Intervention de Claude Josserand

Réunion du 30 septembre 2015 à 16h15
Commission des affaires économiques

Claude Josserand, CGT :

Quel est le projet industriel lié à cette OPE ?

Si les objectifs financiers ont été clairement définis et étudiés, le projet industriel reste des plus flous à ce jour, alors que ce doit être le moteur de la réussite de ce rachat. À ce stade, les dirigeants de Nokia ont répondu sans précision suffisante, arguant d'un calendrier de finalisation en 2016 et des travaux en cours de l'équipe d'intégration. Cette dernière réfléchit à l'organisation du futur groupe et à ses activités de par le monde. Mais nous savons que les choses s'accélèrent et que les décisions stratégiques sur l'organisation du nouveau groupe se prennent maintenant.

Nous ne connaissons toujours pas précisément les cartographies actuelles et prévisionnelles des projets de Nokia par site et par pays. C'est pourtant une donnée nécessaire pour comprendre et faire des propositions afin que les sites qui nous restent, Lannion et Nozay, acquièrent une place stratégique dans un groupe à ancrage européen, particulièrement en termes de R&D et d'innovation. Nous demandons à en discuter régulièrement et en toute transparence dans les semaines et les mois qui viennent, avec l'équipe en charge de l'intégration et les responsables d'activités qui seront bientôt nommés.

Les directions de Nokia et d'Alcatel-Lucent n'incluent pas la filiale Alcatel Submarine Network (ASN) dans l'opération. Dans un premier temps, le gouvernement français semblait vouloir conserver ASN dans un partenariat industriel en France. Cela n'est pas concrétisé à ce jour. Nous considérons que cette entreprise, ancrée sur une activité particulière mais majoritairement dans les télécoms, doit pouvoir trouver sa place dans un groupe européen comme Nokia, à condition que celui-ci ait la volonté d'investir dans un réel projet industriel. Il est également primordial de sanctuariser l'accès à la propriété intellectuelle nécessaire à la poursuite de son activité. Ne pas le faire laisserait ASN dans une situation risquée. Les récentes informations communiquées par la direction d'ASN aux salariés à propos d'une vente en LBO sont inquiétantes en raison d'un timing précipité et d'un montage capitalistique inadapté à la cyclicité de l'activité et à son besoin d'investissements. Où est l'intérêt d'ASN, et comment impliquer les salariés avec de tels projets ? Le Gouvernement doit veiller aussi au devenir d'ASN comme il s'y est engagé de longue date. Au regard de la souveraineté nationale et de la sécurité des réseaux, nous demandons de préserver ASN au sein du groupe Nokia, par exemple dans une filiale française dédiée aux « activités sensibles ». Le calendrier de rachat d'Alcatel-Lucent par Nokia s'accélère, alors que celui de la cession d'ASN est retardé : il est encore temps de réfléchir au maintien d'ASN dans le groupe Nokia.

Concernant les centres industriels, le mouvement de désengagement continue et Nokia s'inscrit dans cette même stratégie. Nous demandons que toute opportunité d'activité de Nokia soit étudiée pour alimenter nos anciens centres industriels, en particulier celui d'Eu (Seine-Maritime), en cours de cession. En effet ce rapprochement avec Nokia sera une source de charges nouvelles que Nokia faisait réaliser ailleurs auparavant.

Les engagements envers la France ont été un peu précisés mais manquent encore de concret.

Le seul engagement mesurable pris concerne les effectifs.

Jusqu'en 2018 : maintien à 4 200 salariés en France pour deux ans ; ce chiffre de 4 200 correspond à l'effectif des salariés dans la filiale Alcatel-Lucent International et dans la filiale Alcatel-Lucent Bell Labs France à l'issue du plan Shift, soit fin 2015. Il faut noter que ce chiffre n'inclut pas les salariés travaillant chez Nokia en France aujourd'hui, soit environ 250 personnes supplémentaires.

Jusqu'en 2020 : accroissement de l'effectif de R&D de 500 personnes dont 300 recrutements de jeunes sur trois ans, pour atteindre 2 500, garantis pendant quatre ans. À cet égard, il faut savoir que la moyenne d'âge de l'ensemble du groupe en France dépasse les quarante-sept ans ; il devient donc indispensable de renouveler la pyramide des âges.

L'engagement d'augmentation de la R&D de 500 postes sur quatre ans, associé à un engagement de maintien de l'effectif global de 4 200 salariés sur deux ans, présente un risque. Ce risque, clairement évoqué par la direction, concerne plusieurs centaines de postes sur les fonctions support (SG&A, c'est-à-dire ventes, général et administratif, mais aussi certaines fonctions à caractère technique non R&D) en France. Le jeu consiste à créer des emplois de R&D dans un premier temps, à condition d'en supprimer ailleurs. En corollaire, au-delà de 2018, l'engagement ne concerne que la R&D, ce qui laisse peser sur les autres métiers une forte incertitude quant à leur pérennité en France.

Nokia précise la définition d'un « centre d'excellence ». Il s'agit d'intégrer les fonctions d'innovation, d'architecture, de marketing avec le développement et les tests, basés sur des plates-formes de référence. Ce centre doit avoir une taille critique avec la maîtrise de ses développements de bout en bout. C'est ce qui est affiché pour tout ou partie des développements dans des activités suivantes : la 5G et les small cells ; les faisceaux hertziens ; les plateformes de gestion des réseaux IP y compris la virtualisation des réseaux par logiciel (SDN ou Software-Defined Network) ; la cybersécurité (R&D, développement de produits et de plateformes, appuyé sur un partenariat avec Thalès dans les services) ; les Bell Labs, c'est-à-dire la recherche avancée ; la transmission optique.

Enfin, Nokia s'engage à localiser en France le pilotage de l'innovation stratégique, et son dirigeant. C'est positif, mais en matière de périmètre, cela manque de clarté. Nous demandons que les attributions de ce directeur technique mondial englobent les responsabilités décisionnelles sur le partage et la localisation des activités de R&D du groupe dans le monde.

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