Intervention de Claude Bartolone

Réunion du 25 septembre 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Bartolone, président :

Michel Winock et moi-même avons souhaité vous présenter ce matin ce projet de rapport sans que la presse soit présente, afin que nous puissions en débattre très librement. Vous trouverez devant vous un exemplaire numéroté de ce document ainsi qu'une synthèse des propositions, elle aussi numérotée. Nous vous demandons de ne pas les communiquer et de ne pas en dévoiler le contenu avant la réunion du 2 octobre au cours de laquelle le rapport doit être définitivement adopté et présenté au nom de l'ensemble du groupe de travail. J'insiste sur cette règle de confidentialité. Nous nous sommes toujours inscrits dans une démarche collective. Il serait pour le moins regrettable de ne pas terminer nos travaux de la sorte. Michel Winock et moi-même comptons sur chacun et chacune d'entre vous.

C'est d'ailleurs pour des raisons de confidentialité que nous avons décidé d'adopter le modus operandi des commissions d'enquête. Toutefois, rassurez-vous, nous ne le suivons pas totalement et vous pourrez emporter avec vous l'exemplaire numéroté du projet de rapport, ce qui vous permettra de l'examiner avec minutie d'ici à la semaine prochaine.

Le projet de rapport s'appuie principalement sur nos débats, qu'ils citent abondamment, ainsi que sur les notes qui vous ont été transmises en amont des séances thématiques. Quant aux propositions, elles sont la fidèle traduction de l'ensemble des réponses que nous avons apportées aux questionnaires. Ces réponses ont été agglomérées afin de dégager les points les plus consensuels. Une proposition a été considérée comme adoptée lorsqu'une majorité relative des membres du groupe s'est prononcée en sa faveur, qu'ils soient tout à fait ou plutôt d'accord avec cette orientation. Les notes moyennes attribuées à chacune des propositions permettent de mesurer le degré d'adhésion à celle-ci : plus cette moyenne est proche de 1, plus la proposition est consensuelle ; plus elle s'en éloigne, plus elle est controversée.

Vous trouverez annexé au rapport un tableau détaillant la moyenne obtenue pour chaque réponse. La liste des questions aurait certainement pu être plus longue, mais, avec quatre-vingt-trois questions principales et cinquante sous-questions – soit un total de cent trente-trois questions –, nous pouvons d'ores et déjà avoir une vue relativement claire des principales conclusions du rapport.

Au total, dix-sept propositions se sont clairement dégagées relevant de cinq axes qui ont structuré notre réflexion.

Le caractère consensuel des propositions ne vous interdit nullement d'être en désaccord avec telle ou telle mesure. À titre personnel, j'ai par exemple fait part de mes réserves appuyées quant à la limitation des mandats dans le temps, qui présente à mes yeux un risque de transfert du pouvoir politique vers l'administration. Toutefois, cette proposition ayant recueilli une majorité de soutiens, elle figure dans le rapport.

Je rappelle que l'intégralité des comptes rendus fera l'objet du tome II du rapport. Ainsi, les remarques ou les objections que vous avez formulées seront consignées dans le document final.

Enfin, certains d'entre vous ont d'ores et déjà présenté des contributions personnelles qui figureront, quant à elles, dans le tome I du rapport. À la suite de nos échanges, ceux qui souhaiteraient présenter de telles contributions ou apporter des compléments pourront le faire jusqu'à lundi prochain, dix-sept heures.

Notre réunion d'aujourd'hui est d'autant plus particulière que, comme vous le savez, le Président de la République a souhaité recevoir le groupe de travail pour un échange de vues. Je tiens à préciser qu'il ne dispose d'aucun des documents que vous avez sous les yeux. Nous découvrirons les thèmes sur lesquels il aimerait recueillir notre avis.

Il ne s'agit pas d'une remise de rapport, lequel, de toute façon, n'existe pas encore. Cette invitation est la marque de l'intérêt que le Président porte à la démarche originale qui a été la nôtre et aux réflexions et propositions qui ressortent de nos débats. Cet échange nous donnera l'occasion d'avoir son point de vue sur la pratique des institutions et d'entendre ses propositions. Il sera sans doute sensible à notre proposition tendant à la restauration du septennat. Pour le reste, nous verrons.

Quoi qu'il en soit, rien n'est arrêté. Nous pouvons encore évoluer. De même, nous pouvons décider d'apporter des précisions sur tel ou tel point. C'est le souhait de Michel Winock pour la partie relative au Sénat.

Vendredi prochain, nous procéderons à l'adoption du rapport au cours d'une réunion d'environ deux heures, qui précédera la présentation à la presse.

