Intervention de Claude Bartolone

Réunion du 2 octobre 2015 à 10h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Bartolone, président :

Seize réunions, soixante-quatre heures de débats, trente et une personnalités auditionnées : quelques chiffres qui ne peuvent bien évidemment résumer à eux seuls le travail ici accompli. Pourtant, nous voici arrivés, chers collègues, au bout du chemin – du moins de ce groupe de travail…

Vous trouverez devant vous un exemplaire du rapport final. Comme vous pourrez le voir, nous avons ajouté la quasi-totalité des remarques et des commentaires que vous nous avez adressés, ou que vous avez formulés lors de la dernière séance : je pense, par exemple, à la précision nécessaire sur le caractère non renouvelable et repensé du septennat présidentiel que nous proposons. De plus, le compte rendu des débats de la semaine dernière a été ajouté en annexe : toutes les réserves que vous avez pu formuler figureront donc dans le document final. Enfin, le document a été enrichi des éventuelles contributions personnelles que plusieurs membres ont souhaité rédiger.

S'agissant du point qui a fait le plus débat lors de la dernière séance, à savoir un éventuel rapprochement entre le Sénat et le Conseil économique social et environnemental – CESE – nous avons souhaité, avec Michel Winock, être, dans le présent rapport, extrêmement précis. Nous avons bien entendu pris en compte les remarques et les oppositions formulées par plusieurs d'entre vous. Nous avons également entendu celles et ceux qui sont venus nous voir après notre dernière réunion, pour nous indiquer qu'ils maintenaient également leurs positions.

Ainsi, dans un souci de clarification, nous avons souhaité porter à votre connaissance les éléments d'information suivants.

En premier lieu, il ressort de l'analyse des questionnaires que le groupe de travail a estimé, par dix-sept voix, que le rôle du Sénat devait être modifié. Cinq membres du groupe de travail seulement ont prôné le statu quo s'agissant de ses compétences et de ses missions. Par conséquent, le rapport souligne, tout d'abord, qu'il y a eu consensus sur le fait que le bicamérisme devait être rénové – c'est le nouveau titre de la proposition n° 10 – et que, dans ce cadre, les pouvoirs du Sénat devaient être revus.

Le rapport précise, en second lieu, que deux options ont été envisagées pour mettre en oeuvre cette proposition. La première option consisterait à fusionner le CESE et le Sénat. Le rapport précise que cette proposition, majoritaire mais non consensuelle, a partagé la commission, en indiquant le nombre exact de votes qu'elle a obtenu : douze membres du groupe de travail se sont prononcés en sa faveur, neuf l'ont rejeté et deux ont préféré s'abstenir.

En outre, le rapport souligne que, dans le cadre de cette option, se pose la question de la composition de la nouvelle chambre. Certains membres, à l'instar de Bernard Thibault, se sont en effet inquiétés de voir une chambre composée pour partie de personnalités non élues par les citoyens disposer d'un pouvoir législatif.

Cet obstacle pourrait être néanmoins surmonté, comme l'indique le rapport, notamment via la proposition de Marie-Anne Cohendet. Je la cite : « La nouvelle chambre résultant de cette fusion pourrait contenir deux sections, le Sénat, composé d'élus locaux, et le CESE (modifié). Elles siégeraient le plus souvent ensemble, mais pourraient être séparées quand le Sénat se prononcerait en matière de collectivités locales, seul domaine dans lequel il participerait réellement au pouvoir législatif, avec les limites proposées dans le rapport. » Voilà pour la première option.

La seconde option, également évoquée par le rapport bien qu'elle soit minoritaire, consisterait à limiter les pouvoirs législatifs du Sénat aux sujets touchant aux collectivités territoriales. En parallèle, le CESE serait rénové pour devenir une chambre de la démocratie participative. Ce sujet a été évoqué notamment dans le cadre de notre échange avec le Président de la République.

Encore une fois, je le dis et je le répète : ce rapport est un rapport de convergence. Il met en avant, tout d'abord, les points de consensus forts : un septennat rénové ou bien encore l'introduction a minima d'une dose de proportionnelle.

