Intervention de Frédéric Aussedat

Réunion du 30 septembre 2015 à 16h15
Commission des affaires économiques

Frédéric Aussedat, CFE-CGC :

Nous allons nous partager la lecture de la présentation commune préparée par notre intersyndicale.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les parlementaires, les deux entreprises Nokia et Alcatel-Lucent ont annoncé le 15 avril dernier le rachat du groupe Alcatel-Lucent par Nokia. Vous avez reçu ici même, comme l'a rappelé Mme la présidente, M. Suri et M. Combes le 16 juin dernier. Nous vous remercions de nous écouter aujourd'hui, en tant que syndicats représentatifs des salariés d'Alcatel-Lucent en France.

Après un bref rappel de l'histoire récente, nous parlerons du projet industriel de Nokia, des engagements, des risques et des opportunités liés à ce projet – sur l'emploi en particulier. En conclusion, nous rappellerons les quelques points qui nous paraissent majeurs dans le suivi de ce dossier.

L'entrée de M. Combes chez Alcatel-Lucent en 2013 avait été plus glorieuse que sa récente sortie. Ce sont donc deux Français, M. Philippe Camus et M. Michel Combes, qui auront mis fin à Alcatel, entreprise française centenaire. Nous ne referons pas toute l'histoire mais, comme salariés, nous sommes déçus et écoeurés d'en arriver là. L'échec de la fusion avec Lucent, mal orchestrée et sans vision d'avenir, suivi de menaces de faillite consécutives, la concurrence de Huaweï dans une Europe dérégulée sur ses marchés télécoms ont accéléré la dégradation de cette situation.

Cela a abouti au plan Shift lancé par M. Combes en 2013, le plus sévère de tous avec la fermeture de nombreux sites dont cinq en France : Orvault (Loire-Atlantique, plus de 500 personnes), Rennes (Ille-et-Vilaine, plus de 100 personnes), Toulouse (Haute Garonne, une centaine de personnes), Ormes (Loiret, plus de 200 personnes), fermetures précédées par le déménagement de près de 3 000 personnes de Vélizy (Yvelines) vers Nozay (Essonne). Ce plan a supprimé et externalisé des centaines d'emplois en France et des milliers dans le monde. Par ailleurs, l'usine d'Eu (Seine-Maritime, plus de 300 personnes) est actuellement dans un processus de vente. Il en est de même de l'activité de câbles sous-marins ASN, avec 400 salariés dans l'Essonne et 400 autres à Calais – mais nous y reviendrons.

Nous voulons néanmoins souligner un point positif de l'action de M. Michel Combes et du directeur financier M. Jean Raby, qui a permis de nous sortir de l'emprunt Crédit SuisseGoldman Sachs et des gages associés à cet emprunt, et de rééchelonner notre dette.

Nous en arrivons à ce rachat par Nokia, dans quelques mois, sans doute début 2016 pour l'étape la plus importante en matière de nouvelle gouvernance. Dans la corbeille, Alcatel-Lucent apporte ses parts de marché wireless aux US et en Chine ainsi que ses technologies IP, ses technologies en télécoms fixes, plus quelques autres activités et les brevets. Rappelons au passage que même si Alcatel-Lucent est derrière dans les infrastructures sans fil, elle est n° 1 mondial en réseau ADSL, n° 2 en routeurs IP, n° 3 en accès et transmission optiques. Au bilan, en 2014, Alcatel-Lucent, très diversifiée, est en termes de chiffre d'affaires devant Nokia qui est, elle, essentiellement présente sur le mobile.

La direction présente l'acquisition d'Alcatel-Lucent par Nokia comme l'émergence d'un grand groupe mondial face à Huaweï et Ericsson, avec un large portefeuille « produits » sans équivalent, un portefeuille « clients » mondial, une trésorerie nette positive significative de plusieurs milliards d'euros qui permet de gérer la dette et d'investir.

En termes de gouvernance, c'est Nokia qui dirigera, ce qui nous parait plus clair qu'une gouvernance à double têtes du type de celle qui a mis Alcatel-Lucent en difficulté, même si la France n'aura plus qu'une influence restreinte au sein du nouveau groupe.

En juin dernier, lors de la consultation du comité de groupe, au titre de la loi Florange dans le cadre d'une annonce d'offre publique d'échange (OPE), les organisations syndicales ne se sont pas opposées à ce projet de vente d'Alcatel-Lucent à Nokia. Nous voulons désormais que cette opération se passe dans les meilleures conditions possibles pour les salariés que nous représentons.

Au niveau social, nous voulons éviter tout licenciement coercitif et pour cela, nous demandons la mise en place d'une véritable gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) intégrant tous les sujets évoqués : anticipation sur la stratégie, recrutements, pyramide des âges, reclassement interne et formation, départs volontaires compensés par des embauches etc. Évidemment, c'est sur le volet de l'emploi et sur celui des activités en France que nous portons notre priorité : nous demandons des engagements plus concrets et un suivi précis sur ces deux points. Pour cela, des garanties sur le développement d'activités nouvelles doivent être apportées afin de sécuriser et développer l'emploi en France. Notre avenir en dépend, nous n'entendons pas le brader.

Le gouvernement français, que nous avons rencontré à plusieurs reprises, a discuté pendant des mois avec Nokia et Alcatel-Lucent. Le 22 septembre, M. Rajeev Suri a signé un texte chez le ministre M. Emmanuel Macron : ce sont les engagements que nous allons commenter et que vous, députés, nous, salariés, et le Gouvernement devront suivre dans le temps pour s'assurer de leur respect et de leur concrétisation.

Enfin, nous savons qu'il est fort probable que le gouvernement français donne rapidement son autorisation au titre des investissements étrangers en France, et que le gouvernement chinois le fasse en octobre. À partir de là, il restera à l'assemblée générale des actionnaires de Nokia à autoriser le lancement de l'OPE, pour aboutir à une prise de pouvoir opérationnel sans doute début 2016.

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