Je commence par dire combien je suis satisfaite de ce rapport, alors que, vous vous en souvenez, je nourrissais quelques doutes sur la possibilité d'arriver à de vrais résultats lorsque nous avons commencé nos travaux. J'ai moi-même beaucoup évolué au cours de nos débats, notamment sur la question de l'opportunité d'une VIe République. Les propositions que vous nous présentez sont consensuelles – et donc pas extrêmement originales –, mais elles sont franches, et de nature, je crois, à répondre à la crise démocratique que nous constatons tous.
Madame Zimmermann, il est toujours difficile de prendre position sur quelque chose que l'on vit soi-même – je pense à la limitation du nombre de mandats dans le temps. Mais cet argument qu'il revient aux électeurs de choisir a été utilisé aussi contre la parité. J'ai souvent cité cette formule : « Je n'aime pas les quotas, mais j'aime ce qu'ils produisent. » Il est parfois nécessaire d'établir des règles, par exemple sur le non-cumul, pour avancer sur la question de la diversité de la représentation politique.
Monsieur Mélin-Soucramanien, vous craignez que la proposition de revenir au quinquennat ne soit moquée comme un archaïsme. Pour ma part, je suis assez vieille pour avoir voté pour le passage au quinquennat, mais j'ai ensuite changé d'avis, comme beaucoup. La fin de mandat de Barack Obama me semble montrer de façon lumineuse tout l'intérêt d'un président qui ne se représente pas et qui peut donc se projeter vers l'avenir. Pensons à ce qu'il fait en matière environnementale, mais aussi dans le domaine de la politique étrangère – avec l'Iran, avec Cuba – et qu'il ne pourrait certainement pas faire s'il devait se soumettre à nouveau au jugement des électeurs. Il faut remettre du temps long, faire diminuer la pression. Si l'on veut donner au Président de la République le rôle sinon d'un arbitre, du moins de celui qui sait se tenir au-dessus des contingences du quotidien, alors le retour au septennat non renouvelable est une bonne chose.
Il serait donc judicieux, comme vous le suggérez, de supprimer l'adverbe « éventuellement » – proposons que le Président de la République soit élu pour un seul septennat. Tout le monde est fatigué de l'accélération du temps politique, du lien trop fort entre l'Assemblée nationale et le Président de la République. C'est une proposition qui aurait vraiment du sens. Beaucoup d'interrogations sur la pertinence du passage au quinquennat s'expriment : lorsque l'on s'est trompé, il n'est jamais très grave de le reconnaître.
Madame Berger, je voudrais vous répondre sur la question du scrutin proportionnel. Je ne sais pas si la méthode par vote préférentiel adoptée par ce groupe de travail est classique ; elle me semble en l'occurrence tout à fait excellente. L'hypothèse, souvent évoquée comme très naturelle, de l'accession à la présidence d'une région d'une candidate d'extrême droite nous impose de ne pas continuer à utiliser l'argument trop confortable selon lequel l'absence de la proportionnelle empêcherait l'accession au pouvoir du Front national. Ce refus d'introduire la proportionnelle a au contraire, à mon sens, donné au Front national un statut à part, celui de parti non représenté, qui l'a finalement beaucoup favorisé. De plus, cela a été dit au cours de nos auditions, le basculement serait terrible : imaginons dans quel état serait notre pays après l'élection du FN à la Présidence de la République, puis d'une majorité FN à l'Assemblée… L'introduction de la proportionnelle constituerait une sorte de principe de précaution pour notre démocratie.
Je n'approuve pas l'intégralité des propositions faites par le rapport ; en particulier, je n'ai pas d'avis définitif sur la fusion entre CESE et Sénat. Il n'est pas grave, je crois, que certains expriment leur désaccord sur tel ou tel point. Pour ma part, je ne ferai pas de remarques personnelles : je joue le jeu des positions de compromis, même si celles-ci ne coïncident pas, chacun en sera conscient, avec l'ensemble des propositions de la famille politique à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir. Cet exercice commun mené avec des personnalités si différentes me paraît avoir été très fructueux – mais, et nous aurons tout à l'heure l'occasion de le dire au Président de la République, ces propositions n'auront été utiles que si elles sont mises en oeuvre. Sinon, nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer, et il serait infiniment triste qu'elles ne nous aient permis que de nous écrier, dans quelques années : « Je vous l'avais bien dit ! »
Le 12/12/2016 à 14:13, Laïc1 a dit :
Un politique qui trouve, dans notre système actuel, le temps politique trop court ne peut que créer un citoyen qui trouve le temps politique trop long... Comment ne pas comprendre par cet exemple l'antagonisme fondamental qui sépare le politique du citoyen ? Le politique ennemi du citoyen, et non pas son représentant, c'est à cette évidence politique que l'on parvient.
Le 12/12/2016 à 13:39, Laïc1 a dit :
"Tout le monde est fatigué de l'accélération du temps politique, du lien trop fort entre l'Assemblée nationale et le Président de la République. "
Pour ce qui est de la fatigue de l'accélération du temps politique, vous parlez pour vous... Pensez aux citoyens qui ne sont jamais consultés par référendum, à qui l'on a fait comprendre depuis longtemps qu'il n'y avait qu'un seul vote important et utile en définitive, c'était celui pour élire une seule fois tous les 5 ans le président de la République, et accessoirement pour élire la chambre des députés, dans la mesure où sans cette chambre le Président est dénué de réels pouvoirs, et vous comprendrez alors que le temps politique pour le citoyen est horriblement long, il est démesuré, il est d'un ennui monstrueux, il désagrège la pensée politique citoyenne, obligée de se raccrocher à la lecture des journaux pour sentir frémir un léger souffle de vie politique, mais cette vie est factice, elle se fait sans lui, il croit participer alors qu'il ne fait qu'être spectateur. On l'abuse. Le temps politique doit enfin revenir aux citoyens, ils doivent décider en permanence de ce qui est bon ou mauvais pour leur pays et pour eux, la comédie de la fausse démocratie n'a que trop duré, il est plus que temps d'y mettre un terme. Le temps politique doit être le temps citoyen, et le temps citoyen, c'est tous les jours, pas une fois tous les 5 ans.
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