Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 29 septembre 2015 à 18h00
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Jean-René Lecerf, président de la commission des finances de l'Assemblée des départements de France, ADF :

En 2015, une dizaine de départements seront dans une situation qui devrait entraîner leur mise sous tutelle si la loi était appliquée en toute rigueur. Ils devraient être une trentaine en 2016 et une soixantaine en 2017. Ils seront tous dans cette situation en 2018, à l'exception peut-être des Hauts-de-Seine et de Paris.

J'ai été surpris de constater, par exemple, que des départements ruraux sont dans une situation extrêmement délicate en raison du poids de l'APA. Au passage, monsieur le rapporteur, je vous indique que l'APA est la seule allocation individuelle de solidarité que mon département maîtrise à peu près convenablement et je ne m'en réjouis pas : c'est dans le Nord que l'espérance de vie est la plus faible.

Selon les projections effectuées par un cabinet d'étude, si les dotations et les allocations individuelles de solidarité continuent sur leur lancée, l'immense majorité des départements aura une épargne nette négative à compter de 2017. Actuellement, mon département a déjà une épargne nette négative de 30 millions d'euros. Prenons le délai de désendettement – l'un des critères qui permettent d'apprécier la performance et l'état de santé des collectivités : en 2017, le délai de désendettement devrait passer à 28 ans en moyenne, sachant qu'il est déjà de 25 ans dans le Nord. Au-delà, on ne compte plus, si je puis m'exprimer ainsi.

Pour un grand nombre de départements, le souci n'est pas tant l'endettement que l'absence totale d'épargne. Le Nord a un endettement de 1,4 milliard d'euros, ce qui n'est pas considérable, compte tenu de la population et du budget du département. Mais à partir du moment où il n'y a plus d'épargne, nous sommes dans l'incapacité totale d'emprunter davantage que ce que nous devons rembourser. Le problème est déjà d'actualité pour certains et il guette tous les autres.

C'est un problème global, comme j'ai pu le constater : des départements beaucoup plus ruraux que le mien – la Somme, par exemple – se retrouvent dans la même situation. C'est pourquoi je suis assez hostile à l'idée d'isoler les malades, non pour les mettre en quarantaine mais pour les aider. La théorie des dominos s'applique aux collectivités territoriales : la commune se retourne vers son interlocuteur naturel, le département, avec lequel elle travaillait en confiance dans les contrats de territoire ; actuellement, elle se retrouve dans une impasse totale.

Pour les communes qui ont des travaux urgents à réaliser, on invente des formules dont l'intérêt est accessoire : autoriser le démarrage des travaux avant l'octroi de subventions, en précisant de manière extrêmement claire que l'autorisation ne crée pas de droit à subvention. C'est en quelque sorte une manière de dire à la commune qu'elle ne perd pas toute chance si d'aventure le département revenait à meilleure fortune. Certaines collectivités s'engagent dans des travaux importants en espérant des subventions qui n'arriveront peut-être jamais, et les conséquences peuvent être calamiteuses quelques mois ou quelques années plus tard.

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