Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 29 septembre 2015 à 18h00
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Jean-René Lecerf, président de la commission des finances de l'Assemblée des départements de France, ADF :

S'agissant des subventions départementales en direction du bloc communal, les chiffres à ma disposition ne distinguent pas entre communes et intercommunalités. Nous ferons des recherches pour vous en procurer. Depuis 2007, l'évolution des subventions globales est linéairement négative : 3 milliards d'euros en 2007, 2,9 milliards en 2008, 2,5 milliards en 2010, 2,3 milliards en 2011, 2,2 milliards en 2012 et 2,1 milliards en 2014. Et nous ne ressentions pas encore les effets les plus forts de la crise, et donc du développement du chômage. Je suis convaincu que ce montant va s'effondrer.

Qu'en est-il des effets de levier ? À la limite, les départements sont plus attentifs à maintenir les subventions aux communes et aux intercommunalités qu'à conserver leur propre lot d'investissements liés à l'exercice de leurs responsabilités. Lorsqu'un département a sécurisé ses collèges et de ses voiries, sa principale préoccupation est d'aider les communes et les intercommunalités. Il faut faire des choix. En matière culturelle, de nombreux musées départementaux ont été créés, tel le Musée Matisse du Cateau-Cambrésis, pour être des éléments de développement des territoires. Leur réussite est à la fois culturelle, économique et de développement.

S'agissant de la non-compensation à l'euro près, je ne cherche pas à savoir qui est responsable. De par mon parcours politique, je suis plus ami avec Jean Pierre Raffarin, qui est à l'origine de la loi portant la décentralisation du RMI et la création du RMA, qu'avec Lionel Jospin, dont le gouvernement a prévu de ne pas compenser plus de la moitié du poids de l'APA – nous en sommes loin ! Certes, avec le développement de la crise, l'écart entre le coût du RSA et la compensation de l'État s'est creusé. Aujourd'hui, la difficulté supplémentaire vient du fait que les problèmes se multiplient pour les départements, qui sont confrontés à la fois à la non-compensation des transferts et à la baisse des dotations.

Effectivement, madame Pires Beaune, l'année 2014 a été moins catastrophique que prévu grâce au pacte proposé aux départements : l'État a fait l'effort de nous transférer les frais de gestion du foncier bâti et nous a autorisés à porter de 3,8 % à 4,5 % le taux des DMTO. Sinon, nous n'aurions pas passé l'année. À un moment où l'activité immobilière était en baisse, ce pacte a permis aux départements de maintenir leurs revenus. Il a été le bienvenu, mais il n'a fait que retarder d'un an l'effet de ciseau.

Madame Dumas, vous avez raison, il faut revoir les modalités d'intervention, notamment dans le domaine médico-social. Comme beaucoup de départements, nous sommes en train de développer les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM), ce qui est parfois une révolution dans le fonctionnement des établissements. Certains de ces établissements, d'une puissance considérable, emploient 1 500 personnes et accueillent 3 000 ou 4 000 usagers. D'autres sont beaucoup plus petits. Mais cette révolution culturelle des CEPOM me paraît tout à fait essentielle.

Nombre de départements, débordés par leurs difficultés quotidiennes, attribuaient la subvention à leur partenaire au mois d'octobre ou novembre de l'année n pour l'année n, ce qui revenait à priver l'établissement public d'une réelle autonomie financière et de gestion. Nous avons rencontré les responsables des grandes associations représentant l'ensemble du secteur médico-social. Ils nous ont dit et répété que, bien sûr, ils ne sautaient pas de joie devant l'annonce de baisse de subventions mais que si elle pouvait se faire de manière claire et précise au mois d'octobre ou novembre de l'année n pour l'année n + 1, ils arriveraient à gérer l'essentiel en évitant les conséquences trop dommageables pour les personnes concernées. C'est l'une des révolutions culturelles en cours.

Vous parlez d'effet de levier en matière de fonctionnement. Le premier auquel je pense concerne les emplois extrêmement importants d'aide à la personne, qui entrent dans le cadre des compétences départementales et qui pourraient parfaitement être proposés, après formation, aux allocataires du RSA. Cela implique une évolution des politiques des régions en matière de crédits de la formation professionnelle : environ 10 % de ces crédits sont consacrés aux demandeurs d'emploi – chômeurs ou allocataires du RSA – et tout le reste finance la formation continue. Je ne nie pas l'importance de la formation continue mais dans la période de turbulences que nous traversons, il me semble que les demandeurs d'emploi devraient être l'une des préoccupations fondamentales des conseillers régionaux dans le cadre de ces budgets de formation professionnelle.

Actuellement, les associations d'aide au maintien à domicile et celles qui forment certains travailleurs sociaux tels que les assistants familiaux ont beaucoup de mal à convaincre des personnes de les rejoindre. C'est d'autant plus problématique que nous sommes dans une situation de l'emploi très difficile dans bien des départements de France, dont le mien. Ces difficultés de recrutement peuvent s'expliquer par des raisons matérielles – la différence insuffisante entre l'allocation et le revenu du travail – mais aussi par le manque de reconnaissance de ces emplois par les collectivités. Comme les emplois d'assistante maternelle ou d'assistants familiaux dans le passé, les emplois d'aide à la personne ne bénéficient pas actuellement de la protection et de la reconnaissance suffisantes pour être vraiment attractives aux yeux de nombre de nos contemporains. Or ces emplois, qui consistent à s'occuper des autres, sont particulièrement nobles.

Je voudrais revenir sur un point, que je n'ai pas abordé, concernant la baisse – quand il ne s'agit pas d'un effondrement – des investissements des départements. Ce phénomène provoque un problème supplémentaire : mon département emploie des techniciens et des ingénieurs compétents qui géraient 500 millions d'euros d'investissement il y a quelques années et qui n'en gèrent plus que 175 millions aujourd'hui. Autant vous dire qu'ils ne sont pas débordés. Ils viennent nous le dire et nous expliquer qu'ils préféreraient de très loin être payés à travailler plutôt qu'à ne rien faire.

Certaines solutions paraissaient simples, tellement simples qu'elles devaient être simplistes. Lors d'un congrès des maires de mon département, je leur avais proposé de mettre au moins de la matière grise à leur disposition puisque je n'avais pas les moyens de leur accorder les subventions qu'ils sollicitaient. L'idée était d'envoyer certains techniciens et ingénieurs aider des mairies ou des intercommunalités à monter leurs dossiers. C'est beaucoup plus compliqué que cela en a l'air ! Je me trouve en concurrence avec des bureaux d'études. Je me trouve devant des interdictions édictées par la loi NOTRe d'intervenir dans une commune de plus d'un certain nombre d'habitants. Je me trouve dans l'impossibilité de mettre une personne à disposition sans contrepartie financière, sauf à construire une usine à gaz où je dois exiger le prix de la mise à disposition et verser une subvention pour le compenser totalement ou partiellement.

Il faudrait trouver des solutions plus simples, utilisables par les collectivités qui sont confrontées à une surcharge de personnel qu'elles ne pourront gérer que sur la durée. Le seul moyen que j'ai de réduire le nombre des quelque 12 500 personnes qui travaillent au département du Nord est de jouer sur les départs en retraite qui peuvent ne pas être intégralement compensés. Si un médecin des services de protection maternelle et infantile (PMI) part en retraite, je le remplace ; si un fonctionnaire du service d'implantation d'entreprises – une compétence qui ne va plus être départementale – part en retraite, je ne le remplace pas. Quoi qu'il en soit, je suis dans la quasi-impossibilité de faire travailler au service des communes des personnels qui pourtant ne demandent que cela.

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