Intervention de Christian Eckert

Réunion du 7 octobre 2015 à 16h15
Commission des affaires sociales

Christian Eckert, secrétaire d'état au budget, auprès du ministre des finances et des comptes publics :

Après le projet de loi de finances (PLF) la semaine dernière, le PLFSS a été déposé aujourd'hui devant votre assemblée. Vous venez d'entendre la présentation qu'en a faite Marisol Touraine ; il me revient maintenant de vous apporter quelques éléments clés sur ce texte, de mon point de vue de secrétaire d'État chargé du budget.

Pour commencer, ce texte est la démonstration de notre crédibilité budgétaire. Nos comptes publics se redressent et nous enregistrons des résultats. Si l'on regarde l'ensemble des administrations publiques, le solde 2014, récemment révisé par l'INSEE, s'établit à 3,9 % du PIB et nous serons à 3,8 % en 2015 – l'avis du Haut conseil des finances publiques sur le PLF ayant confirmé la crédibilité de cet objectif. En 2016, notre objectif est de 3,3 %, et nous stabiliserons le ratio de dette publique pour la première fois.

Le champ de la sécurité sociale contribue fortement à cette amélioration globale : c'est le fruit d'une politique résolue d'économies, sans sacrifier les droits des assurés et en maintenant notre priorité en faveur des Français les plus modestes.

On ne le dira jamais assez et jamais assez fort : le déficit de la sécurité sociale se réduit chaque année depuis le début de la législature. Il était de 21 milliards d'euros en 2011, de plus de 17 milliards en 2012, de plus de 15 milliards en 2013, et de 13 milliards l'année dernière, en 2014. Cette année, il sera de moins de 10 milliards d'euros pour le régime général et de 12,8 milliards d'euros si l'on inclut le FSV. Nonobstant les critiques, ce résultat est le meilleur atteint depuis 2008, c'est-à-dire avant le début de la crise économique.

Non seulement le déficit diminue, mais depuis deux ans, il se réduit plus rapidement que prévu. Le déficit constaté en 2014 a été inférieur de 2 milliards d'euros à notre prévision ; celui de 2015 sera inférieur de 600 millions d'euros à l'objectif fixé dans la LFSS pour 2015.

Le résultat de cette politique, c'est que l'année prochaine, deux branches sur les quatre que compte le régime général seront à l'équilibre : la branche accidents du travail et la branche vieillesse. La branche famille quant à elle se rapprochera nettement de l'équilibre puisque son déficit ne sera plus que de 800 millions, et l'équilibre sera atteint en 2017.

C'est le signe que les efforts paient : ce sont la réforme des retraites et les mesures d'économie prises sur la branche famille ces deux dernières années qui ont permis ces résultats.

Un chiffre permet de mesurer à quel point les résultats sont probants : celui de l'évolution de la dette totale de la sécurité sociale, à la fois celle qui a été transférée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et celle qui demeure à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). En 2015, la CADES devrait rembourser environ 13,6 milliards d'euros de dette accumulée par le régime général et le FSV. Le déficit prévisionnel devrait quant à lui être de 12,7 milliards d'euros. Autrement dit, la dette sociale va baisser en valeur dès 2015 pour la première fois depuis 2002, et ce mouvement va s'amplifier en 2016.

L'horizon de remboursement intégral de la dette sociale est fixé à 2024, et cet horizon ne s'éloigne plus. Dans ce contexte, plutôt qu'attendre encore deux ans, le Gouvernement souhaite anticiper la reprise par la CADES des déficits accumulés à l'ACOSS en transférant dès l'année prochaine 23,6 milliards d'euros de dette à la CADES, pour saturer le plafond de reprise de 62 milliards actuellement en vigueur. Cela permet de tirer profit des taux bas du marché, et de ne pas prendre le risque d'attendre une remontée des taux.

Les mesures de maîtrise des dépenses de la sécurité sociale se poursuivront en 2016 dans le cadre plus général du plan de 50 milliards d'euros d'économies réalisés en trois ans sur l'ensemble des administrations publiques. En 2016, la contribution des administrations de sécurité sociale au plan de 50 milliards d'économies atteindra 7,4 milliards d'euros au total.

L'ONDAM a été respecté pour la cinquième année consécutive en 2014 et nous mettrons tout en oeuvre pour respecter l'ONDAM 2015. L'avis du comité d'alerte qui vient d'être publié confirme que ce devrait être le cas, et valide la construction de l'ONDAM 2016. Il montre que c'est un objectif exigeant – le taux de progression de l'ONDAM a été fixé à 1,75 %, le taux le plus bas depuis sa création en 1997 – mais réaliste. Cela permettra de faire une économie de 3,4 milliards d'euros. Marisol Touraine vient de détailler les axes des mesures d'économies prévues en matière d'assurance maladie.