Je vous propose maintenant de résumer brièvement le rapport, en me concentrant sur quelques propositions phares. Vous pourrez aisément suivre mon propos en vous reportant à la synthèse qui vous a été distribuée.

Restaurer le lien entre les citoyens et leurs représentants est apparu à notre groupe de travail comme une absolue nécessité. Il estime ainsi nécessaire d'améliorer la représentativité sociale et générationnelle des représentants. Dans cette perspective, il suggère de limiter la possibilité d'exercer un même mandat à trois mandats successifs – proposition n° 1. Un statut de personnel protégé, à l'image de ce qui existe pour les employés exerçant des responsabilités syndicales au sein des entreprises, pourrait être créé afin de permettre aux salariés du privé de se porter candidats aux élections et d'exercer leur mandat dans de bonnes conditions : c'est le coeur de la proposition n° 2.

Estimant que la revivification de la démocratie représentative française exige une plus large réforme, le groupe de travail s'est, dans sa grande majorité, prononcé en faveur de l'introduction d'une représentation proportionnelle pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale. Plusieurs modalités ont ainsi été envisagées – scrutin proportionnel à deux tours avec prime majoritaire, système proportionnel d'inspiration allemande avec prime personnalisée ou système mixte combinant scrutin proportionnel et scrutin majoritaire – sans que la question soit définitivement tranchée.

Le groupe de travail s'accorde en revanche sur l'idée d'élire au moins la moitié des députés au moyen d'un scrutin de liste à l'échelon national et estime que l'obtention d'un minimum de 5 % des suffrages exprimés doit conditionner l'accès d'une liste à la répartition des sièges.

Cette revitalisation de la démocratie représentative ne va pas sans un renforcement du rôle accordé en son sein aux citoyens. C'est pour cette raison que nous avons été conduits à soutenir l'instauration d'un véritable référendum d'initiative populaire : c'est la proposition n° 4, que j'estime pour ma part essentielle.

La place du Président de la République au sein des institutions de la Ve République fut également au coeur des réflexions du groupe de travail. Je dois le dire, j'ai beaucoup évolué sur la question, je m'en explique longuement dans mon avant-propos. Je n'ai d'ailleurs pas choisi en répondant au questionnaire de mettre un terme à la dyarchie de l'exécutif. Nos débats ont démontré, je crois, que le choix binaire entre régime parlementaire strict et régime présidentiel pouvait être aisément dépassé et que nous pouvions en vérité nous accorder sur une troisième proposition.

La solution pourrait résider, d'une part, dans une meilleure définition du rôle de chacun, notamment grâce à la restauration du septennat, et, d'autre part, dans le renforcement des mécanismes de contrôle, obligeant ainsi celles et ceux chargés de prendre des décisions d'en rendre compte régulièrement et d'en assumer clairement la responsabilité politique. Je vous renvoie aux propositions nos 6, 7 et 8.

S'agissant du Parlement, je n'entre pas dans les détails, mais je crois que l'ensemble de ces mesures seraient de nature à faire émerger un véritable Parlement du non-cumul et à le placer au coeur de la démocratie : ce sont les propositions n° 9 à n° 14.

Enfin, notre rapport s'attarde sur la question de la justice, qui est encore le parent pauvre de nos institutions, et formule plusieurs recommandations de nature à en faire un véritable pouvoir constitué : propositions nos 15, 16 et 17.

Pour conclure, et avant de recueillir vos premières impressions ainsi que vos remarques et vos suggestions, je souhaitais vous dire à quel point le travail que vous avez fourni est selon moi précieux. Nos échanges ont été riches, comme en témoigne ce document, marqués par une large ouverture d'esprit et un grand respect des opinions de chacun.

Je tenais à vous remercier pour votre implication dans cette belle aventure au service de notre République, de notre démocratie et de nos concitoyens. La participation régulière d'une très grande majorité d'entre vous est la preuve de l'attention que vous avez portée à ces différents thèmes, forts de vos parcours, de vos personnalités, de vos idées et de vos pensées.

Je veux vous remercier plus particulièrement, cher Michel Winock. Vous avez su, par chacune de vos interventions, placer nos travaux dans une perspective historique en nous rappelant d'où nous venons, préalable indispensable pour essayer de fixer la route que nous voulons suivre. Cela a été un grand plaisir pour moi de présider avec vous ce groupe de travail. Le fait d'échanger autour de nos certitudes et de nos doutes a été pour moi un grand moment que je ne suis pas près d'oublier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion