Intervention de Chaynesse Khirouni

Réunion du 29 septembre 2015 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChaynesse Khirouni :

J'avoue que cette proposition de loi nous a laissés quelque peu perplexes, tant elle s'apparente à un tract plutôt qu'à une somme de propositions de nature à stimuler l'investissement des entreprises. Nous nous sommes demandé, Monsieur le rapporteur, quelle « main invisible » avait pu tenir le stylo pour rédiger de telles outrances et caricatures... On y retrouve cependant quelques marqueurs idéologiques de groupe.

Sous Nicolas Sarkozy, le dialogue social a été à l'image de son quinquennat : brutal et artificiel. Il s'agissait, sous couvert de concertation, de faire avaliser des choix déjà déterminés.

Avec cette proposition de loi, une chose est certaine : vous n'avez pas changé ! Vous ne cessez de vanter les accords d'entreprises, la négociation, mais on peut se demander, à la lecture du texte, si, pour vous, le dialogue social ne doit pas faire nécessairement un gagnant et un perdant. Pour nous, au contraire, le véritable moteur du changement doit être la démocratie sociale, en laquelle nous avons confiance et qui doit être renforcée.

Cette proposition de loi prétend identifier sept freins au développement des entreprises.

Plusieurs de ses articles tendent à revenir sur des accords négociés et signés par les partenaires sociaux. C'est le cas notamment de la remise en cause du principe d'un socle minimal de 24 heures de travail hebdomadaires pour les salariés à temps partiel. Cette durée minimale est un outil essentiel de la lutte contre la précarité et le temps partiel subi qui, nous le savons, touchent particulièrement les femmes. Elle a été voulue par les organisations patronales et syndicales signataires de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, que la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi a transposé. Celle-ci a prévu, afin de « coller » au plus près à la réalité économique, des dérogations collectives et une possibilité de dérogation individuelle, mais peu vous importe car, pour vous, la précarité des salariés est un gage de d'efficacité économique des entreprises.

Vous souhaitez également supprimer le dispositif de modulation des contributions à l'assurance chômage voulu par les partenaires sociaux et consacré par l'article 11 de la loi du 14 juin 2013, qui a posé les bases législatives de la lutte contre la précarité. Il prévoit d'une part la majoration des contributions patronales pour les CDD en fonction de leur durée et du motif de recours à ce contrat et, d'autre part, l'exonération des contributions au titre de l'embauche en CDI d'un jeune de moins de vingt-six ans.

Vous remettez aussi en cause la création du compte de prévention de la pénibilité, qui représente un progrès social majeur pour les salariés exposés à des travaux pénibles. Les écarts d'espérance de vie – 6,3 années, en moyenne, entre un cadre et un ouvrier – illustrent pourtant, vous le savez bien, les inégalités sociales face à la mort. Décidément, nous n'avons pas la même vision : pour nous, c'est une question de justice, de solidarité nationale envers les travailleurs qui exercent des métiers pénibles.

Les articles 4 et 5 de la proposition de loi tendent à supprimer, pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, l'obligation de recherche d'un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement ainsi que le droit d'information préalable des salariés en cas de cession. Pourtant, chaque année, près de 50 000 emplois disparaissent dans des entreprises saines, faute de repreneurs. Faut-il redire que la reprise par les salariés accroît de 10 à 20 % les chances de pérenniser l'activité et l'emploi à un horizon de trois ans ?

Cette proposition de loi tend également à supprimer deux mesures concernant l'apprentissage et les stages en entreprise.

Vous estimez qu'il suffit, pour développer l'apprentissage, de rendre éligibles à la taxe d'apprentissage les organismes gestionnaires d'établissements d'enseignement supérieur privés à but lucratif. Nous avons préféré, pour notre part, recentrer le champ des formations éligibles à ce financement, via l'élaboration de nouvelles listes régionales, arrêtées par les préfets, comportant des établissements publics et privés faisant l'objet d'un contrôle pédagogique de la part de l'État et délivrant des titres et diplômes inscrits au répertoire national des certifications professionnelles.

Notre majorité est convaincue que l'apprentissage est l'un des chemins de l'accès à l'emploi. Nous avons pris, à cette fin, d'autres mesures qui constituent selon nous des leviers d'intervention plus importants. Je pense notamment à l'aide forfaitaire « TPE jeunes apprentis » ou à l'aide de 1 000 euros versée aux entreprises de moins de 250 salariés qui recrutent un apprenti supplémentaire.

Enfin, vous tentez une fois encore de revenir sur l'une des dispositions de la loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires. Nous avons déjà eu ce débat à de très nombreuses reprises, monsieur le rapporteur, et nous avons un désaccord de fond. Pour nous, le stage n'est pas une fin en soi, ni un sous-contrat de travail qui aurait vocation à être prolongé à l'infini : il doit demeurer un élément de la formation.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, républicain et citoyen soutiendra des amendements de suppression de chacun des articles de cette proposition de loi, qui nie le dialogue social et ne ferait qu'aggraver la précarité des salariés sans pour autant avoir le moindre impact favorable sur le développement des entreprises.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion