Intervention de Gilles Carrez

Séance en hémicycle du 16 octobre 2015 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Après l'article 8

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Merci, monsieur le président. Vous savez que je suis très économe de ma parole. L’usage veut que le président de la commission des finances puisse lui aussi rendre compte des débats qui ont eu lieu au sein de la commission. C’est d’autant plus important que ce sujet est compliqué.

J’ai évoqué en commission un autre argument que Mme la rapporteure générale. Je m’empresse de préciser – parce que les procès d’intention, ça suffit – que j’ai voté pour la taxe sur les transactions financières en mars 2012. Je suis pour cette taxe, mais à une condition : qu’elle s’applique au niveau européen. Je le répéterai inlassablement ! Il faut d’ailleurs que M. le ministre nous dise où l’on en est à cet égard.

Au passage, pour compléter ce que vient de dire Valérie Rabault, je précise que nous avons rencontré à plusieurs reprises, depuis un an, nos collègues allemands de la commission des finances du Bundestag, toutes sensibilités confondues. Nos échanges m’ont profondément inquiété : j’ai constaté un véritable désaccord, entraînant une paralysie. Cela explique un paradoxe : depuis des années, cette taxe est inscrite comme une priorité du gouvernement de coalition, mais elle ne voit pas le jour.

J’en viens à l’argument que j’ai développé en commission des finances, et qui m’inquiète, monsieur le ministre. Parmi les transactions intra-day, il y a effectivement des transactions à caractère spéculatif, des allers-retours à haute fréquence, mais il y a aussi ce que l’on appelle l’activité de tenue de marché. Cette activité est indispensable au financement de nos entreprises, qui passera de plus en plus par les marchés financiers, compte tenu des exigences de fonds propres auxquelles les banques sont soumises.

Cela rejoint la préoccupation que j’ai évoquée tout à l’heure au sujet du règlement européen. Nous avons adopté, monsieur Germain, une loi de séparation bancaire – comme je l’ai dit tout à l’heure, bien que je n’ai pas voté cette loi, j’étais plutôt pour. À l’époque, on nous disait que cette loi était en harmonie avec le futur règlement européen. Aujourd’hui, on s’aperçoit que le projet de règlement exonère complètement, au nom du système Vickers – Christophe Caresche l’a dit tout à l’heure – les banques britanniques, les filiales américaines de banques d’affaire, sans que l’on sache pourquoi, et même la structure de faîtage des caisses d’épargne allemandes. Nous sommes donc les seuls à risquer d’être victimes de ce règlement !

Que se passera-t-il ? Si nous assujettissons les transactions intra-day à la taxe sur les transactions financières, nous pénaliserons le financement de nos entreprises par les marchés, financement qui se développe. Ainsi, nous nous rendrons dépendants de banques américaines pour financer nos propres entreprises ! Imaginez que la crise frappe de nouveau : en 2008 et 2009, par exemple, les banques américaines se sont tout de suite désengagées de certains secteurs, et elles ont d’abord sacrifié les activités de financement en Europe, avant les activités américaines. Il y a là aussi un problème de souveraineté quant au financement de nos entreprises.

J’en terminerai en évoquant un dernier point, dont nous avons longuement discuté, toujours à propos des transactions intra-day. La taxe rapporte de 700 à 800 millions d’euros – je ne le conteste pas. Je ne conteste aucun des arguments de MM. Mancel et Tetart sur le financement de l’aide au développement : je suis même d’accord avec eux. Quoi qu’il en soit, comme l’a dit tout à l’heure M. le ministre à juste titre, il y a aujourd’hui un équilibre parce que le stamp duty s’applique à Londres. Mais les transactions intra-day n’entrent pas dans l’assiette du stamp duty !

Si votre proposition était mise en oeuvre, elle se retournerait contre vos espérances car l’assiette de la taxe s’évaporerait, et dès 2016 le rendement de la TTF serait inférieur.

Nous avons donc eu un débat approfondi à cet égard en commission et, une fois de plus, je suis assez proche des positions de Mme la rapporteure générale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion