Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 7 octobre 2015 à 16h15
Commission des affaires sociales

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Si les médecins sont prêts à me soigner, c'est formidable… Cela prouve qu'on progresse ! (Sourires.)

Je vous parlerai donc, sans transition, des soins palliatifs. Oui, monsieur Lurton, les soins palliatifs figurent dans ce qu'on appelle la construction du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Je présenterai prochainement le plan triennal dans le détail, mais je peux d'ores et déjà vous indiquer que l'effort supplémentaire représentera, en 2016, 40 millions d'euros d'engagement de l'État, qui permettront de soutenir le développement des équipes mobiles de soins palliatifs pour intervenir en proximité. Au moins trente équipes seront financées au titre des ressources 2016. Nous avons également la volonté, dans le cadre de ce budget 2016, de développer le recours à une compétence infirmière, de développer la présence infirmière dans les EHPAD et de consacrer des ressources à de l'accompagnement à domicile pour éviter les hospitalisations de personnes en fin de vie. Enfin, bien sûr, pour réduire les inégalités territoriales, nous ferons en sorte de développer l'offre spécialisée en soins palliatifs prioritairement dans les territoires qui présentent des manques en la matière. Quant à la formation et à la recherche, elles ne relèvent pas directement du budget du PLFSS mais des actions en ce sens sont prévues. Je voudrais lever toute ambiguïté à cet égard : ce sujet, dont nous avons débattu il y a deux jours, est suffisamment grave pour que nous puissions nous rassembler.

Mme Huillier et Mme Carrillon-Couvreur m'ont interpellée sur le médico-social. Je n'y répondrai pas dans le détail, mais il est un point sur lequel je veux insister : il n'y a aucune raison – je dis bien : aucune – d'éprouver quelque inquiétude à propos des maisons départementales des personnes handicapées ou des maisons départementales de l'autonomie, selon la terminologie adoptée par les départements. Notre volonté est de faciliter leur travail, de simplifier les procédures, mais je veux rassurer ceux qui ont besoin d'être rassurés : notre projet n'emporte aucune remise en cause de ces structures institutionnelles.

Je vous confirme, madame Huillier, que la CASA sera intégralement affectée à la CNSA et viendra en particulier soutenir des priorités du secteur médico-social, comme l'investissement dans les établissements pour personnes handicapées. En ce qui concerne le transfert de financement des dépenses de fonctionnement des ESAT du budget de l'État vers l'ONDAM, mesure soutenue par l'ensemble du Gouvernement avec enthousiasme, l'objectif est de permettre aux différents types d'établissements gérés par un même organisme gestionnaire de bénéficier d'un seul financeur. Cette mesure entrera en vigueur en 2017 via un transfert de crédits – c'est donc une mesure financièrement neutre et la compensation est pérenne. La généralisation des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens permet que le financement des établissements et services passe en dotation globale annuelle, ce qui répond à une attente.

Autre question sensible, celle du soutien au système d'information : je vous confirme simplement que des travaux sont bien engagés. Ce système, dont la réalisation est prévue par la loi d'adaptation de la société au vieillissement, défendue par Laurence Rossignol, doit nous permettre une meilleure connaissance des publics et des orientations proposées. En 2016, le projet entrera dans sa phase de réalisation. Le déploiement de cet outil prendra du temps, mais le processus est engagé.

Je veux répondre sur la question douloureuse et sensible de l'accueil de personnes en situation de handicap dans des établissements en Belgique, qui concerne environ 1 500 enfants et 4 500 adultes handicapés, originaires de nombreux départements français, même si, à l'évidence, pour des raisons que chacun comprendra, le phénomène touche plus particulièrement les régions frontalières et l'Île-de-France. Avec Ségolène Neuville, nous avons pris l'engagement d'apporter des réponses en priorité, en proximité, en France afin de faire cesser ce mouvement. Notre volonté est de faire en sorte qu'il n'y ait aucun départ contraint. Des personnes peuvent souhaiter, pour des raisons diverses, aller en Belgique – ce choix leur appartient –, mais, en lien avec les associations de personnes handicapées et les gestionnaires, nous sommes en train de travailler à la mise en place d'un dispositif permanent d'orientation. Un amendement du Gouvernement au projet de loi de modernisation de notre système de santé lors de l'examen de ce texte au Sénat, prévoit, pour les MDPH précisément, d'offrir la possibilité aux personnes concernées ou leur famille de co-construire un plan d'accompagnement global avec les établissements, les services et les financeurs, et nous envisageons d'y consacrer une enveloppe financière spécifiquement dédiée.

