Je vais donc évoquer les questions de sécurité et de défense dans la mer Baltique et le Nord de l'Europe, ainsi que notre coopération avec la France, le rôle de l'OTAN et la place de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). La plupart de mes propos valent pour les trois pays baltes, tant les situations sont similaires.
De manière directe, si on parle de la sécurité d'un point de vue militaire, l'activité militaire a augmenté dans notre région depuis le début des tensions en Ukraine. À titre d'exemple, nous avons eu en 2015 110 incursions d'avions ou navires militaires aux frontières de la Lettonie et 250 en 2014, soit plus en une année qu'au cours des dix précédentes. Comme c'est le cas dans d'autres régions de l'Europe, les avions qui apparaissent sur nos écrans sont souvent sans transpondeur et les manoeuvres militaires à nos frontières n'observent pas les bonnes pratiques. Nous ne percevons cependant pas de menace militaire imminente.
Notre appartenance à l'OTAN depuis 2004 est une donnée essentielle de notre situation sécuritaire. Jusqu'aux événements en Crimée et à l'est de l'Ukraine, la présence de l'OTAN sur notre sol se traduisait essentiellement par la police du ciel, assurée par nos alliés, dont la France et nous en sommes reconnaissants. Compte tenu de la menace que nous percevons aux frontières de l'Europe, et pas seulement à celles des pays baltes, la réponse à apporter ne peut être que de long terme. La présence de l'OTAN sur notre territoire est une condition sine qua non pour une dissuasion crédible et efficace. Les décisions qui ont été prises au sommet de l'OTAN au Pays de Galles sont très importantes pour nous : elles renforcent l'état-major à Szczecin en Pologne et placent des éléments d'état-major dans chacun de nos pays. Le rôle de cette présence est d'assurer la coordination, les entraînements et la capacité de réaction rapide en cas de danger. Ces déploiements sont en cours et la pleine capacité opérationnelle de ces éléments devrait être atteinte avant le prochain sommet de l'OTAN, qui se tiendra à Varsovie à la mi-2016. La France assurera la présence de la capacité opérationnelle pour 2019.
Pour ce qui concerne la présence américaine sur notre sol, nous nous en félicitons. Il s'agit bien de mesures de réassurance et, dans le cadre de l'opération Atlantic Resolve, des équipements lourds supplémentaires vont être installés.
S'il y a une dizaine d'années nous étions essentiellement consommateurs de défense, la situation a désormais changé et nous avons atteint un degré de maturité qui nous permet d'être contributeurs à la sécurité et à la défense communes. Nous sommes présents dans un certain nombre d'opérations extérieures, en Afghanistan notamment. Nous participons également à des opérations civiles, en Afghanistan mais aussi en Ukraine, en Géorgie, en République centrafricaine – je sais que cela est mal connu – en Somalie pour l'opération Atalante. Nous envisageons de participer, pour la première fois de notre histoire, à des missions sous mandat de l'ONU, au Mali dans le cadre de la MINUSMA.
Nous avons décidé cet été que la part du PIB que nous consacrons à la défense atteigne 2 % non plus en 2020, comme nous l'avions initialement projeté, mais dès 2018. Cette augmentation de notre budget militaire, le seul de nos budgets qui augmente, se traduira en termes d'effectifs, d'équipements et d'infrastructures mais aussi de cybersécurité, de systèmes d'information, des services spéciaux et d'augmentation des réserves.
Je vais dire quelques mots sur notre coopération avec les autres pays baltes. Celle-ci est très étroite, nous avons beaucoup de projets communs. Nous avons également une coopération avec les autres pays de la région, les pays nordiques, dont au moins deux ne sont pas membres de l'OTAN. Nous encourageons d'ailleurs le renforcement des coopérations entre l'OTAN et ces deux pays, à savoir la Finlande et la Suède.
Notre coopération avec la France est ancienne. Nous avons un cadre stratégique de coopération, nous avons des échanges de visites, des rencontres entre ministres. Nous avons un dialogue dans un cadre 3 + 1, c'est-à-dire les trois pays baltes plus la France. Nous avons régulièrement des séminaires de défense, le prochain ayant lieu à Paris fin novembre.
L'aspect militaire n'est cependant pas le seul. Si nous ne percevons pas de menace militaire imminente, il se passe tout de même quelque chose aujourd'hui, ce que nous appelons la guerre hybride. La guerre conventionnelle n'est plus la seule façon de faire la guerre – on le voit en Ukraine ou avec Daech. Il s'agit donc pour nous de faire prendre conscience de cette nouvelle forme de menace au plan national mais aussi au sein des organisations internationales auxquelles nous participons, Union européenne et OTAN. Nous avons besoin des solutions communes, de la capacité d'identifier ces menaces, d'avoir un système d'alerte et d'un échange d'informations. Nous avançons sur ces sujets, l'Union européenne s'est mise d'accord pour proposer des solutions réalisables face à ces menaces hybrides sur le plan à la fois militaire, civil et cyber. La question de la sécurité des réseaux d'information a été traitée dans le cadre de notre priorité sur le numérique lors de notre présidence du Conseil de l'Union européenne.
Au sommet du pays de Galles, il a été décidé de créer un centre d'excellence en communication stratégique, qui se trouve à Riga depuis un an. Il ne s'agit pas d'analyser les menaces à l'est, mais aussi la stratégie de communication des organisations terroristes qui essaient d'exercer un attrait sur une partie de population européenne.