Vous l'avez vu, cette démarche est cohérente, structurée et inscrite dans la durée. Elle ne sacrifie pas les droits des assurés. Bien au contraire, la protection universelle maladie (PUMa) sera l'une des réformes sociales importantes de cette législature, avec la mise en oeuvre de la prime d'activité, qui interviendra aussi en 2016.

Le projet de loi de finances présenté la semaine dernière prévoit une réforme des modalités de revalorisation de l'ensemble des prestations sociales. Cette réforme est bien sûr inscrite en miroir dans le PLFSS présenté aujourd'hui pour les prestations relevant du champ de la sécurité sociale.

En effet, au 1er avril 2015, le Gouvernement aurait dû diminuer les prestations familiales de 0,7 point s'il avait appliqué strictement les dispositions législatives actuelles, qui prévoient un mécanisme de correction en cas d'inflation inférieure aux prévisions. Bien sûr, nous avons choisi de ne pas diminuer le montant des prestations, dont certaines bénéficient à des familles modestes. Cela étant, ce système de correction des écarts de prévision l'année suivante n'est pas satisfaisant. En outre, pas moins de cinq dates de revalorisation et autant d'indices de référence coexistent, pour les revalorisations des différentes prestations : ce dispositif est complexe et peu lisible pour les bénéficiaires.

Aussi proposons-nous, d'une part, de clarifier les dates de revalorisations en les regroupant au 1er octobre pour les retraites – ce qui ne change rien – et au 1er avril pour toutes les autres prestations, et, d'autre part, de mettre en place un bouclier garantissant le maintien des prestations à leur niveau antérieur en cas d'inflation négative, dans un cadre général où la revalorisation se fera uniquement en fonction d'évolutions connues, et non plus prévisionnelles, ce qui exclura en conséquence toute nécessité de correction a posteriori.

Cette réforme est neutre à long terme, puisque l'inflation constatée et l'inflation prévisionnelle convergent sur longue période. Elle conduit cependant à des économies temporaires dans un contexte de reprise de l'inflation. L'impact sur l'ensemble des comptes publics sera de l'ordre de 500 M€ en 2016. Je tiens à rappeler qu'en aucun cas, cette réforme ne remet en cause les mesures du plan pauvreté, qui continueront à s'appliquer jusqu'en 2017. Cette mesure transversale n'aura aucun impact sur la revalorisation exceptionnelle du revenu de solidarité active (RSA), toujours prévue au 1er septembre, et qui continuera à s'appliquer chaque année.

J'en viens à mon second point : les mesures concernant les recettes, et notamment celles du Pacte de responsabilité et de solidarité.

Le PLFSS met en oeuvre la deuxième étape du Pacte de responsabilité et de responsabilité qui, je le rappelle, prévoit que les entreprises bénéficieront de 9 milliards d'euros d'allégements supplémentaires en 2016. À ce titre, deux mesures sont prévues : premièrement, la baisse de 1,8 point des cotisations sociales pour les salaires jusqu'à 3,5 fois le niveau du SMIC à compter du 1er avril prochain : le décalage de trois mois correspond à la prise en compte des autres mesures décidées en faveur des entreprises, notamment en faveur des très petites entreprises en août, ou bien en faveur de l'actionnariat et de l'épargne salariale. Deuxièmement, la poursuite de baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) payée par les entreprises, dont nous avons déjà débattu l'année dernière. Cette contribution, vous le savez, pèse sur le chiffre d'affaires et n'est pas déductible, ce qui signifie qu'une entreprise déficitaire doit tout de même payer la C3S, même lorsqu'elle ne paie pas d'IS, et que seul le chiffre d'affaires réalisé en France est taxé. Je ne reviens pas plus longuement sur les défauts économiques de cet impôt qui expliquent pourquoi c'est sur lui que nous avons concentré nos efforts.

Avec ces mesures, nos objectifs sont clairs : les petites et moyennes entreprises et les secteurs exposés.

Dans cette deuxième étape du pacte, le Gouvernement a choisi de relever le niveau de l'abattement créé l'année dernière, qui sera porté à 19 millions d'euros, soit une baisse de prélèvement de 1 milliard d'euros pour les 100 000 redevables. De cette façon, 80 % des redevables, c'est-à-dire les plus petites entreprises et la très grande majorité des moyennes, seront totalement exonérées.

