Madame la présidente, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous débutons ce soir l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2016, lequel confirme, dans son architecture d’ensemble, les priorités du Gouvernement en faveur de la jeunesse, de la sécurité et de l’emploi, priorités sur lesquelles l’ensemble de sa majorité le rejoint.
La jeunesse, tout d’abord, avec la montée en charge du service civique, le plan numérique pour l’éducation, la poursuite des efforts dans l’éducation nationale avec la création de 8 500 postes supplémentaires, sans oublier l’effort budgétaire exceptionnel de 100 millions d’euros dans l’enseignement supérieur récemment annoncé par le Premier ministre pour faire face au nombre croissant d’étudiants.
La sécurité ensuite, avec le plan de lutte contre le terrorisme, renforcé encore par l’annonce du Gouvernement, lors du débat dans l’hémicycle du 16 septembre, de la création de 900 postes supplémentaires dans la police et la gendarmerie, notamment la police aux frontières.
Enfin l’emploi, avec, non seulement, 445 000 emplois aidés dont 95 000 emplois d’avenir en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes, soit 100 000 emplois aidés de plus que dans la dernière loi de finances, mais également le développement de 60 000 entrées en formation supplémentaires, financées par le fonds paritaire et par Pôle emploi, et l’aide exceptionnelle de 4 000 euros pour l’embauche du premier salarié dans les TPE. Certaines de ces mesures sont financées par le décalage de trois mois de la baisse des cotisations pour les salaires entre 1,6 et 3,5 SMIC, décalage pour lequel vous avez le soutien du groupe RRDP.
Le Gouvernement, à la faveur du projet de loi de finances, entérine également sa volonté de relancer l’économie par le pouvoir d’achat des ménages, en desserrant « dans la justice » la pression fiscale sur les foyers moyens et modestes à hauteur de 2 milliards d’euros en 2016. Nous enregistrons donc pour 12 millions de foyers, soit pour les deux tiers des ménages français soumis à l’impôt sur le revenu, une baisse d’impôt d’un montant total de 5 milliards d’euros depuis 2014.
Le groupe RRDP se félicite bien entendu de la poursuite de l’allégement des prélèvements obligatoires, qu’il appelle de ses voeux depuis le début du quinquennat. Cet allégement est doublé du lancement à moyen terme du prélèvement à la source, visant à supprimer le décalage d’un an du paiement de l’impôt sur le revenu qui pénalise plus particulièrement les salariés du privé qui ont des parcours professionnels accidentés – ils sont nombreux ! Toutefois, la simplification proposée par le Gouvernement demeure assez circonscrite.
Tout d’abord, la « première tranche » de l’impôt sur le revenu, à savoir la contribution sociale généralisée, n’est pas vouée à devenir progressive alors qu’elle est également acquittée par les Français les plus modestes. Ensuite, la conjugalisation et la familialisation de l’impôt sur le revenu ne sont pas remises en cause, alors que ces principes archaïques sont issus d’une époque où le travail des femmes n’était pas encouragé. Enfin, le système complexe des niches fiscales, via des réductions et crédits d’impôts, est expressément conservé en dépit non seulement de toutes nos difficultés à contenir et à justifier économiquement nos dépenses fiscales, mais surtout du caractère injuste de certaines de ces niches au plan social.
Le Gouvernement prévoit au total, entre crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, crédit d’impôt recherche – CIR –, TVA, impôt sur le revenu, sans compter les autres, 430 niches pour plus de 83 milliards d’euros en 2016, ce qui représente 1,2 milliard de plus que prévu dans la loi de programmation 2014-2019. Faire le tri parmi ces 430 niches permettrait d’en réduire le coût et de poursuivre ainsi l’allégement des prélèvements obligatoires, notamment en faveur des ménages les plus modestes.
