Comme les quatre précédentes, les quatre prochaines années seront marquées par un investissement industriel plus important en France qu'à l'étranger. Beaucoup de nos usines – celle de Turbomeca près de Pau, celle de la SAGEM à Montluçon, celle de Labinal à Villemur-sur-Tarn, celle de Messier à Bidos… – ont été construites juste avant ou juste après la Seconde Guerre mondiale. Il fallait les reconstruire soit ailleurs, soit sur place. En matière de haute technologie, la logique stratégique rejoint le patriotisme économique. Dans tous les cas, nous avons choisi de reconstruire sur place ou juste à côté des anciennes installations.
Safran a investi 110 millions d'euros pour construire à Bordes l'usine de moteurs d'hélicoptères la plus moderne au monde. À Montluçon, nous nous sommes dotés pour 53 millions d'euros d'une usine dédiée à la production des centrales inertielles de navigation. Ramené à notre chiffre d'affaires, c'est un investissement colossal. Celui que nous avons effectué à Turbomeca représente plus de 11 % de son chiffre d'affaires, qui ne dépasse pas le milliard. Pour l'activité de navigation inertielle, la proportion est du même ordre. Nous avons investi 40 à 50 millions dans l'usine de Bidos, et 12 millions dans celle de Villemur-sur-Tarn, à deux kilomètres de l'usine historique et près de notre client Airbus à Toulouse – cette unité dédiée au câblage aéronautique, qui est une industrie de main-d'oeuvre, emploie 700 personnes.
Dans un autre domaine, la SAGEM détenait 1 % du marché mondial des téléphones mobiles. La marque, peu connue en dehors de notre pays, ne bénéficiait pas d'une surface suffisante pour se démarquer technologiquement de ses concurrents, car il faut un volume de production important pour amortir les coûts de recherche et développement que cela implique. Ayant perdu 600 millions en trois ans, soit le coût du développement d'un moteur d'avion civil, elle ne voyait pas le moyen de s'en sortir. Or elle possédait deux usines, l'une en Chine, l'autre à Fougères. La première produisait des téléphones moins chers, mais la seconde en produisait cinq fois plus par heure travaillée. Si nous avons arrêté cette production, nous avons conservé cette usine qui atteint aujourd'hui le taux enviable de onze idées primées et appliquées par personne et par an. Si le personnel est peu qualifié – 70 % des employés n'ont pas le bac –, son niveau d'implication est impressionnant. Quand nous avons reconverti l'usine dans l'électronique de défense et d'aéronautique, elle est passée des téléphones mobiles aux calculateurs de contrôle des moteurs d'avions et au système FÉLIN (Fantassin à équipements et liaisons intégrés) qui équipe nos forces armées. Entre-temps, chacun avait suivi 200 à 300 heures de formation et, le cas échéant, effectué des stages dans d'autres usines du groupe, à Poitiers ou à Montluçon. Sur un investissement de plus de 22 millions, nous avons eu un retour en trois ans. Pour y parvenir, j'ai organisé pendant un an, tous les lundis, dans mon bureau, une réunion entre huit et neuf heures. Ce n'était pas si compliqué, mais il fallait que le reste suive.
Nos perspectives économiques pour 2013 ne seront dévoilées aux marchés financiers qu'à l'issue du conseil d'arrêté des comptes de la mi-février, mais je peux déjà annoncer que nos investissements seront en forte croissance et que la majorité s'effectuera en France. Nous ne devons pas oublier, cependant, que 80 % de nos clients sont hors de l'Hexagone, et qu'une France qui gagne est une France qui s'ouvre à l'international.