L'investissement dans la recherche et la technologie obéit à une stratégie inscrite, pour ainsi dire, dans notre ADN. Les grands groupes sont des PME qui ont réussi. En 1905, deux Lyonnais, les frères Seguin, qui possédaient une forge à Gennevilliers, ont fondé la société Gnome, qui fabriquait des moteurs. Pour diversifier leur activité, ils se sont lancés dans la production de moteurs d'aviation, et ont inventé un modèle en étoile, refroidi par air, dont le vilebrequin était fixe tandis que les cylindres, les pistons, le carter et l'hélice boulonnée sur les cylindres tournaient autour de l'axe. L'appareil sur lequel Roland Garros a traversé la Méditerranée en 1913 en était équipé. Dix ans après sa fondation, Gnome était devenu leader mondial pour la fabrication de moteurs aéronautiques. C'est cette société qui est à l'origine de la SNECMA et donc de Safran.
La même histoire, ou presque, s'est reproduite dans le domaine de la sécurité. En 1973, à Fontainebleau, deux chercheurs du laboratoire de morphologie mathématique d'une unité commune au CNRS et à l'École des mines de Paris ont créé une start-up qu'ils ont baptisée Morpho. Ils ont obtenu leur premier contrat pour la confection de fiches d'empreintes digitales informatisées. Deux ou trois ans plus tard, à court de ressources financières, Morpho a été rachetée par la Caisse des dépôts, qui l'a ensuite revendue à Pierre Faure, président-directeur général de la SAGEM. Morpho réalise aujourd'hui un chiffre d'affaires de 1,6 milliard et emploie 8 000 personnes.
Nous sommes implantés partout dans le monde car, si nous travaillons à partir d'un noyau technologique dont nous sommes redevables à l'école de mathématique française, nous devons maintenir une étroite proximité avec nos clients. Depuis 1993, nous réalisons la base d'empreintes digitales du FBI. Nos activités de sécurité occupent moins de personnel en France qu'aux États-Unis, où nous produisons les permis de conduire de quarante-deux États. Récemment, lorsque, plus pour des raisons sociales que de sécurité, l'Inde a décidé de se doter d'un système d'identité nationale sécurisé par la biométrie, Safran a mis au point un équivalent de la carte Vitale, qui utilise trois technologies biométriques et permet aux catégories défavorisées, souvent analphabètes, d'accéder aux soins médicaux et aux prestations sociales. Chargés d'une grande partie du dispositif, nous employons du personnel qui réalise sur place l'enregistrement et la « customisation ».
Notre stratégie est fondée sur la différenciation par la technologie et par la proximité avec le client. En d'autres termes, Safran est comme un arbre qui posséderait de fortes racines françaises mais dont les feuilles couvriraient le monde entier. Nous exportons vers l'Europe mais surtout vers le grand large. Les États-Unis sont le premier marché de la sécurité et de l'aéronautique par les flottes qui y sont installées mais, aujourd'hui, nos livraisons concernent essentiellement les pays émergents.