Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du 19 octobre 2015 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Article 22 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, comme l’an dernier, l’examen du projet de loi de finances donne lieu à un débat sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne. Bien sûr, ce débat est d’abord l’occasion d’aborder le sujet des relations financières entre le budget de la France et celui de l’Union européenne, mais c’est aussi l’occasion de discuter du contexte économique européen et des politiques européennes en faveur de la croissance économique.

Avant d’en venir à l’économie européenne, je voudrais rappeler quelques points sur le plan budgétaire, et d’abord sur le montant du prélèvement sur recettes.

Depuis 2007 et à périmètre constant, le prélèvement sur recettes a progressé : 15,4 milliards en 2007, 16,6 en 2008, 18,3 en 2009, 22,5 en 2013, 20,3 en 2014 et 20 milliards en 2015 selon la prévision actualisée du Gouvernement.

Ainsi, le prélèvement sur recettes représente environ 8 % des dépenses de l’État hors charge de la dette et des pensions. Ce montant n’intègre pas les ressources propres traditionnelles de l’Europe, les fameux RPT, telles que les droits de douane, pour lesquelles les administrations nationales agissent comme de simples intermédiaires. Pour la France, ces ressources sont de l’ordre de 1,4 milliard d’euros.

Le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne est désormais de l’ordre d’une vingtaine de milliards d’euros chaque année, c’est-à-dire environ 1 % de notre richesse nationale, soit un taux équivalent à ce qu’on observe dans la plupart des pays européens. Ces montants incluent les rabais qui ont pu être négociés par certains pays auprès de l’Union européenne.

L’article 22 du projet de loi de finances évalue ainsi à 21,5 milliards d’euros le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne pour 2016, soit 1,5 milliard de plus que ce qui est prévu pour 2015.

Cette hausse s’explique en grande partie par le fait que la France devra s’acquitter de façon rétroactive d’environ neuf cents millions d’euros correspondant aux corrections et rabais forfaitaires accordés à certains États membres au titre des années 2014 et 2015. Il s’agit d’une forme de rattrapage.

Mon deuxième point sera la portée de notre vote.

L’article 22 du projet de loi de finances pour 2016 portant sur le prélèvement sur recettes est évaluatif et non pas limitatif, puisqu’il ne s’agit pas budgétairement d’une dépense. Budgétairement, les dépenses sont juridiquement plafonnées : il s’agit d’autorisations à ne pas dépasser. En revanche, les prélèvements sur recettes peuvent être, en exécution, d’un montant supérieur à celui qui a été voté.

Autrement dit, contrairement aux autres charges, dont nous voterons le plafond global à l’article d’équilibre – l’article 23, qui suit immédiatement notre discussion sur le prélèvement sur recettes –, le montant voté au titre du prélèvement sur recettes peut être dépassé en exécution. Il est d’ailleurs fréquent de constater des écarts significatifs, à la hausse ou à la baisse, entre les montants votés et les montants exécutés. Ainsi en 2014, l’exécution a été supérieure de 123 millions d’euros au montant inscrit en loi de finances initiale.

La question se pose alors aux parlementaires que nous sommes de savoir si les institutions européennes ne pourraient pas faire l’effort de fixer de manière plus précise, voire sincère, le montant du prélèvement sur recettes. Cela permettrait un débat plus transparent sur notre contribution au budget de l’Union européenne.

Mon troisième point portera sur la nature du prélèvement sur recettes. En comptabilité nationale, le prélèvement sur recettes est bien traité comme une dépense, et non comme une moindre recette. Or, étant donné l’écart que nous observons entre ce que nous votons et ce qui est exécuté, il y aurait un effort à demander à la Commission européenne pour que son montant soit le plus précis possible.

Cette réflexion rejoint la préoccupation qui a motivé l’amendement présenté la semaine dernière par notre collègue Pascal Cherki, qui visait à exclure ce prélèvement sur recettes du calcul du déficit nominal. Intellectuellement, cette proposition est largement défendable, eu notamment égard aux écarts que je viens d’indiquer. Pratiquement cependant, elle se heurte au principe de réalité, puisque le déficit nominal n’est que le reflet chiffré de ce que la France devra emprunter en plus en année N + l, sans avoir à tenir compte de la nature de la dépense.

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