Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 29 septembre 2015 à 16h15
Délégation aux outre-mer

George Pau-Langevin, ministre des outre-mer :

Si l'on considère que la Polynésie représente une zone économique exclusive (ZEE) équivalente à celle de l'Europe, on comprend que le patrimoine naturel des outre-mer fasse de la France l'un des plus riches pays au monde en matière de diversité biologique.

Les services rendus par les écosystèmes – récifs coralliens, mangroves, herbiers – sont considérables en termes de protection du littoral et pour lutter contre les effets de l'augmentation du niveau des océans. Toutefois, ce patrimoine naturel est d'une grande fragilité. Il est donc indispensable de mettre en oeuvre une politique ambitieuse de protection. Les outre-mer sont des territoires où les aires protégées sont très développées : parcs nationaux ou régionaux, réserves naturelles, parcs marins. Si nous devons poursuivre nos efforts en vue du développement durable des territoires, nous devons également veiller à ce que les habitants puissent y vivre et y exercer des activités économiques : il ne s'agit pas de mettre les territoires sous cloche, et il faut donc trouver le moyen de faire cohabiter ces deux préoccupations qui peuvent parfois se révéler antinomiques.

La politique de préservation des ressources naturelles est particulièrement importante pour les espaces maritimes. Les océans sont en effet les poumons de la planète : ils produisent la majorité de l'oxygène que nous respirons et leur capacité de stockage du CO2 est largement supérieure à celle de l'ensemble des forêts terrestres. Les océans sont directement impactés par l'augmentation des émissions de CO2 et le réchauffement climatique. L'acidification des eaux menace les coraux et les mollusques à coquille, tandis que l'augmentation de la température de l'eau et du niveau des mers, ainsi que la surexploitation des ressources et la pollution, diminuent la capacité des écosystèmes marins à s'adapter aux changements climatiques présents et futurs. La préservation et la reconquête des milieux marins constituent donc une priorité.

La France, qui possède la deuxième zone économique exclusive au monde grâce à ses outre-mer, a une responsabilité particulière en la matière. Dès 1999, le ministère des outre-mer et le ministère de l'écologie ont créé l'IFRECOR, seul réseau d'action rassemblant l'ensemble des outre-mer français, et auquel nous avons assigné l'objectif de protéger 35 000 hectares de mangrove et 75 % des récifs coralliens français d'ici à 2020. On assiste à une prise de conscience de plus en plus marquée de la nécessité d'une meilleure prise en compte des océans lorsqu'on évoque le changement climatique. La création en juin dernier de la plateforme mondiale Océan et Climat, qui a pour objectif de développer les connaissances scientifiques sur les liens entre océan et climat, va permettre d'accélérer la prise de conscience.

Je veux rappeler que les outre-mer ont aussi un rôle à jouer en matière d'atténuation du changement climatique. Ces territoires sont très dépendants des énergies fossiles, car ils ne sont pas interconnectés au réseau des centrales nucléaires ; les réseaux de transports en commun y sont très limités. Il importe donc que nous nous efforcions d'encourager la transition vers une économie plus sobre en carbone – à l'heure actuelle, ce sont les voitures qui constituent les plus grosses émissions de gaz à effet de serre. Les territoires d'outre-mer sont dotés d'atouts considérables en matière d'énergies renouvelables – solaire, photovoltaïque, thermique, biomasse, géothermie, énergie marine renouvelable – et il s'y fait déjà beaucoup de choses innovantes en la matière. Lors d'une visite à la Réunion, j'ai beaucoup entendu parler du prix d'achat de la bagasse – le résidu de la canne à sucre issu du broyage de celle-ci, que l'on brûle dans les centrales thermiques pour produire de l'électricité – et je peux vous dire que l'arrêté qui va augmenter le prix d'achat est prêt à être signé.

La loi de transition énergétique, portée par Ségolène Royal et votée cet été, constitue une avancée majeure en matière de lutte contre le changement climatique. Elle fixe des objectifs ambitieux pour les départements d'outre-mer, puisqu'il s'agit d'atteindre l'autonomie énergétique à l'horizon 2030, avec un objectif intermédiaire de 50 % dès 2020. Par ailleurs, elle renforce les pouvoirs des régions en matière de politique énergétique grâce à la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui va définir pour chaque territoire, ainsi que pour Saint-Pierre-et-Miquelon, les orientations de la politique énergétique en matière de développement des énergies renouvelables, de maîtrise de la demande en énergie et d'efficacité énergétique.

Nous savons qu'il importe que la transition énergétique s'appuie sur les caractéristiques propres à chaque territoire sur la base d'un objectif commun, consistant à atteindre à terme l'autonomie énergétique. Aujourd'hui, les outils sont en place et il appartient aux territoires et aux acteurs de s'en saisir pour agir, notamment en matière d'économie circulaire, d'économies d'énergie et de développement des énergies renouvelables. Des collectivités comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie ont la responsabilité de fixer leurs propres objectifs. L'État peut les accompagner dans cette démarche, et je tiens à saluer le travail des autorités polynésiennes, qui ont élaboré un plan Climat Énergie extrêmement intéressant, qui fixe un objectif de 50 % d'énergies renouvelables en Polynésie d'ici à 2020. La Polynésie possède tous les atouts pour atteindre cet objectif. Je me souviens avoir visité une petite île polynésienne sur laquelle se trouvait un très bel hôtel, malheureusement abandonné en raison du coût de l'énergie nécessaire à son fonctionnement. Il nous a été dit que cet hôtel pourrait rouvrir si l'on trouvait le moyen d'utiliser des énergies renouvelables pour l'alimenter. Je pense que ce cas est loin d'être unique et que, si l'on veut développer un tourisme durable, il faut le faire en recourant aux énergies renouvelables.

Je sais que le gouvernement calédonien souhaite également s'engager dans une démarche de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et nous ne pouvons que l'y encourager. En effet, la Nouvelle-Calédonie présente une situation particulière : si globalement, elle est assez peu émettrice de gaz à effet de serre, elle présente un niveau d'émission par personne extrêmement élevé.

Comme vous le voyez, nous sommes au coeur des problématiques qui vont mobiliser les États lors de la préparation de ce grand moment qu'est la COP21. Les territoires d'outre-mer sont en pointe sur ces sujets et doivent être présents lors de la Conférence. Ils se sont mobilisés pour fédérer leur voisinage : une conférence Caraïbe Climat s'est tenue à la Martinique en mai dernier, et un sommet des dirigeants dans le Pacifique en juillet dernier. Enfin, je me suis rendue récemment en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour le Forum des Îles du Pacifique. Nous allons réunir un sommet France-Océanie le 26 novembre prochain, à la veille de la COP21, pour répondre à la préoccupation des petits États du Pacifique, que toute montée des eaux menace directement.

Nous allons faire en sorte que les problématiques des outre-mer soient bien représentées dans le cadre de la COP21, et je sais qu'une zone leur sera réservée au sein du pavillon France. Pour relayer avec force leur message, nous organisons le 15 octobre prochain un séminaire sur les outre-mer face au changement climatique, afin d'élaborer un agenda des solutions pour les outre-mer. Je remercie ceux d'entre vous qui ont manifesté leur intention de s'y rendre, car nous avons besoin de mettre en lumière les initiatives et les projets ultramarins qui contribuent d'ores et déjà à l'adaptation au changement climatique.

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