Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, la participation française au budget communautaire prend la forme d’un prélèvement annuel sur les recettes de l’État, autorisé en loi de finances. Ce prélèvement, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, est estimé à 21,5 milliards d’euros pour 2016. Cette estimation induit une hausse de 767 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2015, soit une augmentation de 3,7 %. La France demeure donc le deuxième pays contributeur au budget communautaire, derrière l’Allemagne, mais devant l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne, avec une contribution de près de 17 % des recettes de l’Union européenne – contre 21 % pour l’Allemagne.
La « correction des déséquilibres budgétaires », dont le Royaume-Uni bénéficie en application de l’accord de Fontainebleau de 1984 représente 1,5 milliard d’euros. Notre pays reste le premier financeur du chèque britannique, après l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède. Ces pays bénéficient toutefois, depuis 2000, d’un « rabais sur le rabais », si bien que leur contribution réelle est réduite à 25 % du montant qu’ils devraient théoriquement acquitter. La légitimité de ces nombreux rabais, qui ont été accordés au fil du temps, suscite aujourd’hui des interrogations en Europe, comme l’a très justement rappelé Mme Danielle Auroi. Dans ce contexte, nous devons réfléchir à un compromis pour clarifier les contributions de chaque État et essayer de mettre à plat ce système de rabais, qui perturbe l’atmosphère au sein de l’Union européenne. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les démarches entreprises en ce sens ?
Mais revenons à la contribution française au budget européen. Cette contribution donne certes des droits à la France sur le plan européen, mais certains oublient un peu trop facilement qu’en tant que bénéficiaire des fonds européens sur de très nombreux plans, et notamment agricole, la France a aussi des devoirs. Ce dernier projet de loi de finances devait marquer un cap, proposer une stratégie. Or nos attentes sont à nouveau déçues. Rien ne sera fait qui puisse donner des résultats tangibles, et la France restera, comme l’a dit la Cour des comptes, le mauvais élève de l’Europe. Notre déficit public restera nettement supérieur à la moyenne de la zone euro – qui était de 2,4 % en 2014, contre 2,9 % en 2013 – et même de l’Union européenne – 2,9 %. Il en est de même en matière de dépenses publiques, de croissance, ou de chômage : la France est évidemment dans une situation beaucoup plus grave que tous ses partenaires.
L’étude comparative conduite par la Cour des comptes indique que la France est à l’écart de la décrue européenne en matière de chômage. Alors que le chômage continue d’augmenter inexorablement en France, la situation chez nos voisins européens s’améliore. En un an, le taux de chômage a baissé dans vingt-deux États membres de l’Union européenne, y compris en Grèce. La Cour ajoute que le redressement sur le front de l’emploi a été relativement important dans les pays qui, comme l’Espagne, et, plus récemment, l’Italie ou le Portugal, ont procédé à une réforme de leur marché du travail. Pour ces pays, l’inversion de la courbe du chômage est aujourd’hui une réalité ; ils affichent par ailleurs un âge légal de départ à la retraite compris entre 65 et 67 ans. Malheureusement, rien ne sera fait dans notre pays pour obtenir des résultats tangibles, comparables à ceux des pays que la Cour des comptes prend en exemple.
Comment voulez-vous que la France soit crédible et qu’elle pèse sur la scène européenne, alors qu’elle est loin d’être exemplaire sur le plan économique ? Par trois fois, François Hollande a négocié un délai en promettant des réformes, que nous n’avons jamais vues. Dans le même temps, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande, grâce à de véritables réformes ambitieuses, s’engageaient sur la voie du redressement. Mais en 2016, le contexte économique mondial sera peut-être plus préoccupant que cette année. La remontée des taux d’intérêt américains, annoncée pour la fin de l’année, qui s’accompagnera d’un durcissement de la politique monétaire américaine, va freiner la croissance mondiale et réduire les débouchés pour l’Europe.
Les nouveaux enjeux capitaux que sont la crise des migrants et celle de la zone euro vont certainement accroître notre participation au budget européen, car nous devons apporter une réponse européenne unie à ces défis. Ces enjeux posent donc la question de l’exécution budgétaire, qui entraîne fréquemment des réévaluations de la contribution des États membres.
Dans le cadre de la solidarité envers la Grèce, nous avons déjà contribué, avec les autres démocraties européennes, à un effort de solidarité sans précédent, à hauteur de 320 milliards d’euros, même si Mme Rabault a eu raison de dire qu’il n’entraîne pas de nouvelles capitalisations. Nous devons tirer des leçons de cette crise pour la zone euro et la protéger, au-delà du cas de la Grèce. Il faut, monsieur le secrétaire d’État, que la France fasse des propositions fortes sur la gouvernance de la zone euro. Il est grand temps que les lignes bougent sur ce sujet, car nous ne pouvons pas continuer à avoir une Europe qui fonctionne à 28. Il faut que nous ayons une Europe « en avance », celle de la zone euro, qui soit capable d’instaurer une politique énergétique et industrielle ambitieuse, et qui ait – cela a déjà été proposé – la possibilité de favoriser la convergence fiscale et sociale, de protéger la stabilité de la zone euro, d’éviter que les marchés n’attaquent un prochain maillon faible. Pour cela, il faut un président stable, et à temps plein, de la zone euro, qui se consacre pleinement à sa tâche. Il faut aussi transformer le Mécanisme européen de stabilité en Fonds monétaire européen, car il est un peu désolant que l’Europe soit à la traîne du Fonds monétaire international.
Pour faire face aux migrations, il nous faut aussi refonder Schengen. En guise de préalable, il faut adopter rapidement une politique d’asile commune. Il faut que le statut de réfugié soit le même partout en Europe, et que les réfugiés ne profitent pas du fait qu’un pays pose des conditions plus souples pour pouvoir circuler partout en Europe. Il faut une même politique stricte de reconduite dans leur pays d’origine des migrants économiques en situation irrégulière. En matière de retour, les taux varient, de 70 % dans certains pays à 20 %, voire moins, dans un pays comme le nôtre. Il faut mener rapidement une politique solidaire de contrôle des frontières extérieures de l’Europe, avec des gardes-frontières européens, en renforçant le rôle et les moyens de Frontex, et cela passera forcément par une contribution supplémentaire.
Monsieur le secrétaire d’État, je crois que nous sommes à un tournant. La situation de l’Europe, confrontée à une succession de crises de nature différente, est extrêmement grave. Il est grand temps que la France fasse des propositions de long terme en vue d’une refonte de l’Union : nous ne pouvons plus nous contenter de réactions à court terme aux événements. Je regrette, comme Mme Estelle Grelier, que les crédits pour le chômage des jeunes n’aient pas été augmentés.
Je voudrais, pour finir, évoquer la perspective du Brexit. David Cameron et son gouvernement sont en train de formuler un certain nombre de demandes vis-à-vis de l’Europe, de façon à défendre le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne, avant le référendum qui pourrait avoir lieu en 2016 ou 2017. Je voudrais savoir où en sont les discussions du Gouvernement avec son homologue britannique. Je crois que nous sommes tous convaincus que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne entraînerait une nouvelle crise très grave pour celle-ci.
Voilà, monsieur le secrétaire d’État, les quelques questions que je souhaitais vous poser. Je crois que, dans cette Europe en crise, le temps est venu d’agir sur le long terme : la réforme de l’Europe et de Schengen est plus nécessaire que jamais.