Ainsi, sur 1 milliard de baisse de C3S, 250 millions d'euros iront aux entreprises industrielles. De même, en ciblant des salaires médians, nous savons que 25 % de la baisse des cotisations famille bénéficiera à notre industrie.

En 2016, le pacte représentera donc un gain de 1 milliard d'euros pour notre industrie, soit 25 % des baisses de prélèvements alors que ces secteurs ne représentent que 14 % de notre valeur ajoutée. En outre, ce milliard d'euros ira principalement vers des PME et des entreprises de taille intermédiaire des secteurs industriels.

Dernier point important : comme l'année dernière, c'est l'État, et non la sécurité sociale, qui supportera intégralement le coût de ces baisses de prélèvements. La compensation à la sécurité sociale sera réalisée à l'euro près et sera pérenne, incluant la baisse de la recette apportée l'an dernier en compensation des premières mesures du pacte par la mesure sur les caisses de congés payés.

Comme l'année dernière, cette compensation sera réalisée principalement par le transfert au budget de l'État de certaines dépenses aujourd'hui retracées dans les comptes de la sécurité sociale, dans une logique de rationalisation et de simplification. Ainsi, l'aide au logement familiale (ALF), actuellement financée par la branche famille, le sera désormais par l'État, sans modification des règles de calcul ou de gestion. Enfin, le financement des mesures de protection des majeurs vulnérables, soit 400 millions d'euros par an, sera également transféré à l'État.

C'est un effort significatif, de plus de 5 milliards d'euros supplémentaires en 2016. Cela explique que l'on ne constate qu'une faible réduction du déficit budgétaire de l'État en 2016, de l'ordre de 1 milliard d'euros, malgré les économies et la réduction de la dépense publique. L'État absorbera par ses seuls efforts d'économie en dépenses les pertes de recettes liées au pacte et l'équilibre de la sécurité sociale sera entièrement préservé.

D'autres mesures de recettes figurent dans ce PLFSS.

Parallèlement à la mise en oeuvre du pacte, nous poursuivrons la réduction des niches sociales. Il ne faut pas croire que le Gouvernement serait subitement devenu aveugle ou sourd lorsqu'il apparaît que certaines exonérations sont en réalité des niches dont l'efficacité est remise en cause. Ainsi, dans le cadre du nouveau dispositif de « revue des dépenses », un rapport adressé cet été au Parlement a formulé des critiques pertinentes sur un certain nombre de dispositifs parfois mal ciblés, coûteux, peu efficaces et très complexes dans leurs critères.

En outre, on peut considérer que leur utilité, pour certains, se justifie moins que par le passé puisque, dans le même temps, les exonérations générales de cotisations ont été renforcées. Dans certains cas, on constate même que les dispositifs ciblés sont devenus moins favorables à certains niveaux de salaires que les allégements généraux, tout en coûtant plus cher au global ! Aussi, deux mesures du PLFSS, l'une sur les exonérations applicables en outre-mer, l'autre sur certaines exonérations zonées, contribueront à cet objectif. Je précise que dans les deux cas, c'est uniquement le volet qui concerne les cotisations qui est visé : le volet fiscal de ces dispositifs demeure inchangé.

Enfin, je souhaite revenir sur les suites de l'arrêt "De Ruyter", dont l'importance me semble avoir été sous-estimée.

Instituée en 1991, la contribution sociale généralisée (CSG) est une contribution affectée à la sécurité sociale et payée par tous les contribuables sur tous leurs revenus : revenus d'activité, pensions, revenus du capital, etc. Nous considérons, et le Conseil constitutionnel l'a clairement établi, que cette contribution, qui n'ouvre aucun droit à la protection sociale, est de même nature qu'un impôt.

Or, dans un contentieux engagé par un contribuable qui résidait en France et y payait ses impôts mais qui était affilié à la sécurité sociale dans un autre État membre, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a été amenée à conclure que la CSG sur les revenus du capital ne pouvait pas être affectée aux assurances sociales au motif que, pour faire respecter le principe communautaire de libre circulation des travailleurs, les ressortissants européens ne peuvent être soumis qu'à une seule législation sociale. La CJUE considère donc qu'au vu de son affectation actuelle, la CSG sur les revenus du capital ne peut pas être perçue sur les personnes affiliées dans un autre État membre.