Pour ce qui est de la branche vieillesse, je vous remercie, monsieur Issindou, d'avoir rappelé la mesure importante annoncée avant l'été, confirmée à la fin de l'été, et qui a fait l'objet d'un décret au début du mois de septembre : la mise en place d'un dispositif d'opposabilité pour le versement des retraites. Ainsi va l'actualité, une nouvelle en chasse une autre, mais c'est une avancée majeure. Désormais, toute personne qui part à la retraite et qui, comme c'est aujourd'hui prévu, a déposé son dossier complet quatre mois avant la date à laquelle elle souhaite arrêter de travailler est certaine de percevoir sa pension dès le premier mois de cessation d'activité. Et si, pour telles ou telles raisons, la caisse n'a pas pu traiter son dossier, elle versera une estimation du montant de la retraite, dont le montant sera calculé grâce à de nouveaux logiciels.

Le déficit du FSV est évidemment largement lié à la situation de l'emploi. Le FSV verse aujourd'hui plus de 10 milliards d'euros par an pour valider les trimestres pour la retraite des chômeurs, ce qui représente un gros effort de solidarité. Son redressement est sans doute trop lent, mais c'est directement lié au taux de chômage. Le Gouvernement veille à apporter de nouvelles recettes pérennes au FSV, à travers la CSG notamment.

Pour ce qui est des pensions de réversion, je reconnais votre constance et votre cohérence en la matière, et je comprends bien votre démarche. Les conditions d'âge et de ressources, ainsi que celles liées à la situation maritale de la personne veuve, peuvent notablement différer d'un régime à l'autre, si bien que le système est peu lisible. La réponse que je vais vous faire ne va sans doute pas vous satisfaire mais, à partir du moment où nous procédons à une remise à plat complète, il y aura – il faut l'assumer – des perdants et des gagnants. Dans un moment que nous pourrons qualifier de difficile, ce n'est pas toujours évident, parce que la pension de réversion joue encore un rôle important pour beaucoup de femmes. Nous parlons, en l'occurrence, de générations qui pour certaines dépendent encore beaucoup de la pension de réversion. Nous devons donc avancer avec prudence sur ce chemin, et je sais que vous y êtes tout à fait sensible.

Plusieurs questions ont porté sur la complémentaire santé pour les retraités et sur les cotisations des médecins.

Il n'y a aucun changement pour les médecins. Avouez qu'il était un peu paradoxal que l'assurance maladie supporte des coûts plus élevés pour les professionnels de santé que pour d'autres professions libérales – car c'est elle qui vient payer ou compenser aux médecins les cotisations que certains d'entre eux versent à la Sécurité sociale. Mais, pour le médecin lui-même, l'opération est neutre : dans la mesure où nous réduisons les cotisations prises en charge par l'assurance maladie, non les prestations, il n'y a aucun changement pour les cotisations qui ne sont pas prises en charge. Pour les médecins dont les cotisations ne sont pas prises en charge, par exemple en raison de dépassements d'honoraires, parce que tel était l'enjeu, il n'y a aucun changement. Deux cas de figure se présentent donc : si les cotisations sociales sont prises en charge par l'assurance maladie, il n'y a aucun changement pour le médecin ; simplement, la compensation par la sécurité sociale suit exactement l'évolution de ce qui est en théorie prélevé au médecin – je dis bien « en théorie », puisque, dans la pratique, c'est compensé. Et puis, pour les cotisations qui ne sont pas prises en charge, il n'y a aucun changement. Il n'y a donc pas matière à inquiétude, mais je suis prête à expliquer et à réexpliquer cela, comme nous l'avons déjà largement fait auprès des professionnels. Cela ne change rigoureusement rien pour eux.

Pour ce qui est de la complémentaire santé. Je veux quand même le rappeler : s'il y a une baisse du reste à charge pour les Français, la part prise en charge par l'assurance maladie a augmenté par rapport à la part prise en charge par les complémentaires santé. On m'a accusée de vouloir livrer le système de santé aux assureurs privés – c'est ce que j'ai entendu notamment pour justifier le refus du tiers payant généralisé. Mais les faits sont têtus et que les chiffres sont là : depuis 2012, la part des complémentaires a diminué. Cela veut donc dire qu'elles ont des marges de manoeuvre. Je ne prétends pas qu'elles soient flamboyantes – elles varient d'ailleurs beaucoup selon les organismes – mais il est difficile de soutenir que leurs marges se sont réduites.

Quelle est la logique de la complémentaire santé pour les retraités ? C'est de proposer un appel d'offres ouvert. Nous ne postulons pas qu'un nombre donné de contrats sera retenu, contrairement à ce que nous avons fait pour l'aide à la complémentaire santé. Toute une série de critères seront posés, qui permettront aux contrats ainsi identifiés d'être labellisés et de bénéficier d'une baisse de fiscalité. Il sera donc plus facile de souscrire ou bien un contrat de complémentaire santé ou bien un contrat de meilleure qualité. Ce faisant, nous poursuivons deux objectifs différents : premièrement, permettre à des gens qui n'ont pas de couverture complémentaire d'en acquérir une – il faut savoir que le nombre de personnes sans couverture complémentaire augmente avec l'âge : 4 % des personnes âgées de plus de 65 ans et 6 % des personnes âgées de plus de quatre-vingts ans sont dans ce cas, alors que c'est précisément à ces âges que l'on a le plus besoin d'une couverture santé. Deuxièmement, faire en sorte que la qualité des prestations réponde mieux aux attentes des personnes retraitées, autrement dit que le rapport qualitécoût ou prestationcoût soit amélioré.

