Intervention de Bernadette Laclais

Séance en hémicycle du 13 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernadette Laclais :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, l’examen de ce projet de loi de finances pour 2016 est un moment important. Comme beaucoup de mes collègues, je note avec satisfaction nombre de propositions qui vont dans le bon sens. Le déficit baisse, et revient en 2016 à son niveau de 2008 ; de ce fait la part de la dette publique dans le PIB se stabilise.

Ce projet de loi de finances choisit de proposer une baisse d’impôts pour les ménages, une baisse pour les entreprises, et des priorités clairement affichées : sécurité, santé, justice, éducation et culture, sans parler des choix du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui sont difficiles à dissocier des choix opérés dans le cadre de ce projet de loi de finances.

La part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale devrait baisser pour la première fois depuis 2009, et une première étape vers le prélèvement à la source est amorcée à partir de 2016. Après trois années d’activité très ralentie, beaucoup d’acteurs économiques s’accordent à reconnaître que l’environnement extérieur est favorable pour soutenir la croissance et l’emploi et que les mesures prises au cours des trois dernières années diffusent dans l’économie.

Pourtant – nous le savons bien – l’emploi n’est pas encore au rendez-vous, et nos PME peinent à se développer et à se financer. Ce défaut de croissance constitue une faiblesse de l’économie française. Or l’emploi se crée non dans les entreprises existantes, mais dans celles qui naissent, et les PME sont massivement à l’origine de la création d’emplois, notamment dans les start-up, qui sont les championnes de la nouvelle économie. Les PME sont par ailleurs plus résilientes aux crises, car elles ont une meilleure réactivité et un meilleur ancrage territorial. Malgré leur rentabilité et la qualité de l’emploi, les PME – je l’ai dit – peinent à croître. Un chiffre illustre cette difficulté : après sept ans d’existence, l’emploi créé par les PME françaises est de 107 % contre 226 % pour les PME américaines. Et je ne parle pas des ETI : 4 300 en France, contre 8 200 au RU et 7 309 en Allemagne.

Nous connaissons les causes du mal : la faiblesse des structures d’investissement en amorçage et en capital-risque, la restriction du crédit bancaire pour les activités à caractère innovant présentant un profil de risque, le manque de culture entrepreneuriale des citoyens. En France, l’investissement est au mieux mal compris, et le plus souvent mal vu. L’investissement dans les PME est perçu comme risqué et est peu liquide. De surcroît, il est réellement difficile de mettre en relation entrepreneurs et investisseurs. Excepté les business angels et le crowdfunding, il n’y a pas de système d’intermédiation organisé.

Permettez-moi de revenir quelques instants sur ces investisseurs de proximité. Je me suis rendu compte encore une fois la semaine dernière que même les membres les plus assidus de votre commission ne semblaient pas connaître leur apport à l’économie réelle, à tel point qu’ils ont été comparés aux chambres consulaires ! J’ai le plus grand respect pour elles, mais elles ne lèvent aucun fonds pour accompagner les entreprises.

C’est là l’une des particularités des investisseurs de proximité : ils investissent une partie de leur patrimoine dans les entreprises locales, ils les accompagnent bénévolement et apportent leurs compétences, leur expérience et leur réseau. L’accompagnement est d’ailleurs aussi important que le soutien financier. Ce n’est pas moi qui le dis : des analyses ont démontré que les entreprises accompagnées par les investisseurs de proximité avaient un tiers de chance de survie en plus au bout de quatre ans.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, une étude de novembre 2012 – passée trop inaperçue – de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services – la DGCIS, devenue depuis septembre 2014 la DGE, direction générale des entreprises, ce qui ne change rien à la pertinence de ses travaux – concluait : « Les sociétés accompagnées par les business angels créent plus d’emplois que les autres sociétés. Ces sociétés misent davantage sur un projet, prennent plus de risques. Elles embauchent plus que les autres. Elles contribuent également plus à l’investissement et à l’innovation. La durée de l’accompagnement par les business angels se révèle être le principal facteur explicatif des écarts de performance. »

C’est pourquoi j’insiste sur l’intérêt qu’il y a, particulièrement aujourd’hui, à tout mettre en oeuvre pour favoriser l’épargne citoyenne de proximité – car c’est bien de cela que je parle – pour la croissance et le développement de nos territoires. Au moment où l’argent public est rare, l’épargne privée doit être ciblée vers les PME. Les outils traditionnels et professionnels ne peuvent répondre à ce besoin pour des raisons structurelles. Pour mémoire, si 5 % de l’épargne de nos concitoyens était mobilisée à cet effet, cela représenterait 200 milliards d’euros de financement en fonds propres. Le développement des circuits courts et d’une démarche citoyenne participative dans un cadre associatif peut répondre à ce besoin.

C’est pourquoi, au cours des débats sur le projet de loi de finances pour 2016 comme sur le projet de loi de finances rectificative, je défendrai un certain nombre d’amendements pour faire sauter des verrous que le législateur a posés au fil du temps, sans doute par peur d’effets de bords réels ou supposés.

À la fin de l’année 2014, et grâce à votre soutien, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, des avancées ont été enregistrées dans la loi de finances rectificative. Par la suite, la première lecture de la loi Macron a fait naître beaucoup d’espoirs, avant que son examen au Sénat puis la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale referment beaucoup de portes. L’on m’a répondu alors : « Nous attendons le rapport de la mission d’information sur l’investissement productif de long terme, dont Olivier Carré et Christophe Caresche sont co-rapporteurs ». Ce rapport a été publié – et salué sur tous les bancs de la commission des finances. Les amendements que j’ai déposés s’inspirent de ses propositions.

Quelques mesures simples et efficaces pourraient nous permettre d’avancer ensemble. Certaines ont un coût : je peux comprendre les réticences du Gouvernement à leur égard. Mais d’autres, financièrement plus modestes, serviraient puissamment l’innovation, en donnant de meilleures opportunités de croissance aux PME engagées dans ce secteur. Nous avons besoin de capitaux français : ici, nous avons la possibilité d’en mobiliser au service de la création de start-up et d’emplois.

Sans ces évolutions, nous risquons de voir s’amplifier les évasions de start-up vers d’autres contrées aux financements plus performants. Puissions-nous, dans l’esprit de la mission d’information Carré-Caresche, nous accorder sur ces points : nous le devons bien à nos PME et à ces investisseurs de proximité qui n’attendent pas de nous des postures politiques ou des carcans technocratiques, mais des avancées bien concrètes.

Je vous remercie par avance de la bienveillance avec laquelle vous examinerez ces propositions que je vous soumettrai dans le débat.

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