Elle laisse aussi à penser que la question de la fiscalité écologique n’est pas tout à fait prête.
Je ne parle ici que de fiscalité et je ne sous-estime pas, parallèlement à la baisse successive du budget de l’écologie dans les différents exercices, 90 millions cette année, les moyens supplémentaires alloués à la transition écologique pour des montants bien supérieurs, qu’il s’agisse du CITE, 1,4 milliard, de la CSPE et des programmes territorialisés TEPOS – « territoires zéro déchet, zéro gaspillage », villes respirables en cinq ans » – pour un montant de 1,4 milliard sur trois ans à raison de 500 000 euros pour les territoires concernés sur la même période. Il faut encore citer la poursuite de la montée en puissance de la contribution climat énergie, qui passera de 14 à 21 euros la tonne de carbone pour une recette de 4,5 milliards en 2016.
Il est vrai que nous sommes rentrés un peu « en crabe » sur la taxe carbone, parce qu’il fallait financer le CICE, alors qu’il était tout à fait possible, utile et même valorisant d’affirmer le choix de transférer la fiscalité qui pèse sur le travail vers une fiscalité attachée aux énergies fossiles. Préférer le travail et l’énergie humaine aux énergies fossiles, cela se revendique.
Nous disposons enfin, après deux échecs, le dernier datant de l’époque de Nicolas Sarkozy, de l’instauration d’une taxe carbone, un outil moderne et nécessaire à la transition énergétique de notre économie. Certes, le montant reste faible, mais le sens est donné. L’intention est même amplifiée avec la loi de transition énergétique, qui trace une perspective à 2020 et 2030. L’enjeu est donc maintenant de fixer une trajectoire concordante en loi de finances. Pourquoi donc faut-il attendre la loi de finances rectificative ?
Concrètement, il faut donc maintenant adopter une trajectoire glissante sur trois ans, comme nous l’avions fait en 2014, 2015, 2016, qui permettra, dès la loi de finances 2016, de fixer un prix à la tonne de carbone jusqu’en 2018, puis en loi de finances de 2017 jusqu’en 2019, et ainsi de suite avec une augmentation moyenne de 7 à 8 euros par an jusqu’en 2030.
La transition énergétique de notre économie constitue une opportunité unique pour sortir de la crise. Une révolution industrielle peut naître pour peu que notre système fiscal l’intègre en profondeur.
Ce projet de loi de finances initiale est marqué par une nouvelle baisse d’impôt en 2016 après la suppression de la tranche à 5 % en 2015, qui confirmait les premières baisses au cours de l’année 2014. Alors que les baisses de 2015 concernaient les revenus autour du SMIC, soit 9 millions de ménages, celles de 2016 toucheront 8 millions de ménages situés dans les classes moyennes, jusqu’à 3 500 euros de revenu mensuel.
Cette baisse d’impôt inscrite au pacte de solidarité vient compléter le pacte de responsabilité destiné aux entreprises.
Il n’est pas inutile de rappeler le mécanisme de financement de ces aides. Les baisses de cotisations sociales des entreprises sont financées par un report de 2015 à 2017 de l’échéance des 3 % de déficit alors que les baisses d’impôts des ménages résultent en grande partie de la remarquable réussite de la loi de lutte contre l’évasion fiscale des ménages.
Ce budget est une fois encore tourné vers l’emploi par le soutien aux entreprises. Ainsi, le fait de porter le seuil de dix à onze salariés permettra aux entreprises concernées d’embaucher plus facilement un ou deux salariés supplémentaires, pour une dépense pour l’État de 147 millions d’euros. Plus généralement, en complément d’une nouvelle étape du pacte de responsabilité, ce budget renforce la priorité à l’investissement des entreprises avec la prorogation et l’extension du suramortissement pour les investissements productifs, la dépense étant pour 2016 de l’ordre de 700 millions d’euros.
Il faut toutefois apporter un certain nombre de nuances concernant le soutien à l’investissement.
La première est fondamentale mais je ne développerai pas. Elle a trait aux limites du modèle économique productiviste et libéral, qui épuise les hommes, la nature et la croissance par la captation de richesse et l’externalisation des coûts, ce qui a pour effet de limiter les possibilités d’investissement.
La deuxième nuance tient au fait que marge de manoeuvre ne signifie pas toujours investissement et que notre pays souffre moins d’un déficit d’investissement que d’un « mal investissement », d’un mauvais ciblage, comme cela a été démontré dans le rapport Villeroy de Galhau. C’est effectivement l’objet du ciblage du surinvestissement que d’y remédier en partie.
Troisième nuance, l’investissement dans la transition énergétique et écologique de l’économie pâtit de l’absence de signaux clairs et significatifs concernant la remise en cause des niches fiscales favorables aux énergies fossiles et, plus généralement, d’un signal sur le prix du carbone insuffisant.
La quatrième nuance porte sur un point qui sera traité dans la seconde partie du projet de loi de finances et concerne les dotations aux collectivités locales. Je veux insister dès maintenant sur la nécessité de bien prendre en compte la richesse fiscale et le potentiel fiscal des collectivités locales. Si cette question n’est pas suffisamment prise en compte alors que les impôts locaux sont déjà relativement élevés dans les villes et les agglomérations, nous assisterons, comme c’est déjà le cas cette année, à une baisse sensible des investissements, qui nuira à l’objet même de la politique prioritaire menée par le Gouvernement, à savoir la relance de l’activité par l’investissement, notamment dans le secteur du BTP.