Intervention de Dominique Lefebvre

Réunion du 14 octobre 2015 à 14h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre, rapporteur pour avis :

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est relativement court – il ne compte que 61 articles. C'est le quatrième de cette législature, et c'est un texte qui s'inscrit dans la continuité des précédents. Il n'y a là aucun bouleversement majeur du financement de notre protection sociale.

Mon rapport, qui sera mis en ligne à la fin de cette semaine, apportera des éclairages qui me paraissent vraiment intéressants. Il comprendra un développement sur la dette sociale, mais aussi sur le financement des allégements de cotisations sociales ; il se penchera par exemple sur l'effet sur le coût du travail des mesures prises depuis les années 1990 – cette perspective historique m'a paru nécessaire. Il examinera également l'évolution des mesures de régulation de la dépense prises notamment depuis le début de cette législature.

Les masses financières en jeu sont importantes, notre président l'a rappelé. Les dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSO) représentaient en 2014 575 milliards d'euros, c'est-à-dire 46,9 % des dépenses publiques et 27 % du PIB. Ce niveau nous distingue des autres pays européens, puisque nos dépenses de protection sociale, au sens large, sont supérieures de près de 4 points de PIB à celles de l'ensemble de nos partenaires. Bien sûr, les comparaisons sont difficiles entre ce qui est obligatoire, facultatif, de base, complémentaire… L'Allemagne, par exemple, dispose souvent d'accords d'entreprise : ces sommes relèvent sans doute plutôt de la contribution obligatoire, mais elles n'entrent pas dans les comptes publics.

Il n'est néanmoins contesté par personne que notre niveau de dépenses sociales est particulièrement élevé. Nous devons nous demander s'il en résulte un niveau de protection plus important et si cette dépense est véritablement efficiente.

Depuis la fin des années 1970, l'évolution des dépenses sociales explique les deux tiers de l'augmentation de la dépense publique en France : elles ont progressé davantage que les dépenses de l'État, des organismes divers d'administration centrale (ODAC) et des collectivités territoriales. La cause principale de ce phénomène est le vieillissement de la population, qui entraîne à la fois le versement de pensions plus nombreuses et une hausse des dépenses de santé. Au début des années 1960, les dépenses de santé étaient d'environ 4 points de PIB ; elles s'élèvent aujourd'hui à 11,7 points de PIB. Les dépenses de retraite sont, elles, passées de 10,3 points à 13,9 points. Les dépenses de santé représentent 45 % de l'augmentation de la dépense sociale, et les dépenses de retraite 40 %.

Il faut, en matière de finances sociales, faire attention aux différentes notions que nous utilisons. Les administrations de sécurité sociale englobent l'ensemble des organismes, y compris les régimes complémentaires, et Pôle Emploi… La sécurité sociale proprement dite, ce sont essentiellement les régimes obligatoires de base – nous avons depuis 1945, je le rappelle, une pléiade de régimes, simplifiés au fil du temps. En 2014, leurs dépenses représentaient 472,9 milliards d'euros ; on passera à 475,9 milliards en 2015. Elles se décomposent de la façon suivante : environ 198 milliards pour la maladie, 224 milliards pour la vieillesse, 54 milliards pour la famille et 13 milliards pour les accidents du travail. L'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale présente en 2015 un déficit prévisionnel de 8,5 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter le déficit de 3,8 milliards du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ce dernier étant extrêmement dépendant de la conjoncture économique. Au total, le déficit est donc de 12,4 milliards.

Certains des régimes obligatoires de base seront très prochainement en excédent ; le régime général stricto sensu pèse 348,3 milliards en 2015 : 174 milliards pour la maladie, 120 milliards pour la vieillesse, de 54 milliards pour la famille, 12 milliards pour les accidents du travail. Son déficit prévisionnel en 2015 est de 9 milliards.

La question du déficit des régimes obligatoires de base, aujourd'hui, se concentre donc exclusivement sur le régime général.

Le solde des régimes de sécurité sociale s'améliore incontestablement. La trajectoire financière de la sécurité sociale est de longue date dégradée : depuis 1990, c'est-à-dire depuis vingt-cinq ans, ses comptes n'ont été excédentaires – très légèrement – qu'à trois reprises. À partir de 2003, ce déficit s'est aggravé : il n'a plus été inférieur à 5 milliards d'euros, et a régulièrement dépassé les 10 milliards d'euros – niveau auquel nous sommes aujourd'hui revenus. Ces déficits sont pour l'essentiel dus aux branches maladie et vieillesse ; la branche accidents du travail-maladies professionnelles a connu quelques années de déficit, de même que la branche famille.

Les causes de ces déficits sont multiples. La conjoncture compte, bien sûr, mais il faut surtout incriminer les errements de la gouvernance publique, qui a été le fait de tous les gouvernements pendant longtemps. On construisait notamment des budgets sur des prévisions macro-économiques trop optimistes ; les réformes, sur ce point, ont été menées à bien : l'existence du Haut Conseil des finances publiques et les procédures européennes rendent beaucoup plus difficile l'utilisation de prévisions de croissance farfelues. Or être raisonnable sur les prévisions de recettes incite à une certaine rigueur dans la gestion des dépenses… Ce sont là toujours des choix politiques complexes.

Le résultat de ces déficits, c'est une dette sociale, transférée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), qui s'élève à près de 270 milliards, c'est-à-dire 13,5 points de PIB. Cette dette nous coûte extraordinairement cher, même si les taux moyens de la CADES sont aujourd'hui à peine supérieurs à 2 %, et même si elle est très bien gérée. Le paradoxe, vous le verrez dans le rapport, c'est que l'ACOSS, qui aura plus emprunté sur les marchés en 2015 qu'en 2014, aura gagné de l'argent en 2015 : ses emprunts à court terme avaient en effet des taux d'intérêt négatifs. Pour autant, il ne faudrait pas que cela dure !

Nous avons amorti, depuis la création de la CADES en 1996, un peu moins de 100 milliards d'euros de dette sociale : nous avons ainsi payé, sur la même période, près de 45 milliards d'euros d'intérêts. Le report du retour à l'équilibre des comptes sociaux a donc un coût, important, ce que nos concitoyens constatent sur leur feuille de paye, puisque la CADES est aujourd'hui principalement financée par la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Venons-en maintenant aux résultats obtenus durant cette législature. En 2011, le déficit s'est élevé à près de 17 milliards d'euros. Depuis lors, il n'a cessé de se réduire, pour atteindre 9,7 milliards d'euros en 2014. Pour 2015, la prévision de déficit s'établit à 9 milliards d'euros. Sur les trois derniers exercices, les résultats ont été meilleurs que les prévisions, même si ce n'est parfois que de quelques centaines de millions d'euros.

Cet incontestable retour à l'équilibre est inégal selon les différentes branches de la sécurité sociale. La branche accidents du travail et maladies professionnelles est excédentaire, ce qui a fait naître d'ailleurs des revendications du MEDEF. La branche famille présente également un déficit – qui est sans doute le déficit le moins acceptable – mais celui-ci se réduit. La branche vieillesse a divisé son déficit par cinq depuis 2013, sous l'effet des mesures prises par les gouvernements successifs.

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