Jusqu'en 2004, nous vivions dans un univers simple : la loi fixe une règle ; l'accord de branche peut y déroger dans un sens favorable aux salariés ; quant à l'accord d'entreprise, il peut déroger à l'accord de branche dans les mêmes conditions. La même règle vaut pour le contrat de travail. Ce monde univoque dans lequel s'appliquait le principe de faveur a évolué avec les lois de 2004 et de 2008.
La loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a ouvert la possibilité pour l'accord d'entreprise de contenir des clauses moins favorables que l'accord de branche en fixant deux limites : d'une part, quatre domaines sont exclus, à savoir les classifications, les salaires minimaux, la mutualisation de la formation professionnelle, la prévoyance ; d'autre part, la branche ne doit pas s'y opposer en interdisant à l'accord d'entreprise de contenir des dispositions différentes.
La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a défini six domaines relatifs à l'aménagement du temps de travail – contingent d'heures supplémentaires, forfait jour ou forfait heure, compte épargne-temps, aménagement du temps de travail, journée de solidarité – dans lesquels l'accord d'entreprise peut établir des règles particulières sans que l'accord de branche ne puisse « verrouiller ».
Le rapport récemment remis par Jean-Denis Combrexelle propose, dans le champ des accords relatifs aux conditions de travail, à l'emploi et aux salaires, de poser le principe général de la loi de 2004 comme étant la règle de droit commun, en maintenant la possibilité pour la branche de verrouiller.
L'exercice se heurte à plusieurs difficultés : les quatre domaines définis dans la loi de 2004 restent-ils interdits à toute variation de la hiérarchie des normes ? Quelle est la force du verrou de l'accord de branche ? Depuis la parution du rapport, plusieurs organisations professionnelles de branches importantes ont réclamé que l'ordre public conventionnel soit défini par les partenaires sociaux. Que peut-on laisser à la main de l'accord d'entreprise ? On peut imaginer de manière caricaturale la répartition suivante : l'accord de branche fixe les règles générales de la branche, de l'univers professionnel tandis que les adaptations et les variations conjoncturelles qu'il est difficile de prévoir hors de l'entreprise relèvent de l'accord d'entreprise. Je pense notamment à la répartition des horaires sur les plages de la semaine en cas d'accord de modulation. Il est difficile pour la branche de prévoir toutes les variations d'activité dans les différentes entreprises. Il existe des domaines dans lesquels l'adaptation est possible. Il faut distinguer ce qui fait la loi de la profession, sa légitimité, des souplesses dont ont besoin les entreprises dans leur fonctionnement quotidien.