Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 16 octobre 2015 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Après l'article 8

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

Le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée sur cet amendement rectifié.

Permettez-moi cependant de vous exposer le contenu politique de notre position, qui est celle du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement que je représente au niveau européen dans les négociations en cours. Notre volonté est de faire en sorte qu’il y ait une vraie taxe sur les transactions financières. Sortons de ces débats sans fin où, de discussion en discussion, d’année en année, on ne cesse de repousser la question ! Nous avons trop perdu de temps sur ce point, même si la principale raison en est que, parmi les vingt-huit pays auxquels nous nous sommes légitimement adressés, plusieurs, et pas des moindres, nous ont dit refuser de s’engager dans cette direction.

Nous sommes favorables à une taxe sur les transactions financières établie sur une base très large, appliquée à des produits financiers qui ne se résument pas aux seules actions – quand bien même on inclurait les ventes et achats d’actions intrajournaliers. Il y a bien d’autres types de produits, majoritaires, qu’il est tout à fait légitime de soumettre à la taxe et qu’il est souvent nécessaire, en outre, de soumettre à une régulation.

Car il y a deux aspects à cette taxe sur les transactions financières. Elle doit certes rapporter de l’argent, mais ce n’est pas son seul objet : elle doit aussi permettre de limiter l’utilisation d’un certain nombre d’instruments de transactions qui me paraissent être totalement déconnectés de l’économie réelle et s’inscrire uniquement dans une économie spéculative. La France se bat pour cela, y compris s’agissant des transactions infra-journalières.

Je ne veux pas m’étendre sur les questions techniques, mais ce n’est pas parce que l’on parle de technique que l’on est dilatoire. On ne peut occulter certaines réalités au motif que l’on veut se faire plaisir. Nous ne savons pas, et aucun autre pays ne sait, mettre en place au 1er janvier prochain une comptabilisation de ce type de transactions. Il faut que le dispositif soit indiscutable. Si c’est pour en arriver à des contentieux en pagaille, on n’aura pas avancé !

Il nous faut donc, aux uns comme autres, du temps. Une durée d’un an est parfaitement adaptée pour nous permettre – à nous et à d’autres – de nous mettre techniquement en condition.

Mais ce que je voulais surtout vous dire, et qui explique pourquoi je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée quant au vote de cet amendement avec entrée en application au 1er janvier 2017, c’est que la France veut que la taxe sur les transactions financières soit une taxe européenne, soit, au minimum, une taxe à onze, incluant les quatre plus grands pays de la zone euro, dont le PIB représente une très large part du PIB de la zone et où se fait l’immense majorité des transactions au sein de cette zone.

La France, je le répète, veut une taxe européenne et je me battrai pour cela. J’ai bon espoir que nous y parvenions. Les négociations en cours devraient déboucher avant la fin de cette année, ce qui permettra à chaque pays, justement, de se préparer tant en matière de transactions intrajournalières que sur d’autres sujets tout aussi compliqués : taxer certains dérivés n’est pas si simple tant les bases, les méthodes, les manières de comptabiliser sont différentes.

La France, donc, veut que l’on ait terminé avant la fin de l’année pour que la mise en oeuvre, au cours de l’année 2016, puisse se faire dans de bonnes conditions.

Mais je me dois de vous dire que s’il n’y avait pas d’accord – ce que je ne souhaite pas et ce contre quoi je me battrai – d’ici à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine, je serais obligé de revenir devant vous et, les conditions d’une taxe européenne n’étant pas réunies, de vous demander de modifier la date que vous aurez fixée en adoptant cet amendement.

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