Certains ont exprimé une préoccupation : le critère de labellisation ne doit pas être exclusivement financier. Le texte retient le qualificatif de « prépondérant », mais nous pouvons en discuter, je l'ai dit. L'enjeu n'est pas que la sélection se fasse exclusivement ou même principalement sur des enjeux de prix, même si personne ne peut concevoir que des gens qui n'adhèrent pas, pour des raisons financières, à une complémentaire santé soient totalement indifférents au prix. Cela étant, le prix ne peut pas être le seul critère. Si le terme « prépondérant » doit être modifié, nous le modifierons, je le confirme à Mme Delaunay, M. Bapt et M. Sirugue.

En ce qui concerne l'obésité, pourquoi avoir retenu, pour l'expérimentation que nous lançons, la tranche d'âge de trois à huit ans ? Parce que c'est à cet âge, nous le savons, que s'installe l'obésité. Cette tranche d'âge doit donc être l'objet d'efforts particuliers, mais je vous rappelle, madame Delaunay, qu'il s'agit d'une une expérimentation. Nous verrons bien ce qu'elle donnera ; je suis moi-même très ouverte. La construction du financement est aussi un sujet de l'expérimentation. C'est pourquoi je ne puis pas vous faire une réponse complète à ce stade.

En quoi consiste cette expérimentation ? Un médecin repère un risque, adresse l'enfant à tel et tel professionnel, et, à ce moment-là, les prestations seront prises en charge à 100 %. On peut même imaginer que soient prises en charge des prestations qui, aujourd'hui, ne font pas nécessairement l'objet d'une cotation. Il s'agira d'apprécier et de définir ce qu'est le protocole personnalisé de prise en charge. C'est à cela que nous devons travailler. Et, puisqu'il est prévu, madame Orphé, que l'expérimentation se déroule dans des régions, je ne vois que des avantages à ce qu'elle puisse également prendre place dans un département particulièrement touché, comme La Réunion.

Les délégations de gestion des mutuelles ne sont aucunement remises en cause. Je l'ai dit devant la Commission des comptes de la Sécurité sociale, je le redis devant vous : l'article 39 du PLFSS n'a aucunement pour objet de remettre en cause de manière unilatérale les délégations de gestion. Il s'agit de permettre de mettre fin à la délégation d'un gestionnaire qui serait défaillant, ce qui peut arriver, et non pas de mettre fin aux dispositifs de délégation dans leur ensemble. Pour lever toute ambiguïté, j'indique que je ne suis pas opposée à ce que le texte puisse être précisé si besoin est lors du débat parlementaire.

Monsieur Touraine, je suis extrêmement attentive à ce que dit le Président de la République en général, et sur ce qu'il a dit en particulier dans le cadre du plan cancer III. Vous pensez donc bien que le plan national de réduction du tabagisme que j'ai présenté a fait l'objet d'un examen très attentif de sa part, ce qui l'a amené à valider la proposition de paquet neutre et quelques autres. Je suis certaine que nous aurons l'occasion de débattre à nouveau de tout cela dans l'hémicycle.

M. Jacquat aurait le sentiment d'être marginalisé, ostracisé, si je ne lui répondais pas, alors qu'il est un rapporteur fidèle et attentif de la branche AT-MP. Vous vous interrogez, monsieur le député, sur la raison pour laquelle nous avons fixé à 1 milliard d'euros le montant du versement de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration. Vous le savez, ce versement fait l'objet d'un réexamen régulier tous les trois ans, afin d'actualiser les dépenses effectivement supportées par la branche maladie au titre de la sous-déclaration : un rapport a été remis l'an dernier. L'augmentation en question tient à trois principaux facteurs : l'augmentation globale de l'effectif des asthmatiques, sur la base d'études plus approfondies, avec un quintuplement du nombre de cas identifiés ; l'augmentation des cas identifiés de cancer, qui résulte d'une détection plus précoce des maladies et de l'allongement de l'espérance de survie ; les affections du rachis lombaire enfin, dont le nombre a, cette fois, pu être évalué, ce qui n'avait pas été possible jusque-là.

Quant à la réforme de la médecine du travail, à laquelle M. Issindou avait travaillé, elle trouve une première traduction législative dans l'article 26 de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi. La médecine du travail n'entre pas dans le champ du PLFSS, puisqu'elle ne relève pas du ministère de la santé.

Quant à la politique familiale, nous aurons l'occasion de revenir sur l'ensemble des questions qui ont été posées.

J'ai déjà été assez longue, sans être exhaustive, ce dont je m'excuse.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion