Intervention de Marie-Christine Dalloz

Séance en hémicycle du 13 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz :

Il explique que l’environnement économique est plus qu’incertain, compte tenu du ralentissement en Chine et des difficultés dans d’autres pays émergents. Voilà la première réalité dont vous n’avez pas tenu compte.

Le Haut Conseil des finances publiques a également pointé des risques significatifs sur les objectifs d’économies affichés par le Gouvernement. J’y reviendrai plus longuement.

Par ailleurs, le Haut Conseil des finances publiques craint un dérapage des dépenses. Hors inflation, votre gouvernement table sur une croissance de 0,3 % en volume de la dépense publique, après une progression de 0,9 % cette année. Cet objectif est jugé par les sages particulièrement ambitieux, sachant que les économies doivent couvrir à la fois les baisses d’impôts, la baisse des cotisations sociales, les dépenses nouvelles, et devraient permettre de diminuer le déficit structurel – c’est dire !

Enfin, alors que le Gouvernement a mis l’accent sur son plan d’économies de cinquante milliards d’euros pour 2015-2017, le Haut Conseil a pointé la multitude de dépenses nouvelles annoncées par votre gouvernement – les effectifs de sécurité, le service civique, les contrats aidés, les aides au monde agricole, les aides aux migrants, l’aide à l’investissement local – sans que les économies prévues pour les financer soient détaillées. C’est une des raisons qui justifient cette motion de renvoi en commission.

Votre budget est mensonger parce qu’il sous-estime les annonces de l’INSEE relatives à la croissance. En effet, le 14 août dernier, l’INSEE a annoncé une croissance nulle au deuxième trimestre 2015, l’un des plus mauvais chiffres d’Europe. Monsieur le ministre, vous avez pourtant essayé de minorer ce résultat en déclarant que la France était en reprise d’activité, en reprise de croissance.

Nous connaissons votre optimisme, mais il ne suffit pas d’annoncer des prévisions pour changer les réalités. Si l’objectif de 1 % de croissance reste statistiquement à portée de main pour 2015, ce n’est pas avec une telle reprise que la deuxième économie de la zone euro pourra rebondir. Le chômage risque de rester durablement très élevé. Notre modèle social sera toujours financé par la dette.

La croissance serait d’ailleurs bien plus mauvaise si nous n’avions pas bénéficié de soutiens macro-économiques majeurs : des taux bas, un euro faible et un contre-choc pétrolier inédit depuis trente-cinq ans. Ce cocktail a d’ailleurs permis d’alimenter le feu de paille du premier trimestre 2015, avec un taux de croissance de 0,7 %.

Monsieur le ministre, vous devez vous attaquer aux principales raisons de cette croissance molle : le manque de confiance dans le cap suivi, le poids des prélèvements et des dépenses publics et l’absence de réforme de fond de notre système d’État-providence.

Enfin votre budget est mensonger parce qu’il prévoit la création de trois nouvelles taxes pour le financement des centres techniques industriels, l’augmentation de taxes existantes pour le financement de l’aide juridictionnelle et de l’audiovisuel public, alors même, dois-je vous le rappeler, que le Président de la République avait promis qu’il n’y aurait plus de nouvelles taxes ni de hausses d’impôts d’ici la fin du quinquennat.

Il est vrai que c’est un peu détourné, cela ne concerne pas tous les Français, mais il y a dans ce projet de loi de finances de nouvelles taxes, c’est indéniable. Donc c’est un mensonge.

Plus grave encore, ce budget 2016 est totalement irresponsable au regard des mesures fiscales qu’il contient. En effet les quelques baisses d’impôts qu’il prévoit n’effaceront pas la véritable frénésie fiscale des premières années de ce quinquennat.

Depuis 2012, les ménages ont consenti près de dix milliards d’euros de hausses d’impôts au seul titre de l’impôt sur le revenu, du fait de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, l’abaissement du plafond de l’avantage fiscal retiré du quotient familial de 2 336 euros à 1 500 euros, la fiscalisation de la participation des employeurs aux complémentaires santé, la fiscalisation des majorations de pension pour charge de famille, la poursuite en 2013 du gel du barème de l’impôt sur le revenu, que vous aviez condamné en 2012 mais que vous avez reconduit en 2013, l’assujettissement au barème de l’impôt sur le revenu des revenus du capital et la création d’une tranche à 45 %.

La seule chose que vous avez améliorée, c’est que vous avez substitué le bouclier fiscal au plafonnement de l’ISF. Sur ce point les gros contribuables ont plutôt bénéficié de votre générosité.

Cette annonce présidentielle d’une réduction de l’impôt sur le revenu apparaît comme une promesse électoraliste. La chronologie parle d’elle-même.

Le 14 juillet dernier, le Président de la République conditionnait une baisse d’impôts en 2016 aux possibilités économiques de notre pays et à un accroissement de la croissance – ce sont les termes mêmes employés par le Président de la République. Il l’a répété le 20 août dernier au cours d’une interview. Finalement cette condition a été levée dans une grande confusion quelques heures après.

La réalité aujourd’hui c’est que la baisse d’impôt arrive alors que la croissance n’est pas au rendez-vous et qu’on ne peut pas dire que les possibilités économiques soient merveilleuses.

Hasard du calendrier, cette annonce surprise du chef de l’État est intervenue à la veille de l’université d’été du parti socialiste, alors même que les dissensions au sein de la majorité sont grandes au sujet de la politique budgétaire, voire la politique en général.

À la fin du mois de juillet, le bureau national du parti socialiste a adopté un rapport recommandant de réorienter une partie des aides aux entreprises du pacte de responsabilité – 41 milliards – vers les ménages et vers l’investissement public.

François Hollande multiplie les gestes démagogiques pour préparer 2017. Si la réduction de la pression fiscale est impérative pour redresser le pays, encore faut-il s’en donner les moyens. Or le chef de l’État redistribue à crédit, alors même qu’il n’a pas su restaurer les conditions d’une reprise durable.

En réalité la majorité n’engage pas d’effort de rigueur supplémentaire ; elle finance ce geste uniquement par la dette.

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