Intervention de Frédéric Aussedat

Réunion du 30 septembre 2015 à 16h15
Commission des affaires économiques

Frédéric Aussedat :

J'en viens aux questions sur la fonction support. Quel est son avenir ?

Aujourd'hui, un engagement a été pris sur 4 200 emplois. On sait qu'il y aura des embauches et que cet engagement portera sur un volume d'emplois, et pas sur la conservation des emplois existants. Cela veut dire que, parmi ces embauches, il aura un basculement sur d'autres emplois. Par ailleurs, comme il est prévu que le niveau d'emploi en R&D soit maintenu pour une période de quatre ans, nous pensons que c'est la fonction support qui sera parmi les fonctions les plus touchées dans les années qui viennent.

S'agissant de la fonction support, il faut tenir compte de deux facteurs.

Premièrement, est-ce qu'elle gagne de l'argent ? Non, moins que la recherche. En effet, grâce au CIR, un ingénieur de recherche est très compétitif par rapport à un ingénieur américain. Il est beaucoup moins cher.

À ce propos, je ne suis ni pour, ni contre le fait de mettre des conditions au bénéfice du CIR. Simplement, ces conditions ne devront pas faire perdre sa compétitivité au chercheur français. En effet, le calcul de Nokia est vite fait : grâce au CIR, la R&D n'est pas chère en France, elle est même moins chère qu'en Finlande, et donc moins chère qu'en Allemagne grâce. Voilà pourquoi il est intéressant pour elle de garder les ingénieurs français en France. En outre, les Français sont plus créatifs que les Finlandais.

Le CIR est donc important. On peut le modifier, l'assortir de conditions, mais il faut toujours avoir en tête le niveau de compétitivité de nos ingénieurs par rapport aux autres. Et le calcul doit se faire globalement. Ainsi, aujourd'hui, les Chinois sont un peu plus compétitifs, mais ils sont encore un peu moins créatifs que nous. Les Indiens sont très compétitifs aussi, mais ils ont tellement de turn-over que quand on prend en compte leur temps de formation, de mise en place dans les projets, etc. ils deviennent moins compétitifs que les Français. Tout cela rentre en ligne de compte dans les calculs des administrateurs.

Sur les fonctions support, il n'y a pas de CIR. Donc aujourd'hui, effectivement, les Français ne sont pas compétitifs – chez nous, le coût du travail est très cher. En outre, elles sont implantées sur un certain nombre de pays – France, certains pays du Sud de l'Europe, Afrique, Moyen-Orient, etc. Or il y aura une redistribution, que l'on ne connaît pas encore.

Un deuxième critère rentre en ligne de compte : celui qui s'occupe d'un business chez Alcatel ou chez Nokia prend à sa charge les pertes ou les gains. Aujourd'hui, en France, le système fait que lorsque l'on a des pertes, on peut les cumuler et les reporter sur les résultats à hauteur de ces résultats. En Finlande, on peut le faire à hauteur de 100 %. Si l'on fait un calcul purement financier, et je suis à peu près persuadé que c'est le cas, il n'y a pas vraiment d'intérêt à cumuler des pertes sur la France. Et cela pourrait bien restreindre encore le volume de pays sur lesquels nous allons pouvoir travailler.

En outre, sur ces fonctions support, il y a un engagement de deux ans. En effet, avant que l'on arrive à faire basculer les clients, qu'on termine les produits en cours, qu'on fasse la version convergente, il s'écoulera un certain nombre d'années. Il y aura donc beaucoup de travail à faire. Il est donc normal que les fonctions support soient très peu touchées dans les deux ans à venir. En revanche, la question se posera au-delà de ces deux ans. Ne nous leurrons pas : cela dépendra principalement de l'analyse purement financière qui sera faite. Aujourd'hui, nous ne sommes plus dirigés par des capitaines d'industrie pour lesquels les gens et les produits étaient importants, mais par des financiers.

Vous ne devez pas le perdre de vue lorsque vous procédez à des modifications législatives – comme c'est votre rôle. On ne doit pas compter sur le côté humain de quelqu'un qui habite dans un pays qui n'est pas le nôtre. En revanche, on peut compter sur les engagements qu'ils ont pris. Ils les tiendront. Du moins, nous l'espérons.

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