Je voudrais tout d'abord rassurer les personnes concernées par ces contentieux : bien entendu, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires afin que celles qui entrent dans le champ de cet arrêt – et elles seules – puissent, pour le passé, bénéficier d'un remboursement des prélèvements effectués à tort, en application de la décision de la Cour de Justice.

Pour l'avenir, cette décision pourrait potentiellement avoir des conséquences lourdes sur le financement de la sécurité sociale, que nous ne souhaitons pas.

En effet, l'analyse de la CJUE tend à faire de la CSG une cotisation, et non plus un impôt. Si l'on admettait ce raisonnement, il faudrait sans doute se demander s'il ne va pas falloir assujettir de nombreuses personnes qui actuellement ne l'acquittent pas, car ils ne résident pas en France – par exemple les retraités français qui résident à l'étranger.

Pour respecter la décision de la CJUE sans dénaturer la CSG et dans un souci d'équité entre l'ensemble des contribuables qui bénéficient de revenus de source française, le PLFSS prévoit d'affecter ces prélèvements au financement de prestations non contributives, dans la sphère sociale, identiques à celles financées par les autres impôts. Cette affectation se fera principalement au FSV et accessoirement à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), pour financer la dépendance.

Enfin, certains souhaitent profiter de l'occasion pour nous obliger à revenir en arrière sur l'assujettissement aux prélèvements sociaux sur le capital applicable aux non-résidents, mis en place en août 2012. Il n'est évidemment pas question de donner suite à cette demande, non seulement au vu du coût budgétaire, mais aussi parce que ce serait recréer une injustice, une inégalité à l'égard des autres contribuables.

Enfin, et j'insiste sur ce point, rien ne nous interdit juridiquement de soumettre les non-résidents aux prélèvements sur le capital. La CJUE nous a seulement demandé de ne pas affecter à la sécurité sociale française les prélèvements sur le capital acquittés par des personnes affiliées dans d'autres pays d'Europe. Ce n'est donc pas en exonérant les non-résidents que nous pourrions nous mettre en conformité.

Je voudrais terminer cette intervention en revenant sur les mesures que nous prenons au sujet de l'organisation et du fonctionnement de la protection sociale des indépendants – sans en refaire l'historique pour ne mettre mal à l'aise personne…

De nombreuses mesures ont été prises depuis 2012. Avec Marisol Touraine et Martine Pinville, nous avons fixé en juin dernier une nouvelle feuille de route en matière de qualité de service. L'adaptation du calendrier de recouvrement, pour que les cotisations payées correspondent à la réalité des moyens dont disposent les entreprises, la généralisation des médiateurs et, plus récemment, la ré-internalisation de l'accueil téléphonique sont des exemples parmi beaucoup d'autres de réalisations récentes.

Il y a quelques jours, les députés Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier ont remis au Premier ministre leur rapport présentant des pistes de réforme plus structurelles.

La première consiste en une refonte du barème des cotisations minimales, afin de le simplifier et d'offrir plus de droits sociaux aux assurés, notamment en matière de retraite. Nous allons y travailler, avec le RSI, dans le sens fixé par le rapport. Certaines mesures, d'ordre réglementaire, ont d'ores et déjà été annoncées.

La seconde est une amélioration substantielle du pilotage et des priorités en termes de gouvernance des systèmes d'information. Ce point sera intégré à la prochaine négociation de la convention d'objectifs et de gestion pour la période allant de 2016 à 2019.

Enfin, un certain nombre de mesures concernent les droits des indépendants – notamment la réduction du délai de carence pour le bénéfice des indemnités journalières.

En conclusion, vous l'avez compris, le Gouvernement poursuit, dans le domaine de la sécurité sociale, trois objectifs : le rétablissement de l'équilibre financier de notre système de sécurité sociale, qui contribue fortement au redressement des comptes publics ; le renforcement de la compétitivité de notre économie en allégeant les prélèvements sociaux sur les entreprises ; enfin, l'amélioration de la qualité de la protection sociale, qui doit être toujours plus adaptée aux besoins des assurés, notamment dans le domaine de la santé, mais aussi toujours plus efficace, souple et adaptable aux souhaits de nos concitoyens, qu'il s'agisse des salariés, des retraités ou des indépendants, dans sa gestion et son organisation. En 2016, nous poursuivrons notre mobilisation dans ces trois directions.

Nous avons célébré hier en présence du Président de la République les soixante-dix ans de la sécurité sociale. Ce n'est pas qu'un anniversaire ni une fin en soi : c'est surtout l'assurance de vivre plus longtemps et mieux. C'est cet avenir que nous voulons pour cette institution majeure, à laquelle nous sommes tous attachés.

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