En solde réel, le déficit de 9 milliards d'euros des régimes obligatoires se transforme en compte excédentaire en comptabilité nationale parce que certains régimes – y compris des régimes complémentaires – peuvent être excédentaires à court terme même s'ils sont encore déficitaires aujourd'hui. Tout dépend en outre de la manière dont les dépenses, comme les recettes, sont reclassées. La question demeure pertinente, toutefois : « quand c'est flou, il y a un loup », selon la formule que connaît bien Dominique Baert...
Le débat démocratique concernant la comptabilisation des mesures d'économie est intéressant car, lorsque les économies ne sont pas documentées, c'est, de deux choses l'une, que l'on ne veut pas en parler ou que l'on ne veut pas les faire. Or, c'est l'état des comptes qui fait office de juge de paix et qui attestera à la fin 2015 de la maîtrise des dépenses. Il importera pour l'avenir de constater si, pour y parvenir, les reports de charges n'ont pas été excessifs ; tous les documents fournis pourront en faire état.
Il est vrai qu'au cours des dernières années, une partie de la dette des régimes sociaux a été externalisée vers les hôpitaux. Cette dette, aujourd'hui stabilisée, s'élève à 29 milliards d'euros, alors que le déficit des hôpitaux est stabilisé aux alentours de 200 millions. En réalité, la situation financière des hôpitaux varie selon les cas – tantôt redressée, tantôt aggravée – mais le déséquilibre global s'explique en partie par les difficultés d'un petit nombre d'entre eux. Je fais pleinement confiance à nos collègues de la commission des affaires sociales pour maîtriser la dépense. Certes, le dispositif de régulation est vaste et complexe mais, monsieur Woerth, je ne peux croire que vous, entre tous, n'y compreniez rien. Nous maîtrisons aujourd'hui l'ONDAM comme nous maîtrisons le budget de l'État : par une régulation infra-annuelle et grâce aux recommandations du comité d'alerte, qui incitent l'État à moduler certaines enveloppes. Tous ces éléments doivent être connus car, s'ils permettent de préserver le solde à court terme, ils peuvent s'avérer moins pertinents pour régler les problèmes à long terme. Autrement dit, il nous faut jongler entre mesures structurelles et mesures conjoncturelles. S'agissant de l'assurance maladie, qu'il s'agisse de la dépense hospitalière mais aussi de la médecine de ville, il nous faut recourir à des mesures ponctuelles qui devront être ajustées en cours d'année en fonction de la dérive des dépenses. En effet, ces paquebots massifs ne changent pas aisément de cap.
Si nous faisions tous preuve de responsabilité collective, le débat sur l'évolution de la dépense sociale porterait uniquement sur les branches maladie et vieillesse. En effet, quiconque a mis en déficit la branche famille – par essence un mécanisme de redistribution dont rien ne justifie qu'il soit déficitaire – a sa part de responsabilité, soit qu'il n'ait pas affecté les ressources complémentaires à politique familiale égale, soit qu'il n'ait pas ajusté les dépenses avec les recettes.
Les paramètres et les instruments de pilotage du système de retraites sont aujourd'hui très bien balisés. Les uns et les autres peuvent faire des choix divergents mais, s'ils cessent de brandir leurs totems, en particulier celui de l'âge de départ, chacun constatera que toutes les mesures prises par-delà les majorités – je l'assume en tant que socialiste – concourent à reporter l'âge moyen de départ à la retraite. D'aucuns pensent que cela ne suffira pas, et qu'une mesure générale mettant fin au départ à soixante ans est nécessaire. Ce débat nous oppose : qu'il s'agisse de la longueur des carrières ou de la pénibilité des métiers, plusieurs facteurs expliquent que tous ne sont pas égaux devant la retraite. On ne saurait reporter l'âge de départ à la retraite de manière indifférenciée sans tenir compte de l'état dans lequel les gens y parviennent. Pourtant, je pense aussi, comme vous, que l'on peut travailler plus longtemps – certains plus que d'autres. À cet égard, nos concitoyens ont une opinion très contrastée.
Ce débat concerne naturellement l'État, mais aussi les corps intermédiaires. Aujourd'hui, les régimes complémentaires sont heureusement placés sous l'entière responsabilité des partenaires sociaux – depuis le schéma imaginé par Pierre Bérégovoy. À titre personnel, je ne crois pas que le fait de dessaisir les partenaires sociaux pour les remplacer par l'État, comme le propose M. Sarkozy, soit une solution d'avenir pour la France. En revanche, je serai très attentif aux mesures négociées par les partenaires sociaux – en particulier le MEDEF, la CFDT et FO – et je veillerai surtout à ce qu'ils ne décident d'aucune mesure dont ils souhaitent qu'elles ne soient jamais appliquées dans l'espoir que les pouvoirs publics modifient l'âge de départ à la retraite. Nous verrons si les partenaires sociaux prennent pleinement leurs responsabilités en négociant des mesures sans tenir compte d'aléas politiques liés à une éventuelle alternance.
S'agissant de la branche maladie, madame Dalloz, tous les chiffres montrent que l'augmentation tendancielle de la dépense de santé est estimée à 3,6 % pour 2016.