Il faut en effet admettre que l’introduction du CICE a littéralement fait exploser les dépenses fiscales et a rendu leur maîtrise particulièrement ardue. Le rapport de septembre du comité de suivi abrité par France Stratégie souligne que 25,4 milliards d’euros de CICE ont été dépensés depuis le 1er janvier 2013, dont 15,8 milliards d’euros effectivement décaissés par Bercy au 31 juillet 2015. Et 13 milliards de CICE sont également programmés dans ce PLF pour l’an prochain. Toutefois ces sommes, qui sont colossales pour les finances publiques, auraient, pour le moment, selon France Stratégie, été davantage fléchées vers les salaires, car le taux de marge des sociétés non financières est retombé en moyenne de - 0,3% pour s’établir à 29,4% en 2014.
En effet, le Haut conseil des finances publiques avait prévu dès 2014 que, même si le CICE représente une baisse de charges stricto sensu – ce qui n’est pas réalisé dans ce PLF pour 2016 –, celle-ci serait « susceptible d’avoir moins d’impact sur l’emploi dans la situation actuelle des marges dégradées ». C’est pourquoi, s’il est indéniable qu’à ce stade le dispositif, qui est simple et lisible, a permis d’éviter des faillites et des licenciements, son impact direct sur l’investissement et le recrutement de nouveaux salariés tarde toutefois encore à se faire pleinement sentir.
Certes, des PME et des TPE en sont bénéficiaires, mais il s’agit principalement de secteurs non délocalisables comme l’hôtellerie, la restauration ou encore la construction, alors qu’à l’inverse la construction automobile et l’industrie informatique, électronique ou optique sont moins concernées du fait de la composition de leur masse salariale. Il y a également, pour les fournisseurs, la question du « racket au CICE », pour laquelle nous savons que le Gouvernement agit localement.
Enfin, demeure pour les plus grands groupes, du fait de l’absence de ciblage du dispositif, la question non résolue des contreparties à la baisse structurelle et pérenne de leurs impôts, d’autant que ces groupes bénéficient d’autres dispositifs d’optimisation fiscale.
J’en viens ainsi au crédit d’impôt recherche. Nous admettons que le Président de la République ait affirmé sa volonté de le sanctuariser pour l’ensemble de son quinquennat, en écartant notamment la reforme souhaitée par la majorité parlementaire, qui vise à calculer le montant du CIR au niveau de chaque intégration et non des filiales, ce qui permettrait d’économiser 530 millions d’euros par an selon la Cour des comptes.
Aussi le PLF prévoit-il en 2016 une dépense de CIR de 5,51 milliards d’euros, par ailleurs cumulables avec le CICE. Si nous ne doutons pas que ce dispositif soit favorable à notre économie – et c’est heureux au vu de son montant, soumis au secret fiscal –, nous souhaitons toutefois appeler l’attention du Gouvernement sur une disposition, votée par notre assemblée le 1er octobre dernier dans le cadre du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, qui vise à exclure du bénéfice du CIR les activités d’archéologie préventive des opérateurs privés. Sans l’adoption définitive de cette mesure en PLF 2016, nous maintiendrions un effet d’aubaine sur une activité non délocalisable, créant une distorsion de concurrence au détriment des acteurs publics de l’archéologie préventive.
On peut aisément comprendre que l’archéologie préventive relève de notre patrimoine collectif et non de la recherche et développement et que nous n’avons aucun intérêt à réaliser des dépenses fiscales qui accentuent la privatisation du secteur. D’autant que l’amendement permet aux opérateurs privés agréés de conserver bien entendu le bénéfice du CIR pour l’ensemble de leurs dépenses de R et D, comme les fouilles programmées ou le développement de nouveaux procédés.
Après l’optimisation, j’en viens à la fraude. Le groupe RRDP salue les mesures prises par le Gouvernement dans ce PLF et dans les précédents, pour lutter contre la fraude à la TVA, obliger les multinationales à adopter une politique claire en matière de prix de transfert et accueillir chaleureusement nos célèbres « repentis fiscaux ».
