Il est préférable que des sportifs parlent à des sportifs – comme il est plus utile que des parlementaires parlent à leurs pairs. Le sport olympique est un écosystème, avec ses propres règles de fonctionnement, avec des membres qui votent pour des candidatures tous les deux ans. On a parlé de Tony Estanguet, de Guy Drut, de Bernard Lapasset, mais on pourrait ajouter Jean-Claude Killy, qui est très présent, et les présidents de fédération internationale, notamment Jean-Christophe Rolland pour l'aviron. Tous ces gens se côtoient toute l'année, et il est très important qu'ils soient en capacité de porter la candidature.
Cela ne signifie pas que le politique doit être exclu. Le CIO, parfaitement conscient de l'ampleur d'un tel événement, considère que le soutien des pouvoirs publics est primordial pour l'organisation des Jeux olympiques. Il est évident que l'exécutif français devra être derrière cette candidature. De la même manière, il est fondamental que la représentation populaire soit là, que l'ensemble des collectivités territoriales concernées soutiennent cette initiative.
Vous avez évoqué l'intervention du Premier ministre britannique à Singapour pour les Jeux de 2012. Pour commencer, les règles du jeu n'étaient pas si claires que cela – cela était donc a priori permis. Ensuite, Tony Blair n'a rencontré personne sans les représentants du monde sportif – systématiquement, à côté de lui, il y avait, soit Sebastian Coe, soit le président du comité olympique. Il ne s'agissait donc pas d'une initiative personnelle : le mouvement sportif était aux côtés du pouvoir politique.
La maire de Paris, Anne Hidalgo, aura un rôle très important à jouer pour notre candidature. Elle a commencé à travailler à nos côtés. Une coordination est fondamentale. Pour autant, en matière de gouvernance, nous sommes attachés à ce que le mouvement sportif soit également sur le devant de la scène. Le groupement d'intérêt public sera composé d'une majorité de représentants du mouvement sportif – 45 % des voix pour le comité olympique, 10 % pour le comité paralympique. C'est un signe fort envoyé au CIO, très attentif à ce sujet.
Nous nous engageons dans un projet responsable et durable : nous ne construirons que les infrastructures nécessaires à l'organisation des Jeux. Cela est faisable et, à cet égard, nos modèles sont Londres et Barcelone, pas Athènes ; Lillehammer, pas Sotchi. Les grands principes déclinés dans l'Agenda 2020 vont dans ce sens : moins de compacité obligatoire pour permettre une respiration plus large et donc une utilisation post-olympique plus aisée. De la même manière, qui dit moins de concentration, dit moins de pression sur les infrastructures de transport.
Cette question des transports est centrale dans le cadre de ce que nous appelons le concept des opérations – là où on joue, là on dort, et comment on va de l'un à l'autre. Nous avons créé un groupe de travail « aménagement et urbanisme » où sont représentés les grands opérateurs d'aménagement de l'État, de la ville et de la région, mais aussi la Société du Grand Paris et le STIF, de manière à appréhender les problématiques de transport en amont. Nous avons même été dans nos simulations jusqu'à concevoir un programme des Jeux permettant d'identifier à l'heure près les flux sur les zones envisagées pour les différentes épreuves. Nous en tirons la conclusion que, par rapport à ce qui est prévu, les aménagements seront de faible amplitude.
Il est indispensable que l'ensemble des sites olympiques soient accessibles aux personnes à mobilité réduite, mais les Jeux ne peuvent pas tout, et l'ensemble du réseau ne deviendra pas accessible du jour au lendemain. Pour le métro, c'est quasiment impossible. Mais ce sera le cas pour tout ce qui est appelé à être construit dorénavant, de même que dans un certain nombre de gares. L'agrandissement marginal de plusieurs gares permettra une fréquentation plus importante. Globalement, donc, rien de véritablement significatif par rapport à ce qui est déjà prévu. En revanche, il est clair que les Jeux olympiques devraient sécuriser la réalisation de grands projets d'ores et déjà programmés, notamment dans le cadre du Grand Paris Express.
