Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, mon propos se concentrera sur la baisse d’impôts pour les ménages. Cette baisse est légitime au regard des efforts précédemment demandés, et elle est pertinente dès lors que les comptes et les marges des entreprises se sont sensiblement redressés au cours des derniers mois : elle constitue donc la meilleure façon de soutenir l’activité économique, car elle offrira des débouchés aux entreprises en créant un cycle vertueux qui fera redémarrer à la fois l’investissement et la consommation.
Il convient toutefois de remettre en perspective les réformes que nous conduisons pour les inscrire dans le paysage de notre fiscalité des revenus. La France a en effet deux spécificités à cet égard. En premier lieu, parce qu’elle est le seul pays à ne pas avoir mis en place le prélèvement à la source, l’impôt sur le revenu y est fondé sur les revenus de l’année écoulée ; par conséquent, notre imposition reste inadaptée aux accidents de la vie professionnelle, tels que le chômage ou la diminution de revenus, ainsi qu’aux accidents de la vie familiale, comme la séparation au sein d’un couple.
De ce point de vue, l’idée d’un prélèvement à la source, lancée par le Président de la République et à laquelle travaille le Gouvernement, est une réforme fondamentale. Elle demande du temps, mais une opportunité s’ouvre aujourd’hui pour la mener à bien, car la déclaration sociale nominative permettra d’ajuster aussi le taux d’imposition à la réalité des revenus courants.
Le deuxième aspect de notre imposition des revenus, vous l’avez rappelé l’un et l’autre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est que nous avons dans notre pays deux impôts sur le revenu, là où tous les pays n’en ont généralement qu’un. Nous avons en effet l’impôt sur le revenu proprement dit, progressif, qui représente 3,5 % du PIB, et la CSG, d’un volume plus important, qui représente 5 % du PIB. La somme des deux correspond à peu près au montant de l’impôt sur le revenu dans les autres pays, soit 8,3 % du PIB, contre 9 % au Royaume-Uni, 9,5 % en Allemagne et 10 % aux États-Unis. La particularité de la France n’est donc pas, comme on l’entend parfois, que seuls la moitié des Français paient l’impôt sur le revenu, mais que le plus gros de nos deux impôts sur le revenu n’est pas progressif.
Par conséquent, pour la moitié la plus modeste de nos concitoyens, l’impôt sur le revenu présente d’emblée un taux très élevé – le taux moyen de la CSG. Quand on prend en compte le taux d’imposition correspondant à ces deux impôts pris ensemble, on constate que l’imposition est à peu près constante pour la première moitié de nos concitoyens, au taux de la CSG, et n’est progressive que pour la deuxième moitié. Pour les neuf premiers déciles, soit neuf Français sur dix, la CSG payée est supérieure à l’impôt sur le revenu payé.
S’il est donc une réforme fiscale qui s’impose assez naturellement, et si elle est possible, elle doit consister à instaurer de la progressivité pour la première moitié de nos concitoyens, dont l’impôt n’est constitué que de la CSG, afin que cet impôt commence à un taux plus raisonnable et que nous ayons, comme dans tous les autres pays, une progressivité constante de l’imposition sur l’ensemble des revenus.
Une réelle réforme s’impose donc et, du reste, elle a en quelque sorte déjà été engagée – certes sous une forme différente – lorsque la gauche a créé la prime pour l’emploi – PPE –, en partie pour compenser le fait que la CSG était proportionnelle. La création du revenu de solidarité active – RSA – tient aux mêmes raisons : il s’agissait de soutenir nos concitoyens les plus modestes. Aujourd’hui, alors que nous avons unifié les deux, se pose la question de savoir si l’on ne pourrait pas faire plus directement cet effort, non pas en versant une prime d’activité, mais en rendant dégressive la CSG. C’est exactement ce que nous proposons dans l’amendement que nous défendrons avec Jean-Marc Ayrault.
Il s’agit de transformer une dépense en allégements d’impôts, ce qui est plutôt favorable en termes de réduction des prélèvements obligatoires, et d’aller vers plus de justice, car cette mesure ne rendra pas seulement notre impôt plus progressif : elle est aussi une façon de reconnaître et de faire reconnaître que tous les Français paient l’impôt sur le revenu.
On peut certes objecter que cette démarche est difficile et que peuvent se poser des problèmes de constitutionnalité. Cependant, le fait que la prime d’activité soit familialisée et que l’on puisse se poser la question du lien avec l’impôt sur le revenu permet de contourner cette difficulté.
Nous devons ainsi nous interroger sur la possibilité d’avancer vers un impôt citoyen, reconnu par tous, et, avec le prélèvement à la source, qui est également une réforme fondamentale, vers une imposition des revenus plus simple, plus claire et plus juste.