En la matière, le tour de force opéré par l’Organisation de coopération et de développement économiques – l’OCDE – la semaine dernière, après des mois de négociations, est capital. Les ministres des finances du G20 ont en effet endossé le BEPS – Base Erosion and Profit Shifting –, le fameux plan de lutte contre l’érosion de la base fiscale et le transfert des bénéfices, en discussion depuis plusieurs années. C’est un moment historique, que celui par lequel se rejoignent enfin le combat des associations, des ONG et des bénévoles, qui bataillent depuis des années sur ces sujets, et celui des Etats souverains qui, après la crise financière et en pleine crise de la dette, recherchent irrémédiablement de nouvelles recettes en l’absence de marges de manoeuvre sur les services publics, les ménages ou les entreprises.
Nous voici donc dans la période transitoire qui précède, puisqu’il nous faut rester optimistes, le rapatriement de l’argent des « paradis fiscaux », période durant laquelle il nous faut encore voter, paradoxalement, d’ailleurs, pour préserver notre souveraineté, des restrictions de dépenses. Je commencerai par la rationalisation des dépenses des agences de l’État, qui constitue un axe fort de la programmation des finances publiques 2014-2019, avec la baisse des subventions et la diminution du plafond des taxes affectées. Un très bon rapport parlementaire à ce sujet avait préconisé l’arrêt des prélèvements sur les fonds de roulement des chambres de commerce et d’industrie, qui, en 2015, ont défavorisé les plus petites d’entre elles. Heureusement, cette année, aucun prélèvement exceptionnel n’est prévu ! L’amendement que nous avons adopté en commission des finances le 7 octobre, atténue de 20 millions d’euros l’effort de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – TACVAE.
Je déposerai toutefois en seconde partie, à l’article 52, qui crée le fonds de péréquation entre les CCI, des amendements qui rendront éligibles les projets de formation dans les territoires ruraux et d’innovation, ainsi que les aides exceptionnelles aux petites chambres les plus en difficulté financièrement.
Je poursuis sur les agences, avec le coup de rabot important réalisé à l’article 14 par le Gouvernement sur Voies navigables de France. Nous souhaitons le maintien en 2016 du plafond de la taxe hydraulique. À cette fin, nous proposons que soit supprimée l’exonération, introduite par la loi de finances pour 2010, de la taxe hydraulique pour les entreprises de production d’énergie frigorifique recourant au refroidissement par eau de rivière. En effet, le process de refroidissement par eau de rivière, fondé sur un échange thermique entre le prélèvement en rivière et le circuit interne aux machines frigorifiques, implique une alimentation en eau régulière et un volume suffisant permettant la dissipation de chaleur. Il est rendu possible par des ouvrages entretenus par Voies navigables de France.
Concernant ensuite le sujet sensible de la baisse des dotations aux collectivités de l’ordre de 3,67 milliards d’euros en 2016, le groupe RRDP soutient résolument le maintien de l’amendement, voté à l’initiative de notre collègue Christine Pires Beaune et de la rapporteure générale, qui vise à étendre aux travaux de voirie le bénéfice du fonds de compensation pour la TVA – FCTVA. Un autre sujet nous paraît essentiel, en termes budgétaires et environnementaux, pour les collectivités locales, particulièrement dans les zones rurales et les zones de montagne : l’élargissement du FCTVA à la location longue durée de véhicule, à titre expérimental durant trois ans, afin d’en mesurer les effets réels, qui pourraient d’ailleurs bien être favorables au FCTVA.
Concernant le Fonds d’aide à l’investissement local créé à l’article 59, de 1 milliard d’euros sur plusieurs années dont 150 millions d’euros décaissés l’année prochaine, nous nous félicitons qu’il contienne une augmentation substantielle de la dotation d’équipement des territoires ruraux – DETR. L’élu rural que je suis…