une vérification approfondie réalisée par les autorités nationales.
Certains pays, toutefois, n'ont pas encore transposé les directives, notamment celle concernant l'ouverture des marchés. C'est le cas semble-t-il de deux pays importants, la Pologne et les Pays-Bas, la Slovénie et le Luxembourg étant quant à eux moins essentiels pour nous. Il faut donc veiller à ce que la transposition soit effective et à ce qu'elle se fasse selon des règles à peu près identiques, de même d'ailleurs que sa mise en oeuvre.
Je ne peux en dire plus mais, le constat est que chacun reste focalisé sur ses propres préoccupations et utilise les marges d'interprétation qui demeurent, malgré l'accord conférant au pays intégrateur et exportateur la responsabilité de donner l'autorisation d'export vis-à-vis du client final. Du travail reste donc à accomplir. La représentation nationale devrait être saisie de cette question et je suis prêt quant à moi à évoquer devant vous des cas concrets concernant les différentes manières de décliner et d'appliquer les directives par nos voisins.