Intervention de Paul Salen

Séance en hémicycle du 13 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Salen :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler que ce budget est le quatrième de votre majorité. Si vous voulez rester sérieux, vous ne pouvez plus vous contenter d’évoquer l’héritage d’une situation.

Ce projet de loi de finances pour 2016 est le dernier budget complet du quinquennat et constitue donc votre dernière chance de mettre en oeuvre votre stratégie économique. Or, vos revirements et autres renoncements qui ont parsemé sa préparation marquent une absence totale de cap.

Votre gouvernement s’est engagé, dans le cadre de ce projet de loi de finances, à tenir ses promesses d’économies vis-à-vis de Bruxelles. Cependant, tout le détail de ces économies n’a, me semble-t-il, pas été donné, poussant le Haut conseil des finances publiques à réagir en affirmant que « des risques significatifs pèsent sur la réalisation de l’objectif de ralentissement de la dépense en volume, particulièrement au regard de sa trajectoire passée. »

Encore une fois, le compte n’y est pas ! Même certains membres de votre majorité le reconnaissent et vous l’ont fait savoir par différentes propositions, d’ailleurs intéressantes, que vous avez refusées.

Le Haut conseil des finances publiques a confirmé une surestimation de vos prévisions, selon lesquelles le déficit public s’élèverait à 3,8 % du PIB en 2015 et 3,3 % en 2016. La croissance serait de 1 % en 2015 et de 1,5 % en 2016. L’OCDE a d’ores et déjà rabaissé ce taux pour 2016 à 1,4 %. L’objectif pour 2016 apparaît donc difficilement atteignable.

Il est difficile de ne pas constater le manque de réelle visibilité de ce budget, tant les annonces et les contre-annonces ont fait l’objet d’allers-retours publics entre les différents ministères, augmentant encore l’anxiété des Français dans un contexte dont la sérénité n’est pas la principale caractéristique.

Le plan d’économies engagé par l’État reste globalement flou : 3 à 4 milliards d’euros d’économies inscrites dans le projet de loi de finances ne sont pas rattachés à des mesures concrètes, tout comme les 600 millions d’économies prévues sur les ministères. Par ailleurs, votre projet de budget ne fait que très peu état de la chasse aux niches fiscales. Or, le coût des quelque 430 niches fiscales atteindra encore 83 milliards d’euros en 2016.

Prenons un exemple : sur les 2,7 milliards d’euros d’économies prévues dans les dépenses d’intervention de l’État, seuls 500 millions sont rattachés à des mesures concrètes via la réforme de l’aide personnalisée au logement, des aides à la pierre ou encore de l’indexation des prestations sociales.

Vous nous rejouez le même scénario que l’an dernier : vous aviez été très discrets sur le détail des économies du budget pour 2015, assurant qu’elles seraient au rendez-vous, ce qui n’a malheureusement pas été le cas.

Finalement, sur 16 milliards d’économies annoncés, seuls 5,95 milliards constituent une économie réelle, tandis que le reste ne correspond qu’à un effort budgétaire.

En outre, les socialistes étant censés s’occuper des plus faibles, je m’étonne que la création de la prime d’activité, dispositif remplaçant la prime pour l’emploi et le RSA activité, fasse 824 000 perdants, signal désastreux envoyé à une population qui cherche à rester dans l’emploi.

En matière de réduction des dépenses, la création de 8 300 postes de fonctionnaires en 2016, une première depuis quatorze ans, n’est pas la meilleure garantie de votre bonne volonté adressée à l’Union européenne, dont de nombreux pays ont engagé des réformes fortes et courageuses et qui regarde avec une certaine anxiété la trajectoire négative de nos finances publiques.

Concernant les baisses d’impôt, vous avez ciblé une certaine partie de la population sans permettre au reste des Français d’alléger leur fiche d’impôts, entraînant une hyperconcentration fiscale, encore plus importante, sur les classes moyennes. Aujourd’hui, seuls 46 % de nos concitoyens sont concernés par l’impôt sur le revenu. Ce n’est pas juste ! Chaque Français doit participer à l’effort de solidarité nationale à la mesure de ses moyens, comme l’a dit un député de votre majorité.

Votre politique fiscale a été particulièrement clivante depuis 2012. Ainsi, un couple marié avec deux enfants gagnant 50 000 euros par an paiera plus d’impôt en 2016 qu’il n’en payait en 2012, avec une hausse de 159 euros. Cela constitue bien la preuve que vous ciblez en priorité les classes moyennes, car gagner à deux 4 000 euros par mois, soit 2 000 euros par mois pour chacun des époux, c’est faire partie non pas du clan des nantis, mais bien de la classe moyenne !

Afin de préparer les futures échéances électorales, vous avez préféré baisser les dotations aux collectivités locales pour ne pas avoir à couper dans les dépenses publiques, laissant à ces collectivités le soin de se débrouiller avec une éventuelle hausse des impôts locaux.

Récemment, des dépenses d’urgence ont été annoncées pour l’aide aux réfugiés et aux agriculteurs. Où se trouvent-elles dans le projet de loi de finances ? Quelles économies supplémentaires entraîneront-elles ? Dans quels domaines ? Autant de questions auxquelles ce texte ne répond pas.

En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, les quelques avancées, minimes, de ce budget interviennent malheureusement trop tard pour inverser la tendance catastrophique dans laquelle vous avez entraîné notre économie et l’ensemble des Français.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion