Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Séance en hémicycle du 13 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, comme cela a été rappelé il y a quelques instants, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, que j’anime, s’est pour la première fois saisie de la partie recettes du projet de loi de finances, afin de pouvoir voter sur les articles traitant de la fiscalité de l’environnement et des transports. Cette nouveauté est un bon signal : les idées de respect de notre planète et de durabilité de notre modèle de développement sortent d’une certaine marginalité et deviennent davantage transversales au sein du programme de travail de l’Assemblée nationale.

Le fait que la France accueille la COP 21 à Paris dans quelques semaines, puis la préside durant une année entière, a bien sûr contribué à cette prise de conscience. Dans un mouvement réciproque, cette responsabilité nous oblige plus que jamais à la cohérence entre les engagements pris par le Gouvernement au plan international et les mesures appliquées au sein de notre pays.

Dans le monde, l’extraordinaire accélération des émissions de gaz à effet de serre a conduit au dépassement en termes de concentration mensuelle de la moyenne de dioxyde de carbone, ce qui nous rapproche du point de basculement climatique de la terre. À ce rythme, l’objectif fixé par la communauté internationale de limiter, à l’horizon de la fin du siècle, le réchauffement à deux degrés au-dessus du niveau préindustriel, est désormais quasi intenable.

Afin d’adapter notre pays au changement climatique, et d’atténuer celui-ci, le Parlement français a voté l’été dernier la loi de transition énergétique. Il convient de faire plus et mieux, notamment en matière de transports – secteur qui émet le plus de gaz à effet de serre. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a mis en place, dès la loi de finances 2014, la contribution climat-énergie, en arrêtant son montant pour les années 2014, 2015 et 2016.

Les députés ont ensuite fixé, à l’occasion de la loi de transition énergétique, le prix de la tonne de carbone pris en compte pour le calcul de cette dernière à 56 euros en 2020 et 100 euros en 2030. Comme l’a rappelé Jean-Yves Caullet, il convient évidemment de compléter la trajectoire de prix du carbone pour les années 2017, 2018 et 2019, afin, d’une part, de ne laisser aucun doute sur la volonté des autorités publiques et, d’autre part, de rendre lisible, prévisible et claire cette évolution, pour que les acteurs économiques puissent s’y préparer en toute transparence. Des institutions internationales comme la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international, des entreprises comme GDF Suez ou Total, la société civile via l’ensemble des ONG climatiques, toutes réclament des États qu’ils fixent un prix au carbone. L’approche de la COP 21 doit nous pousser à ne plus différer cette mesure de bon sens, en répondant simplement à cette demande.

Dans notre pays, un autre signal prix constitue une véritable anomalie. Cette anomalie est liée au privilège fiscal que l’État accorde au carburant le plus polluant en microparticules et le plus dangereux pour la santé humaine : le gazole. Il convient donc, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de finances – ou du projet de loi de finances rectificative –, de commencer à y mettre fin. Là encore, il faut agir de manière progressive, afin qu’à terme – nous pourrions fixer ce terme à 2025 – le gazole soit taxé de la même manière que l’essence sans plomb. Le niveau historiquement bas du prix du baril de pétrole facilite cette mesure de salubrité publique qui, au-delà de la bonne santé de nos concitoyens, doit aussi être envisagée en termes de réduction des dépenses sanitaires. Demain, les véhicules diesel existeront toujours, mais ils seront achetés en fonction de leurs caractéristiques techniques – moteur, usages, déplacements – et non de leur avantage fiscal. Les grandes marques automobiles, comme leurs clients, doivent intégrer dans leurs investissements la fin, d’ici à dix ans, de cet avantage fiscal.

Il s’agit donc bien, dans mon esprit, de mettre en place une fiscalité incitative, dont le produit doit permettre aux agents économiques de s’engager dans une transition bas carbone. Le produit de cette fiscalité doit ensuite servir trois objectifs : le premier est d’inciter les transporteurs routiers à s’équiper de poids lourds fonctionnant au GNV – gaz naturel pour véhicules – au bio-GNV et à l’électricité, et d’inciter les particuliers à s’équiper de véhicules plus économes et moins polluants, qu’ils soient à essence, hybrides ou électriques.

Le deuxième objectif est d’accompagner les acteurs économiques dans cette transition particulièrement difficile, notamment pour les ménages vulnérables, les secteurs d’activité exonérés actuellement pour le gazole et les entreprises exposées à la concurrence internationale.

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