Il précise ensuite quand une proposition est majoritaire bien que non consensuelle : c'est l'exemple sur la fusion Sénat-CESE que nous venons d'évoquer.

Je le souligne également : ce rapport n'a pas vocation à engager chacun et chacune d'entre nous sur l'ensemble des propositions qui y sont formulées. Nous pouvons donc, à titre personnel, exprimer nos réserves sur tel ou tel point. Pour certains, vous l'avez d'ailleurs fait, et ces réserves figurent dans le document.

J'ai fait part des miennes quant à la première proposition. Michel Winock a également fait part des siennes. Pour autant, nous assumons pleinement ce rapport et sommes très heureux du travail collectif accompli.

En notre qualité de présidents de ce groupe de travail, nous ne nous sommes accordés en définitive qu'un privilège et un seul : celui du choix du titre du rapport. Et encore, même sur ce point, nous devons vous avouer qu'il nous a été soufflé par Michaël Foessel.

Après cette année passée ensemble, je suis plus que jamais persuadé d'une chose : il y a au fond deux manières de parler de nos institutions et de la démocratie. Soit on considère qu'on a la solution parfaite et on campe sur ses positions, avec la garantie que rien ne change ; car il n'y a aucune raison que les autres n'en fassent pas de même. Soit on se dit que la démocratie mérite bien un débat et que ce n'est qu'à travers le débat que l'on peut définir ce que doit être notre démocratie, c'est-à-dire nos règles collectives.

Je crois que c'est tout le sens de ce rapport. Il ne répond à aucune commande. Il ne prétend pas apporter de solutions définitives ou suffisantes. Il ne prétend et ne souhaite qu'une chose et une seule : initier un débat.

L'alliance de personnalités qualifiées et de parlementaires qui y ont contribué est, je le crois, l'un des atouts principaux de ce rapport. De ce fait, nous ne nous sommes pas placés dans une logique de partis mais sur le terrain du débat d'idées. C'est tout l'esprit de ce groupe, qui comporte plus de personnalités qualifiées que d'élus, et c'est tout l'esprit dans lequel ce rapport a été rédigé, les questionnaires ayant démontré de manière frappante que les clivages transcendent largement les formations politiques.

Tout à l'heure, nous sortirons de cette pièce pour nous rendre à l'hôtel de Lassay et présenter ce rapport aux journalistes. Pour ma part, c'est cet esprit et cette méthode que je tenterai de mettre en avant, en essayant, avec Michel Winock, d'être un fidèle ambassadeur des débats de notre groupe de travail.

Chers collègues, et j'ai même envie de dire aujourd'hui, avec tout le sens politique que les Grecs donnaient à ce mot : chers amis, pour vos idées, votre ouverture d'esprit, votre engagement et, par-dessus tout, votre travail, je tiens à vous remercier sincèrement.

Avant de vous céder la parole pour ce qu'il est convenu d'appeler une explication de vote, je forme le voeu que chacun et chacune d'entre nous fasse connaître ce rapport, le porte, le fasse vivre, en invitant les citoyens et les citoyennes de ce pays à se saisir de la question démocratique.

C'est sans doute ce qu'est précisément en train de faire, au moment où je vous parle, Guillaume Tusseau, qui n'a pu être des nôtres lors de nos dernières séances : il a une bonne excuse, puisqu'il enseigne à cette heure nos institutions politiques aux étudiants en première année de Sciences Po. Il nous a chargés de vous dire et le regret de ne pas pouvoir être avec nous et son approbation du rapport qui vous est soumis pour adoption ce matin. Karine Berger, pour sa part, nous a également transmis une délégation de vote en ce sens.

Je remercie enfin Michel Winock, d'avoir accepté de coprésider avec moi ce groupe de travail. Je ne lui dirais jamais assez combien son sens du récit historique nous a aidé à mieux ancrer nos réflexions dans la continuité de l'Histoire.

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