Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 13 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Présentation

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

Madame la présidente, madame la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mesdames, messieurs les députés, l’examen et le vote du budget de la nation sont toujours un moment clé de notre démocratie parlementaire. C’est l’occasion de faire le point sur la situation de la France, de tracer les grands axes de la politique économique du pays et de prendre les décisions qui engageront notre avenir collectif au cours de l’année 2016 et au-delà.

C’est donc peu dire qu’avec Christian Eckert, nous y attachons une grande importance et que, cette année encore, nous nous présentons à vous avec le souci d’engager un vrai débat, d’écouter tous les points de vue et de tenir un discours de vérité sur les enjeux auxquels notre pays est aujourd’hui confronté.

L’année dernière déjà, c’est dans cet esprit que nous avions présenté le projet de loi de finances et, devant vous, nous avions pris un certain nombre d’engagements précis et chiffrés : engagement de rétablissement de notre croissance ; engagement de financement de nos priorités, engagement de maîtrise des dépenses et engagement de baisse des prélèvements sur les entreprises comme sur les ménages. Comme il est parfois d’usage dans les échanges entre majorité et opposition, ces engagements avaient été mis en doute et parfois sévèrement critiqués. Certains s’étaient même risqués à des prévisions et des prophéties bien sombres sur l’aggravation de la crise, la surestimation de notre hypothèse de croissance, le dérapage des dépenses, la dérive inexorable des déficits et les sanctions qui en découleraient de la part de l’Union européenne. Ces prophéties, je n’aurai pas la faiblesse de les rappeler à leurs auteurs, mais permettez-moi simplement de vous dire que les engagements qui ont été pris devant vous l’année dernière ont été tenus et que la confiance que vous nous avez accordée, le mandat que vous nous avez confié pour l’exécution du projet de loi de finances pour 2015, ont été respectés.

Engagements tenus, en premier lieu, sur le redressement économique du pays. Pour la première fois depuis de trop nombreuses années, la prévision de croissance sur laquelle nous avons construit le budget 2015, 1 %, est déjà quasiment acquise au bout de deux trimestres : 2015 sera la première année de reprise effective et il est très vraisemblable que la croissance s’établira à 1 %, peut-être même légèrement au-delà, comme l’anticipent l’INSEE ou le Fonds monétaire international – FMI. Un pour cent, c’est exactement le niveau retenu il y a un an dans la loi de finance initiale pour 2015, et nous n’en avons pas dévié depuis un an.

Cette prudence et ce réalisme ont de nouveau prévalu pour la construction du budget 2016. Nous avons retenu cette fois une hypothèse de 1,5 % de croissance pour l’an prochain. C’est la prévision de ce qu’on appelle le consensus des économistes, et le Haut Conseil des finances publiques la considère atteignable, ce qui nous conforte dans cette hypothèse, quand 1 % l’an passé lui semblait « optimiste ». J’espère donc qu’elle ne fera pas l’objet des traditionnelles contestations auxquelles la fixation de l’hypothèse de croissance de la France a pu donner lieu par le passé.

Vous aurez d’ailleurs noté que j’emploie le mot d’« hypothèse ». Chacun sait que, par définition, les prévisions économiques sont entachées d’incertitude : il s’agit là avant tout d’un choix réaliste pour construire sereinement notre projet de budget et surtout éviter de devoir demander en cours d’exécution un effort supplémentaire aux Français. La reprise que nous observons cette année, c’est la conjugaison de l’effet des politiques que nous avons menées en France – notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et le Pacte de responsabilité et de solidarité, qui rendent les entreprises plus compétitives et davantage à même de profiter de la demande extérieure, ainsi que la baisse d’impôt sur le revenu, qui vient conforter en 2015 le pouvoir d’achat des ménages à revenus modestes – et d’un environnement extérieur plus favorable : un prix du pétrole divisé par deux, un taux de change entre l’euro et le dollar plus en ligne avec ses fondamentaux et des conditions de financement propices pour les entreprises comme pour les ménages, avec des taux d’intérêt bas.

Ce que nous montrent les derniers indicateurs, c’est que la reprise se diffuse dans l’économie. Chacun commence à en ressentir les effets : les ménages, d’abord, dont la confiance s’établit à son plus haut niveau depuis 2007. Ce n’est pas sans lien avec leur pouvoir d’achat qui progresse – de 1,5 % cette année, après une hausse de 1,1 % en 2014 –, avec des créations d’emploi qui ont redémarré, même si elles ne sont pas suffisantes pour faire reculer le chômage. Ensuite, les entreprises gagnent également en optimisme : le climat des affaires est à son plus haut niveau depuis quatre ans. Le redressement du taux de marge au premier semestre leur apporte une bouffée d’air bienvenue : il a progressé de deux points depuis un an, reprenant les deux tiers du chemin perdu depuis la crise.

Nos exportations accélèrent fortement cette année – de 6 % –, notamment grâce à nos industries de pointe – l’aéronautique et l’aérospatial. Ainsi, le déficit commercial aura cette année été quasiment divisé par deux depuis son record de 2011, retrouvant son niveau de 2007. Avec la demande qui se renforce et des capacités à investir, l’investissement des entreprises a commencé à se redresser au premier semestre. Par ailleurs, dans le domaine de la construction, les permis de construire se stabilisent. Ce sont là des signes forts qui nous permettent de dire ici que les engagements que nous prenons pour 2016 seront tenus cette année encore. Notre hypothèse de 1,5 % correspond d’ailleurs à la prévision de croissance du FMI pour notre pays, rendue publique il y a quelques jours à peine à Lima, au Pérou.

Engagement tenu également s’agissant du redressement de la situation budgétaire. Loin des dérapages annoncés, le déficit public de 2014 s’est finalement réduit à 3,9 %, grâce à une progression maîtrisée des dépenses, contenue à 0,9 %. Ce record a été obtenu grâce à l’engagement de l’ensemble des administrations publiques : ministères, administrations de Sécurité sociale et collectivités locales. Cette dynamique se poursuit cette année, avec une dépense qui évoluera sensiblement au même rythme – aux alentours de 1 %. Et les recettes rentrent sans difficulté. Je préfère le dire car certains ont pris l’habitude de s’inquiéter du niveau des recettes dans notre budget. Nous conservons donc la prévision de déficit de l’ensemble des administrations publiques à 3,8 % cette année.

Nous poursuivrons l’effort l’an prochain, avec une diminution plus sensible du déficit, en lien avec les efforts réalisés et le retour à davantage de croissance. Avec 3,3 % de déficit public l’an prochain, nous reviendrons au niveau de 2008 et nous nous donnons les moyens de commencer à stabiliser la dette, passée de 65 % du PIB en 2007 à 90 % en 2012 et à 95,6 % à la fin de 2014.

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