Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 16 octobre 2015 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Après l'article 8

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

En effet, le risque de transfert des activités financières et d’évaporation de l’assiette serait considérable. Il serait même tel qu’il porterait non pas seulement sur les transactions intra-journalières, mais sur toutes les transactions, alors que dans le système actuel, nous évitons ce danger. Je crois que cette taxe sur les transactions financières rapporte un peu plus de 1 milliard d’euros : si nous élargissions seuls son assiette, son produit diminuerait, et je pense que personne ici ne souhaite cela.

Je terminerai mon intervention en posant la question suivante : quelle est la bonne bataille ? Je comprends les réactions de ceux qui attendent cela depuis longtemps ; j’ai entendu l’un d’eux dire : « C’est l’Arlésienne. » Mais la bonne bataille, c’est celle que nous menons dans le cadre de cette coopération renforcée. La France aurait souhaité que les vingt-huit pays de l’Union européenne agissent ensemble. Mais vous savez que dans le domaine fiscal, c’est la règle de l’unanimité qui prévaut. Quand nous avons voulu avancer à vingt-huit, l’un des pays – un pays entouré d’eau – a levé le doigt pour dire qu’il n’était pas d’accord, ce qui a tout bloqué.

En revanche, nous avons trouvé onze pays – dont les quatre grands que j’ai cités – qui sont d’accord pour y travailler dans le cadre d’une coopération renforcée. Pendant plusieurs mois, cela a patiné. Depuis le début de cette année, et en particulier grâce au travail du ministre des finances autrichien, cela avance. Cela avance même vite ! Au mois de novembre prochain aura lieu une rencontre très importante entre ces onze pays. Cette rencontre doit permettre de nous mettre d’accord sur l’ensemble du dispositif : il sera question non pas simplement des transactions intra-journalières – j’ai déjà dit que j’y étais favorable, et que les autres pays s’orientaient aussi dans cette direction – mais aussi d’autres produits financiers, tout particulièrement les produits dérivés. Dans ce domaine également, il y a beaucoup de transactions : les taxer permettrait d’augmenter le rendement de la taxe. Cela permettrait aussi de réguler un peu ces transactions, car beaucoup d’échanges sont uniquement spéculatifs.

Je prends donc acte de votre volonté, qui est largement partagée puisqu’elle s’exprime sur d’autres bancs que ceux de la gauche. Je vous propose d’accompagner le gouvernement français qui travaille au sein du groupe de onze pays sur ce sujet, mais je vous engage à ne pas adopter ces amendements visant à mettre en place une taxe sur les transactions financières intra-journalières au 1er janvier prochain. Ce serait vain, car cette taxe ne pourrait pas être appliquée, et cela encouragerait les délocalisations, ce qui ne me semble pas utile. Faites donc passer votre message, dites que vous êtes favorables à cet élargissement de la taxe sur les transactions financières, comme le Parlement européen, et que vous soutenez la position du Gouvernement et du Président de la République – qui l’a exprimée avec beaucoup de force.

Le Président de la République souhaite que cette taxe ait une base large, avec des taux adaptés, pour pouvoir ensuite financer les pays en développement, afin de les aider dans leur bataille contre le réchauffement climatique. Voilà la position française ! Je tiens tellement à cette position que je ne voudrais pas qu’on l’abîmât par précipitation, partant de bonnes intentions que je respecte totalement, mais qui risqueraient de nuire à son efficacité.

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