S'agissant de la perception de la menace russe, il y a indéniablement une volonté d'intimidation et de gesticulation de la Russie vis-à-vis de l'Occident pour faire oublier ce qui se passe ailleurs. Le temps passant, il y a eu une normalisation des relations entre les pays baltes et la Russie, mais je souligne malgré tout qu'il reste beaucoup de stéréotypes nous concernant. Pourtant, nous avons à l'évidence un intérêt clair à ce que la Russie soit stable, démocratique et prospère, dans la mesure où il s'agit d'un pays frontalier avec lequel une coopération normale ne peut être que positive. Il y a bien sûr une détérioration des relations avec la Russie mais nous ne sommes pas opposés au dialogue, bien au contraire. Pour cela, la vérité oblige à dire qu'il faut être deux. Notre ministre s'est d'ailleurs déplacé en Ukraine et en Russie lors du premier semestre 2015. Bien entendu, le format de Normandie joue un rôle déterminant.
Concernant les populations d'origine russe, c'est évidemment une source d'inquiétude et j'ai mentionné en début d'intervention les formes de guerre hybride qui n'ont pas de définition précise. Au début de la crise ukrainienne, de nombreux journalistes se sont déplacés pour rencontrer ces populations d'origine russe mais loin de trouver une population séparatiste, ils ont trouvé une population loyale, ce qui est une bonne nouvelle. Nous ne devons toutefois pas baisser la garde dans la mesure où la politique médiatique est une arme très puissante. Nous captons ainsi toutes les chaînes russes, qui ne se privent pas de propagande et que nous ne pouvons pas interdire puisque nous sommes un état de droit. Nous avons observé chez nous une tentative d'influence de l'opinion publique via les médias, s'agissant à la fois des événements en Ukraine mais aussi de notre politique intérieure. Parallèlement à l'interdiction en Russie des ONG qui recevaient des financements étrangers, nous observons une augmentation du financement d'ONG pro-russes qui sont un moyen d'influence des populations chez nous mais également de la presse et de l'opinion françaises. Sur ces sujets, comme sur celui de l'influence de l'opinion publique sur les questions sociales, nous restons très vigilants. Notre réponse n'est pas la propagande ou la censure mais consiste à développer une offre d'informations de qualité en langue russe. Suite à des discussions pendant notre présidence de l'Union européenne, il a d'ailleurs été créé une task force auprès du service d'action extérieure de l'Union européenne, en lien avec les États membres et le secrétariat du Conseil.
Pour ce qui concerne la Syrie, je me réfère volontiers aux déclarations de votre ministre des Affaires étrangères, M. Laurent Fabius. Il y a certes une présence russe mais pas de frappes à ce stade. Nous partageons tous la nécessité de lutter contre Daech, la France en premier lieu. L'intervention russe en Syrie n'est pas un argument pour ne pas frapper Daech et cette présence doit être perçue dans son contexte qui vise à asseoir l'influence de la Russie sur la scène internationale et à créer un écran de fumée sur les événements qui se produisent dans d'autres régions.
Sur l'Europe de la défense, c'est une banalité de dire que celle-ci avance par crises. Il ne faut pas attendre de révolution pour demain. L'Europe de la défense se créera le jour où chaque État, et je dis bien chaque État, sera prêt à céder une partie de sa souveraineté. Nous y sommes favorables si cela ne crée pas de doublons avec l'OTAN. L'Europe de la défense est complémentaire au lien transatlantique. Pour ce qui concerne les clôtures envisagées, je rappelle qu'il s'agit des frontières extérieures de l'Europe et qu'il est donc de notre devoir de les garder dans le cadre des accords de Schengen. Il s'agit d'un territoire peu peuplé, très difficile à garder et où nous avons effectivement observé une augmentation des passages clandestins.