Je ne parlerai pas des autres candidatures. Les règles de bonne conduite nous imposent de ne pas faire de commentaires sur nos concurrents, et nous nous y tenons.
Le développement durable est pour nous un point fondamental. Les dernières modifications significatives de la Charte olympique concernaient l'intégration d'un troisième pilier, le développement durable. Nous tenons à ce que tout ce que nous envisageons soit à cet égard exemplaire. Pour la première fois dans un comité de candidature, nous avons lancé le recrutement de personnes dédiées qui seront chargées de coordonner des acteurs en matière d'expertise. Tokyo a d'ores et déjà annoncé que son village olympique en 2020 fonctionnera à l'hydrogène. Dans ce dossier français, nous sommes dans une logique de vitrine, et les trois sites en phase finale de sélection pour le village prennent en compte la problématique du développement durable.
Madame Buffet, je vous remercie d'avoir précisé l'état d'esprit du mouvement paralympique. L'International paralympic committee (IPC) souhaite des Jeux paralympiques déconnectés des JO, de manière à bénéficier de toute la lumière médiatique du moment. Cela est d'ailleurs souvent une occasion extraordinaire de capitaliser sur la lancée des Jeux. Les Jeux paralympiques sont un événement majeur : Londres l'a démontré ; Rio est dans la même veine ; pour Tokyo 2020, le projet paralympique est essentiel – rappelons que les jeux de 1964 à Tokyo ont été les premiers véritables jeux paralympiques. Les Jeux paralympiques vont continuer à croître à côté des Jeux olympiques et grâce aux Jeux olympiques. Là aussi, nous avons embauché une personne, dont l'objectif dans le cadre de notre candidature est d'être obsédée par la question paralympique – elle a demandé hier que le cahier des charges prévoie, dans le cadre de la communication, l'accessibilité de tous nos signes distinctifs aux personnes en situation de handicap, notamment les personnes non voyantes. Le paralympisme est bel et bien au coeur de nos préoccupations.
Autre question fondamentale : l'éthique. Que les choses soient claires : nous respecterons les règles, mais nous ne nous laisserons pas faire. C'est une campagne avec des temps forts, notamment en matière de communication. Sans doute avons-nous eu tendance par le passé à être les très bons élèves, un peu chevalier blancs, donneurs de leçons parfois… Nous allons essayer d'être un peu moins naïfs, en n'hésitant pas à avoir une vraie attitude de campagne, l'objectif étant de gagner. Dans le respect des règles évidemment.
Les Jeux ne peuvent pas tout. Vous avez cité un certain nombre de projets qui dépassent largement le cadre de la candidature. Il ne faut pas se tromper : nous sommes aujourd'hui dans une candidature, et non une organisation des Jeux. Notre objectif pour les deux ans à venir est de décrocher la timbale, de convaincre la centaine de membres du CIO de voter pour nous en 2017. Ensuite, nous aurons sept ans pour tout coordonner autour des Jeux. Il est fondamental que nous ayons un soutien aujourd'hui. Dès à présent, nous allons lancer des initiatives, dans la limite de nos moyens, pour convaincre le CIO que nous sommes capables de faire ce que nous disons. Nous veillerons à ne pas nous disperser, en tirant les leçons de notre échec aux Jeux 2012, pour lesquels nos activités sur le territoire national ont été plus nombreuses que celles consistant à démontrer à quel point nous étions le meilleur partenaire pour le CIO dans le cadre du développement du sport ou de ses politiques. Car à côté de la question de savoir pourquoi nous avons besoin des Jeux, il y a celle de savoir pourquoi le CIO nous donnerait les Jeux – car il raisonne en se demandant ce que les Jeux organisés en France pourraient lui apporter. Tous nos efforts tendent en ce sens : chacun des membres du CIO est pour nous un projet à part entière.
Michaël Aloïsio va vous parler de concertation et de mobilisation nationales.