Intervention de Hervé Mariton

Séance en hémicycle du 13 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton :

Ce plateau n’est en rien rassurant, disais-je : il est même inquiétant. Il est inquiétant, tout d’abord, en raison de la fragilité des hypothèses économiques. C’est ce qu’a dit le Haut conseil des finances publiques – en termes polis, certes, ce qui est légitime – et c’est aussi ce qu’a dit Didier Migaud lorsqu’il s’est exprimé devant notre commission.

Monsieur Eckert, vous qui avez de grandes capacités en mathématiques, vous savez sans doute que chercher une démonstration conforme au résultat est une bien mauvaise manière de procéder ! Il serait plus rigoureux, et plus mathématique, de chercher le résultat de sorte qu’il soit conforme à la démonstration. Parfois, en politique, quand on veut atteindre un résultat, on force la démonstration : ce n’est pas digne d’un professeur de mathématiques !

Au fond, la première vertu de vos hypothèses économiques introduites au chausse-pied est de vous rapprocher des engagements pris, pour éviter les foudres de Bruxelles. C’est dans cette optique que vous avez construit vos hypothèses tendancielles. Je suis d’accord sur ce point avec le président Carrez : nous touchons manifestement aux limites du raisonnement en tendanciel.

Certes, il n’y a là rien d’inédit, mais il y a manière et manière de construire des hypothèses tendancielles. Les vôtres sont fabriquées dans l’unique but de vous faire échapper à de trop sévères critiques de la part de Bruxelles – c’est notamment le cas de votre hypothèse d’une croissance en valeur du PIB de 2,5 %. Votre hypothèse de croissance n’est pas strictement impossible, mais elle est plutôt optimiste. Quant à votre hypothèse d’inflation, personne n’y croit ! Tout cela, évidemment, vous facilite beaucoup le travail pour afficher des économies en tendanciel.

La croissance potentielle est systématiquement supérieure à la croissance réelle. À la fin, quel sens a cette notion ? Vous avez d’ailleurs vous-mêmes augmenté artificiellement – car il fallait que la démonstration fût conforme au résultat – la croissance potentielle afin d’augmenter votre vertu structurelle. Ce n’est plus une affaire de chiffres, c’est de la cosmétique !

L’an dernier, en commission, Michel Sapin m’avait tenu des propos un peu curieux, selon lesquels les habitants du Vercors et de la Drôme ne devaient pas à ce point se passionner pour les chiffres cités dans le débat budgétaire.

Mais, dans un débat budgétaire, il est bon de s’occuper un peu de chiffres, qu’en l’occurrence vous aurez forcés.

Malgré nos remarques à ce sujet en commission, vous prétendez, ce soir encore, tenir vos engagements. Or ces engagements, monsieur le ministre, vous les violez. Premier exemple : le report d’un trimestre de la baisse des charges des entreprises. Ce report a un coût : il représente, pour les entreprises, une charge supplémentaire de 1 milliard d’euros.

Vous aviez aussi évoqué la stabilisation des effectifs de la fonction publique. Cet engagement n’est pas tenu non plus : si, sur ce point, les motifs sont bons, les sentiments ne le sont pas. Les bons motifs, c’est l’augmentation, commandée par les événements, des effectifs de défense et de sécurité. Mais gouverner, c’est choisir.

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