Intervention de Alain-Gérard Slama

Réunion du 2 octobre 2015 à 10h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Alain-Gérard Slama :

Je remercie à mon tour nos présidents pour la manière dont ils ont conduit nos débats. Je tiens également à saluer le formidable travail accompli par les services de l'Assemblée, dont la qualité prouve que la formation dispensée à nos élites à Sciences Po, à l'ENA ou ailleurs n'est sans doute pas aussi défaillante qu'on le dit.

Chacun retiendra de ce rapport ce qui lui fait plaisir. Il importe de le considérer avant tout comme un instrument de travail. Il me semble en tout cas confirmer que la Constitution de la Ve République est un miracle de réussite et d'équilibre, qui tient depuis soixante ans. Je ne doute pas que son surmoi a conduit chacun d'entre nous à l'admettre implicitement, puisqu'en définitive peu sont ceux qui ont plaidé – ou bien in petto – pour une VIe République. Je m'en réjouis.

Le président de la République demeure dans ses attributions, comme nous l'a recommandé le Président de la République. Comme le disait Émile Combes à propos de la politique étrangère : « Laissons cela messieurs, c'est l'affaire du Président de la République et de M. le ministre des Affaires étrangères. » Cette constante dans notre culture constitutionnelle a, à mes yeux, toute sa vertu.

Pour le reste, j'aurais sans doute souhaité que tout ce qui, dans nos propositions, améliore les conditions dans lesquelles on travaille au sein de nos institutions et favorise les contrepouvoirs soit davantage développé. C'est particulièrement vrai pour la justice, dont je défends l'autonomie, en me félicitant que nous ayons enfin eu le courage de parler d'un pouvoir et non d'une simple autorité judiciaire. Ce sont des avancées considérables.

Pour ce qui regarde l'amélioration du travail législatif, je comprends que les élus souhaitent être débarrassés de l'article 40, mais le peu d'expérience que j'ai de la préparation de certaines lois m'a enseigné que l'article 40 avait sa vertu, puisqu'il limite la possibilité d'engager des dépenses dont on ne serait pas assurés du recouvrement

Je maintiens les réserves que j'ai formulées par écrit sur le système électoral. S'il n'est pas inscrit dans le marbre de notre Constitution, il y a pour cela une raison, c'est qu'il répond à une opportunité historique. Je ne crois pas qu'aujourd'hui l'instauration de la proportionnelle intégrale serait une bonne chose ; mais pourquoi pas 15 % ?

Je reste par ailleurs gêné par la notion de démocratie participative. Prenons garde en effet que la démocratie participative n'aboutisse pas à accroître démesurément la fabrique des lois alors que nous nous plaignons déjà qu'elles sont trop nombreuses.

D'aucuns se satisferont de ce rapport qui pousse la réforme dans le bon sens ; pour d'autres, il s'agira d'aller plus loin encore. C'est une question de curseur.

Quant à son édition, il me semblerait opportun que la présentation de ce document soit faite à deux voix, messieurs les présidents, chacun mettant en exergue les aspects dont il considère qu'ils vont dans le bon sens. Ce ne serait pas inutile à l'usage des journalistes, car il serait regrettable que les nuances et la subtilité dont vous avez fait montre échappent aux lecteurs.

Nous avons trop tendance en France à faire des réformes qui rendent possible les réformes, et il serait temps que nous nous arrêtions à des conclusions précises. C'est à mon avis ce à quoi tend ce rapport, qui s'offre comme un bel outil pour garantir la stabilité et la représentativité de nos institutions.

1 commentaire :

Le 12/12/2016 à 12:44, Laïc1 a dit :

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"Je reste par ailleurs gêné par la notion de démocratie participative. Prenons garde en effet que la démocratie participative n'aboutisse pas à accroître démesurément la fabrique des lois alors que nous nous plaignons déjà qu'elles sont trop nombreuses."

Si on n'est pas pour la démocratie participative, alors on n'est pas du tout pour la démocratie. Rappelons que chez les Grecs anciens, il n'y avait que la démocratie participative, et que la dite démocratie représentative que nous connaissons de nos jours, avec élections de personnes, était en fait un système qualifié d'oligarchique, ennemi de la démocratie.

Maintenant, nous sommes un pays de plus de 60 millions d'habitants, il faut savoir gérer le nombre, on est loin du modèle athénien, où le nombre des citoyens devait être de 60 000 à l'époque de Périclès, ce qui posait d'ailleurs déjà des problèmes à la démocratie. Plutarque, dans sa "vie de Périclès", indiqua que Périclès, conscient du danger d'un trop grand nombre pour l'efficacité de la démocratie, fit voter des lois qui réduisirent ce chiffre à 14 000 environ...

Imagine-t-on 40 millions de Français en train de proposer des amendements ou des lois ? Ce serait vite l'enfer...

En revanche, puisque les lois les concernent toutes et tous, rien n'interdit de faire des référendums pour chaque loi, chaque amendement, car alors peu importe le nombre, c'est la majorité simple qui l'emporte, et personne ne sera obligé d'aller voter. Là on entrerait davantage dans la vraie démocratie, plutôt que le système fermé que nous connaissons, étouffant, où une minorité de députés fait des lois et des amendements votés par une minorité de députés, sans rien demander à qui que ce soit, et le plus souvent dans l'indifférence générale. Normal : comment voulez-vous intéresser les citoyens à des lois pour la création desquelles ils ne sont en rien sollicités ?

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