Intervention de Marie-Anne Cohendet

Réunion du 25 septembre 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Marie-Anne Cohendet :

Je tiens à remercier les présidents de notre groupe de travail ainsi que l'ensemble de ses membres pour la qualité et le sérieux qui ont caractérisé nos passionnants débats, lesquels se sont toujours déroulés dans le respect des opinions de chacun. Si je souscris à la plupart des propositions contenues dans le prérapport, j'ai néanmoins relevé quelques erreurs qui pourraient en affecter la crédibilité.

Je pense en particulier aux erreurs de droit majeures qui figurent dans un tableau conçu par des collègues politistes et reproduit dans le rapport. Il y est en effet indiqué que, dans d'autres pays de l'Union européenne, le Président dispose de pouvoirs très importants, en particulier en matière législative. Or ces pouvoirs sont en fait soumis à contreseing ; ils sont donc très limités. Outre qu'elle est erronée, une telle affirmation est problématique au regard de la théorie de la séparation des pouvoirs et des principes démocratiques. Il ne serait donc pas très heureux d'insérer ce tableau dans notre rapport.

Par ailleurs, il est indiqué que « les membres du groupe de travail ont estimé que réorienter la fonction du Président de la République vers les missions que lui confère l'article 5 de la Constitution n'impliquait pas de lui retirer les pouvoirs de gouvernement qu'il tire de la lettre de la Constitution ». Cette formulation maladroite, sans doute due à l'importance du travail de rédaction, risque de faire rire les constitutionnalistes. Si une majeure partie de la doctrine admet que, dans les faits, le Président exerce des pouvoirs plus importants que ceux que lui confère le texte de la Constitution, il n'y a pas grand monde pour affirmer qu'il tiendrait ses pouvoirs de l'article 5. J'ajoute que nous pourrions donner le sentiment de légitimer des abus de pouvoir présidentiels et des violations de la Constitution et que ne sont même pas évoquées les périodes de cohabitation, durant lesquelles cette pratique inconstitutionnelle est remise en cause. Il convient donc de revoir cette formulation qui pourrait avoir des conséquences pratiques fâcheuses.

De même, on mentionne, à propos du Président de la République, « son Premier ministre, responsable devant lui ». J'apprécierais que cette formule soit nuancée ou qu'à tout le moins, on fasse état de réserves sévères émises par les membres du groupe de travail sur ce point, comme du reste sur la question du domaine réservé.

De manière générale, je constate que nous sommes à peu près tous d'accord pour reconnaître l'existence d'un grave déséquilibre entre les pouvoirs du Président de la République et sa responsabilité, de sorte qu'une forte majorité d'entre nous est favorable à une modification des fonctions présidentielles. Or, au bout du compte, on ne propose guère de changements en la matière. J'ajoute, à ce sujet, que la proposition relative au septennat doit être, à mon sens, assortie de deux conditions : les pouvoirs du Président doivent être affaiblis et le mandat ne doit pas être renouvelable.

Par ailleurs, la proposition d'inversion du calendrier me paraît tout à fait positive. Je remarque que la question de l'article 16 n'est pas abordée – j'ignore quelle est la majorité sur ce point. Quant à la proportionnelle et aux expériences des IIIe et IVe Républiques, il n'y a pas lieu d'y revenir, dans la mesure où nous nous sommes longuement expliqués sur le sujet.

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