Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je souhaiterais saluer le retour dans notre hémicycle du traditionnel débat sur le prélèvement européen – sans toutefois qu’il s’accompagne d’un vote formel à son issue.
Les budgets européens ont ceci de particulier qu’ils sont déterminés par des plafonds en dépenses définis dans un cadre pluriannuel conclu, concernant la période 2014-2020, par le Conseil européen des 7 et 8 février 2013.
À l’intérieur de chaque budget, un difficile équilibre entre la limitation inévitable de la charge sur les finances publiques nationales et un nécessaire soutien aux investissements sur le plan européen doit être trouvé. C’est cet exercice que nous devons évaluer chaque année.
On met souvent en avant le fait que les budgets nationaux étant soumis à des politiques de réduction des déficits – parfois drastiques –, le budget européen devrait suivre la même évolution.
Or, il convient tout d’abord de souligner que contrairement aux budgets nationaux, le budget européen est obligatoirement en équilibre, selon les dispositions des traités. L’Union européenne n’a pas de capacité d’emprunt.
Ensuite, depuis 1988, les budgets nationaux ont augmenté bien plus rapidement que le budget de l’UE.
Enfin, tandis que les budgets nationaux sont utilisés principalement pour des dépenses de redistribution relevant de l’État providence, le budget européen est essentiellement un budget d’investissement destiné au développement à long terme de l’économie.
Conclusion : il faut préserver des capacités budgétaires sur le plan européen. Non seulement elles sont utiles, mais elles n’entrent pas en concurrence avec les budgets nationaux.
En l’état actuel des propositions de la Commission, la contribution française connaîtrait un ressaut très important pour atteindre 25 milliards d’euros en 2020 et 21,51 milliards d’euros pour 2016. Il s’agit là d’une perspective importante, l’augmentation étant conséquente ces dernières années. Loin d’être négligeable, la contribution de la France est même très significative.
Une telle perspective est peu compatible avec la stratégie de retour à l’équilibre, car ces besoins nouveaux se traduiraient immédiatement par des économies supplémentaires à réaliser par chacun des ministères.
L’augmentation de la contribution française au budget de l’Union s’inscrit dans une tendance de long terme – je viens de le dire – qui nous impose en réalité de redéfinir la structure même des recettes et de repenser un système qui n’est pas satisfaisant, cela a été dit avant moi.
Tout d’abord, l’esprit des traités est dévoyé.
Alors que le budget ne devrait être abondé que par des ressources propres, le financement de l’Union dépend désormais en priorité de transferts intergouvernementaux.
Par ailleurs, il n’existe aucun lien entre les sources de financement et les politiques de l’Union, ce qui ne facilite ni la transparence ni l’adhésion citoyenne.
Ensuite, la notion de « juste retour » matérialisée par le calcul du solde net apparaît largement inopérante, si ce n’est pour la correction de déséquilibres flagrants. Qui peut sérieusement estimer le bénéfice financier global d’une politique européenne sur un budget national ?
En outre, quelle serait l’utilité d’un budget européen où chaque État recevrait l’exact équivalent de ce qu’il donne ? Ce ne serait en effet qu’un système de redistribution. Il convient bien plutôt de mettre en exergue la « valeur ajoutée européenne » du budget de l’Union.
L’idée centrale est que les fonds doivent être seulement dépensés au niveau auquel ils sont les plus efficaces. L’Union doit mettre en oeuvre uniquement des projets qui ont une valeur ajoutée européenne.
Chaque fois que les États membres transfèrent des compétences à l’Union, cela doit être une opportunité non pas d’accroître, mais de réduire les dépenses afférentes au niveau national.
Manque également une véritable synergie entre les budgets nationaux et le budget européen, qui doivent être envisagés comme complémentaires, notamment du point de vue des investissements de long terme à effectuer – sinon nous courrons le risque, collectivement, que ni le budget européen, trop faible, ni les budgets nationaux, en proie à leur lutte contre les déficits, ne soient en mesure de soutenir le développement d’investissements nécessaires au retour de la croissance.
Et j’ai bien le sentiment que c’est dans cette situation que nous sommes aujourd’hui.
Pour pallier l’ensemble de ces difficultés, il conviendrait de créer enfin un véritable système de ressources propres à l’Union. C’est une revendication ancienne, partagée par de nombreux parlementaires, de droite comme de gauche, qui devrait être une source d’inspiration en vue d’une réelle réforme du budget européen.
Ce serait un instrument de lisibilité, qui permettrait de simplifier la structure actuelle du budget, divisée entre les ressources propres traditionnelles – droits de douane et prélèvements agricoles –, la ressource TVA et la ressource basée sur le revenu national brut des États membres. Cela permettrait en outre de régler le problème du coût du chèque britannique.
Ce serait un instrument de citoyenneté, qui permettrait de tisser un lien plus direct entre les citoyens et l’Union européenne. La mise en oeuvre d’un prélèvement au titre du financement des politiques communes européennes permettrait en effet aux citoyens de s’identifier davantage à l’Union européenne et de s’approprier le budget communautaire.
Ce serait, enfin, un instrument d’efficacité : ces nouvelles ressources pourraient en effet être un moyen d’inciter à remplir les objectifs des diverses politiques communes. L’efficacité du financement communautaire s’en trouverait ainsi améliorée. Vous l’avez compris : je plaide très vivement pour une réforme du budget européen, qui fasse beaucoup plus de place à des ressources propres, et qui lui permette d’exercer la mission qui devrait être la sienne.