J’ai beaucoup apprécié l’intervention de notre jeune collègue, qui pose la question de savoir pourquoi on assiste à une hausse de la part des bénéfices mis en réserve en Allemagne et à une évolution symétrique à la baisse en France. Mon cher collègue, cela s’explique par deux grandes raisons. La première tient à la baisse de la rentabilité en France par rapport à l’Allemagne, comme l’atteste la baisse du taux de marge des entreprises françaises, prises globalement, qui contraste avec la situation des entreprises allemandes : on a complètement décroché.
La deuxième raison tient à la dégradation du capitalisme familial français, largement liée à l’existence de l’ISF, qui tranche, là encore, avec la situation du capitalisme familial allemand. Je vous rappelle qu’en Allemagne, depuis déjà quelques années, il n’y a plus d’ISF – ou, plus exactement, d’impôt sur le capital, car celui-ci n’était pas strictement identique à notre ISF. Peut-être faudrait-il s’interroger là-dessus.
Enfin, aucun économiste digne de ce nom ne pourra vous expliquer pourquoi il faudrait appliquer un taux différencié selon que les bénéfices sont mis en réserve ou distribués. Dans un groupe, des filiales matures, très rentables, qui ne nourrissent pas de grand projet, peuvent distribuer de manière importante les bénéfices afin de les faire remonter au niveau du groupe et, partant, financer des filiales nouvelles ayant besoin d’être soutenues pendant trois, cinq ou dix ans avant de réussir. Le même problème se pose dans les entreprises, à l’égard des actionnaires. Pensez-vous que vous placeriez votre argent dans une entreprise qui affirmerait ne plus vouloir distribuer un sou ? Aucun fondement économique ne justifie donc cette différenciation. De surcroît, l’écart que vous signalez à juste raison entre la France et l’Allemagne s’explique par notre système fiscal, qui a détruit une partie du capitalisme familial, alors que l’Allemagne a eu l’intelligence de tout faire pour le protéger.